mardi 11 février 2025

SAUTONS DANS QUI RESPIRE AVEC JADIS POÏENA D’HÉLÈNE SANGUINETTI CHEZ FLAMMARION.

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SAUTONS

dans qui respire,

 

Se servir du point comme tremplin. De la virgule non pas comme une pause, mais une entaille, pour accélérer l’écriture, la pousser en avant. En avant ! C’est le mot d’ordre du poème dans l’œuvre d’Hélène Sanguinetti, même quand, traversé par un deuil, il se tourne vers le Jadis, « la douceur propre au jadis », comme elle l’écrit dans son Avant-Propos qui explique la raison pour laquelle elle a finalement accepté la proposition d’Yves di Manno, de conjuguer dans un même recueil son dernier livre-poème, Jadis, Poïena, sous titré une poème et son tout premier livre, Fille de Jeanne-Félicie, écrit il y a plus de 38 ans.

C’est en fait de mouvements et de relations, d’élans, de ruptures, de coups d’arrêt et de reprises, d’une suite syncopée d’impulsions que procède l’art poétique d’Hélène Sanguinetti. Qui cherche moins à rendre compte du réel qui l’entoure qu’à lui rendre coup pour coup, répondant toujours à la violence à la fois merveilleuse et terrible des choses par une façon bien à elle de stimuler, d’électriser la langue, pour la reconvertir en vie. Jusque dans la chute, la perte ou le regret.

Jadis, Poïena, d’Hélène Sanguinetti, est une mise en théâtre de voix venant de divers points répliquer, au sens presque sismique du terme, au deuil qui l’a frappé. Choc puissant dont les marques restent bien visibles à l’intérieur d’un(e) poème qui, à la façon des grandes lyriques d’autrefois, commence par invoquer les Muses, aujourd’hui devenues ombres et revient par deux fois, à l’intérieur de courts blocs de prose, sur l’enfant qu’elle a été, Fille de mère bien sûr, mais aussi de tout un paysage, milieu, matériel et humain, qui lui auront fait famille.

Alors, quand s’élèvent ces voix, jusqu’à celle de deuil qui aujourd’hui profondément les colore, il se produit la même chose dans sa langue qu’une explosion d’énergie qui fait, qui veut, que « des mers reculent / d’autres avancent », que les « fleurs/fanées se réveillent,/ se remettent/ en bouquet,/ de l’autre côté/ de la frontière, », tandis que les images toujours vives des anciennes amours reviennent, descendent « sans freiner/ à peine un bout/ de savate ROUIIIIINNNNN ! » jusqu’à l’eau de la rivière.

Ça sent bon alors « l’amour du sauvage », « l’amour des Huns ».

Ces « Huns » dont en même temps il importe de ne pas oublier la violence destructrice dont ils restent chargés dans notre imaginaire.

 


 

vendredi 7 février 2025

TIEPOLO. PRÉNOM GIANDOMENICO. POUR L’ALLANT SPECTACLE MALGRÉ TOUT DE LA VIE.

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Revoyant il y a quelques jours, pour les classer, les innombrables photos prises à Venise lors du dernier séjour que j’y aurai effectué, les bien surprenantes et attachantes fresques de Tiepolo rassemblées à la Ca’Rezzonico m’ont donné envie d’en savoir plus. On passe dans les musées, on passe dans les rues, on traverse des paysages, toujours trop vite. Et sans savoir vraiment. Et il est bon de prendre le temps parfois de s’arrêter pour comprendre, ne serait-ce qu’un peu ce qu’on croit avoir vu.

En fait, les Tiepolo sont deux. Goethe qui avait pu découvrir leur travail dans la Villa Valmarana ai Nani, à Vicenze, les confondait, célébrant dans son Journal, un style à la fois naturel et sublime, alors que ce « naturel » comme il disait, n’était propre qu’à Giandomenico, ce fils de Gian Battista dont le particulier génie continue toujours aujourd’hui à lui faire de l’ombre.

mercredi 5 février 2025

LE POÈTE COMME « ALLUMEUR FONDAMENTAL ». JE M’APPROCHE DE LA FIN DE JACQUES DARRAS CHEZ GALLIMARD.

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« J’entends chanter jusqu’à la fin » et « reconnaître l’inéluctable », après uniquement « l’avoir toisé de près », déclare dans son dernier ouvrage, au titre bien parlant, ce puissant « appeleur d’images » qu’est l’architecte du cycle de la Maye, l’auteur de L’Indiscipline de l’eau et de tant d’ouvrages dont depuis des années nous avons eu plaisir ici à rendre compte.

samedi 1 février 2025

IMAGES DE GIANDOMENICO TIEPOLO.


Je ne sais si je retournerai - l’âge ! - à la Ca’Rezzonico. Combien pourtant j’aimerais revoir la fresque du Mondo Novo de Tiepolo[1] et ses Pulcinelli ! Vraiment, je ne comprends plus trop, aujourd’hui, pourquoi cet artiste qui me semble, mais je n’ai rien d’un expert, tout aussi intéressant que Watteau avec lequel il partage d’ailleurs bien des choses, n’est pas davantage considéré, lui qui, à ma connaissance n’a encore fait l’objet, chez nous, d’aucun ouvrage d’importance. Et que beaucoup encore considèrent comme un « peintre mineur ».

Peintre virtuose au contraire, Giandomenico Tiepolo possède au plus haut point cette grâce, cette vivacité d’exécution, qui veulent ou plutôt font – car ici point d’affectation - que rien chez lui ne pèse ou bien ne pose. Il aura avec son père Giovanni Battista décoré les murs et les plafonds de certains des plus beaux palais d’Europe. Jusqu’à ce que toute la froideur du goût néoclassique vienne se substituer au dynamisme follement libre et lumineux, grandiose, de ce qu’avec mépris on appellera, dans le sillage de David, au tournant final donc du XVIIIème siècle, le « rococo ». Retiré les quelque vingt dernières années de sa vie, dans sa propre villa de Zianigo[2], il ne peindra plus, ou presque, que pour lui, ornant les murs et les plafonds de sa demeure de nouvelles figures qui ramènent le spectateur vers l’aujourd’hui d’un monde où les illusoires héros guidant d’une main à la fois sûre et légère le char qui leur faisait inventivement traverser le ciel, cèdent la place à des Polichinelles. 

mercredi 29 janvier 2025

RÉCÉPISSÉ DÉCOUVREURS POUR JADIS, POÏENA UNE POÈME D’HÉLÈNE SANGUINETTI CHEZ FLAMMARION.


 Je reparlerai à coup sûr de cet ouvrage qu'Hélène Sanguinetti vient de m'adresser. Hélène Sanguinetti est avec Ariane Dreyfus l'un des tout premiers poètes sur lesquels il m'a été, il y a maintenant presque une trentaine d'années, proposé d'écrire dans ce qui était alors La Quinzaine Littéraire. J'avais bien aimé ce De la main droite exploratrice que j'avais alors découvert. Depuis j'ai eu l'occasion de rendre compte d'un certain nombre des ouvrages d'Hélène qui ont suivi. L'élan, l'inventivité, du poète qu'elle est, se confrontant avec la plus grande liberté à la nécessité de dire ces chocs terribles comme merveilleux, merveilleux comme terribles qui font notre rencontre avec la vie, sont de ces choses rares qu'il m'importe d'accompagner. 

lundi 27 janvier 2025

VERS L’ÉPROUVANTE SIMPLICITÉ DES MATIÈRES ÉLÉMENTAIRES : HRAUN DE FLORENT TONIELLO (Michikusa Publishing Luxembourg)

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Venue de loin, une conscience sensible s’émerveille des présences auxquelles accorder son corps, son regard, son esprit, sa langue, à l’intérieur du paysage dépourvu d’homme dans lequel elle vient de se voir précipitée. Le luxembourgeois Florent Toniello a découvert l’Islande durant l’été 2023. En résidence d’auteur à Berlin, lui est venu l’idée d’évoquer ces rudes territoires en une série de poèmes en prose, centrés sur divers éléments de nature qui en sont  le plus caractéristiques : aurore boréale, fjord, geyser, cratère, lac, neige, banquise, brume, glacier, cendre et lave dont le nom islandais, HRAUN, fournit le titre de l’ouvrage. Quelques présences animales, ours polaire, renard, courlis corlieu, ainsi que mythologique, elfe, complètent ce tableau auxquelles les images d’un photographe allemand établi en Islande, Thomas Fleckenstein, ajoutent un suggestif contrepoint.

dimanche 26 janvier 2025

DONT SE DÉLIVRE AUSSI LA NEIGE, SUITE DE GEORGES GUILLAIN.

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 souvent aussi
c’est fatigue de l’écrire

et d’avancer mot
après mot
parmi les mots

disséminés

nous dissemblables
et pourtant rattachés

abouchés

par cette marche même
en sol quelconque
et lessivé de trop d’usage

à tant de voyageurs urgents
pressés de naître

et dans la neige
qui s’effacent

 

Pour ceux qui auraient encore la curiosité de découvrir. Avec des détails de deux oeuvres du peintre français d'origine hongroise, Miklos Bokor.

Peut aussi se feuilleter sur Calameo.

vendredi 24 janvier 2025

À PROPOS DE FICTION TOMBEAU PARU DANS LE DERNIER LIVRE DE DOMINIQUE QUÉLEN CHEZ BACKLAND ÉDITIONS.

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Personne ne me croira, j’imagine, si j’affirme que la poésie de Dominique Quélen est une poésie des plus claires. Ou comme il l’écrit lui-même, d’une « obscurité plus claire que la clarté même ». Et pourtant quiconque garde bien à l’esprit 1) ces deux ou trois choses fondamentales que ses cours de linguistique lui auront enseignées à propos de la différence entre le mot et la chose, la nature complexe et diverse du signe, comme aussi 2) certaines des considérations de Stéphane Mallarmé autour de la fleur absente de tout bouquet ou par exemple encore de la disparition élocutoire du poète, sans trop négliger non plus 3) ce qu’il faut savoir du Temps comme des temps qui s’efforcent dans nos langues à le décomposer grammaticalement en formes, pourrait souscrire à cette affirmation[1]. Bien reconnu, par ailleurs, que les textes de Dominique Quélen procèdent assez souvent, quelle que soit la nature de ce qu’ils évoquent, d’un humour pince sans rire et d’une forme sans doute un peu douloureuse mais tout-à-fait réelle d’auto-dérision, je crois pouvoir dire que ces livres avec toute l’invention perpétuelle qui les caractérise, signifient à coup sûr davantage que ces monceaux de vers de Carnaval ou de Carême qui ne cherchent, à gros ou maigres renforts de clichés comme de clins d’œil à la mode du temps, qu’à faire poésie sans en prendre le risque vraiment.

mercredi 22 janvier 2025

DÉCOUVRIR UN EXTRAIT DU DERNIER LIVRE D’EMMANUEL MOSES, ET SOUVIENS-TOI QUE JE T’ATTENDS (ÉDITIONS MONOLOGUE)

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 Trois personnages pouvant indifféremment être deux femmes et un homme ou deux hommes et une femme, attendent "quelqu'un". Qui devrait arriver. On pense bien entendu à Godot. Mais le titre de l'ouvrage qui renvoie à Apollinaire lui confère une tonalité très différente de celle qui caractérise l'oeuvre de Samuel Beckett. 

Merci à Gilles Jallet de m'avoir adressé ce texte.  

EXTRAIT :

vendredi 17 janvier 2025

MARIONNETTES DE LA POÉSIE.


 

Bien. Je repousse depuis trop longtemps l’idée de dire quelque chose de ces livres qu’assez souvent je reçois et qui pour n’être pas dépourvus d’intérêt n’en sont pas moins, pour moi, éloignés de ce que personnellement je considère être de la poésie.

Souvent écrits par des êtres sensibles entretenant un généreux commerce avec la chose, qu’elles achètent, recommandent et déclarent volontiers placer au-dessus du reste, les livres auxquels je pense sont des ouvrages qui sous l’étiquette de la poésie se proposent de faire état des blessures personnelles que sous les formes les plus diverses, la vie ne manque pas de faire subir indistinctement à tous. De façon plus ou moins grave. Ces écritures qu’on peut dire de l’intime relèvent d’une forme d’autobiographie à vocation plus ou moins thérapeutique dont je m’en voudrais de nier l’importance.