mardi 11 octobre 2022

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. UNE RENCONTRE CONTINUÉE DE JAMES SACRÉ AU CASTOR ASTRAL.

J’aime la poésie de James Sacré. Comment d’ailleurs ne pas l’aimer, elle qui noue depuis plus d’un demi-siècle une relation à la vie toute d’ouverture, d’attention, de sensibilité sans jamais élever la voix, adopter de grands airs ou renvoyer son lecteur à sa prétendue nullité. Certes il y a parfois quelque complaisance et une certaine facilité dans l’œuvre si généreuse de Sacré, mais c’est aussi ce qui nous la rend plus humaine et familière[1], dans sa toute confiante et voisine prodigalité.

D’autant que le souci de langue, l’inquiétude vraie qu’il en a, empêche chez lui à chaque fois l’image de se figer, la fragile rencontre qu’établit le texte avec le monde de, comment dire, se vernisser, se vitrifier et qu’il est à mon sens un des rares chez qui la parfaite clarté toujours de l’expression, qui ne va pas comme on le sait, chez lui, sans bien des libertés, ne se berce d’aucune illusion de maîtrise ou d’appropriation.

Heureux donc aujourd’hui de saluer la parution au Castor astral et dans sa collection de poche, d’un ouvrage dans lequel James reprend une série de textes publiés dans le compagnonnage d’amis comme Yvon Vey ou Bernard Abadie dont on découvrira ici quelques dessins et plusieurs photographies. Outre la bien sympathique présentation de Bernard Chambaz qui voit la fabrique du poème chez Sacré comme une façon de faire se lever les choses, «lever comme une pâte, comme une volée de perdreaux, comme une stèle, le jour ou le rideau, les étendards, le courrier », on se penchera avec intérêt sur la Carte d’identité poétique que James dresse de lui-même à la fin de l’ouvrage retraçant en quelques pages la totalité de son parcours, du village de Cougou où il a vécu son enfance, à Montpellier où il vit aujourd’hui. Insistant bien sûr sur les grandes étapes de sa « carrière » de poète, devant énormément on le verra aux rencontres. Signalant au passage la chance qu’il a eu de pouvoir échapper, vivant à l’époque aux États-Unis, aux effets destructeurs du textualisme dominant. Et concluant de façon en apparence, mais rien qu’en apparence, paradoxale, sur le sentiment persistant d’une « grande solitude en poésie ». Cette solitude, je crois, que connaissent bien ceux qui, quel que soit leur talent, leur succès, continuent jusqu’au bout à douter.

 

Pour prolonger découvrez en toute liberté, le beau Cahier de notre revue numérique PARTAGES, consacré à James Sacré.



[1] Familière oui, car même lorsqu’elle nous emmène en des lieux étrangers, lointains, le poème prend très souvent chez James non l’allure mais la dimension d’une conversation au sens où par exemple le prend le poète Stéphane Bouquet que j’aime tout autant, dans sa Cité de paroles, tout particulièrement dans sa dernière partie intitulée « tout et rien, surtout rien ». Dans cet ouvrage que vraiment aussi je recommande, S. Bouquet définit, à la suite du philosophe et écrivain Stanley Cavell, cette conversation comme « le lieu où deux ou plusieurs humains expérimentent le degré de communauté de leur existence, la limite jusqu’à laquelle ils se comprennent, leur façon d’appartenir à notre cité de paroles ». 

La photo qui illustre cet article est de J.L. Estèves.


 

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