J’aime la poésie de James Sacré. Comment d’ailleurs ne pas l’aimer, elle qui noue depuis plus d’un demi-siècle une relation à la vie toute d’ouverture, d’attention, de sensibilité sans jamais élever la voix, adopter de grands airs ou renvoyer son lecteur à sa prétendue nullité. Certes il y a parfois quelque complaisance et une certaine facilité dans l’œuvre si généreuse de Sacré, mais c’est aussi ce qui nous la rend plus humaine et familière[1], dans sa toute confiante et voisine prodigalité.
D’autant que le souci de langue, l’inquiétude vraie qu’il en a, empêche chez lui à chaque fois l’image de se figer, la fragile rencontre qu’établit le texte avec le monde de, comment dire, se vernisser, se vitrifier et qu’il est à mon sens un des rares chez qui la parfaite clarté toujours de l’expression, qui ne va pas comme on le sait, chez lui, sans bien des libertés, ne se berce d’aucune illusion de maîtrise ou d’appropriation.
[1] Familière oui, car même lorsqu’elle nous emmène en des lieux étrangers, lointains, le poème prend très souvent chez James non l’allure mais la dimension d’une conversation au sens où par exemple le prend le poète Stéphane Bouquet que j’aime tout autant, dans sa Cité de paroles, tout particulièrement dans sa dernière partie intitulée « tout et rien, surtout rien ». Dans cet ouvrage que vraiment aussi je recommande, S. Bouquet définit, à la suite du philosophe et écrivain Stanley Cavell, cette conversation comme « le lieu où deux ou plusieurs humains expérimentent le degré de communauté de leur existence, la limite jusqu’à laquelle ils se comprennent, leur façon d’appartenir à notre cité de paroles ».
La photo qui illustre cet article est de J.L. Estèves.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire