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Il était le plus
ancien des camarades de Guillaume Apollinaire. Poète mais aussi artilleur
durant la première guerre mondiale, c’est sur le plateau de Californie,
au-dessus de Craonne, au cours de la célèbre offensive Nivelle, qu’il fut tout
d’abord blessé avant d’être mortellement touché par un obus. Enterré à la hâte,
sa tombe fut ensuite vraisemblablement pulvérisée par les tirs de ces minnenwerfer ou mortiers de tranchée,
appelés crapouillots par les
français, qu’il évoque dans ce poème prémonitoire qu’il fit paraître dans une
petite revue du front, Les Imberbes, réalisée avec Jean Le Roy et dans laquelle fut accueilli le célèbre texte de Guillaume
Apollinaire, Du Coton dans les oreilles.
Il nous a paru important de porter à la connaissance d’un
plus large public, principalement aussi celui des jeunes des écoles, cette Ballade à tibias rompus où Dalize met
des paroles fortes et impressionnantes sur les terribles réalités du front au
contact desquelles il se trouve. La saisissante prosopopée par laquelle il raconte
de l’intérieur le devenir du cadavre d’un soldat allemand sur le champ de
bataille et lui fait exprimer le regret de son existence perdue tourne le dos
comme l’écrit Laurence Campa dans Poètes
de la Grande Guerre « aux
impératifs du réalisme testimonial » pour se présenter « comme une danse macabre qui entraîne dans sa
pantomime toute une tradition littéraire, en mêlant les registres élégiaque et
humoristique, les décalages rythmiques, les dissonances et la mélodie lyrique,
les archaïsmes et le lexique de la guerre moderne». On y retrouvera des
échos de Villon, bien sûr, comme ceux d’Une
Charogne de Charles Baudelaire ou des Complaintes
de Jules Laforgue. Avec en plus une vision totalement désabusée d’un ordre du
monde où n’existe même plus la rassurante imagination d’un repos éternel. Où
les morts mêmes restent en butte à la folie destructrice qui s’est emparée des
hommes et où comme le remarque encore Laurence Campa, les bons vents auxquels
notre poète a emprunté son pseudonyme, Dalize*, « lui infligent un inconfort ultime et dérisoire » sous forme d’éternuement
provoqué par un coryza.
* Dalize s’appelait en réalité Dupuy. Il s’était engagé
avant la guerre dans la marine et comme l’écrit Salmon dans le texte qu’il lui consacra après sa mort, « Il s'était choisi ce pseudonyme de Dalize par allusion
à des vents favorables », les alizées.