samedi 15 janvier 2022

S’IL FALLUT UN JOUR LA GUERRE, UN PREMIER LIVRE SECOURABLE D’ANNE BROUSSEAU AUX ÉDITIONS LA TÊTE À L’ENVERS.

Amrita Sher-Gil, Paysage d'hiver Hongrie, 1939

On sait à quel point le mot « guerre » couvre aujourd’hui un spectre des plus larges. Notre bon Président n’a-t-il pas établi que nous étions en guerre. Contre un virus invisible sans doute. Mais en guerre quand même. La guerre dont parle Anne Brousseau dans l’ouvrage qui paraît d’elle aux éditions La tête à l’envers, est quant à elle une guerre intérieure. De celles qui déchirent l’être. Le rendent mal habitable. Douloureux. Jusqu’à le rendre insupportable. Parfois.

Ce n’est toutefois pas de l’intérieur comme généralement le fait cette forme de poésie dite confessionnelle dont le mérite quand elle est vraie – terme bien sûr dont il faudrait activement débattre – est de mettre en évidence et de proposer en partage, cette intime difficulté à vivre qui est le lot de bien des âmes et pas toujours des plus apparemment fragiles, non, ce n’est pas de l’intérieur, à la première personne, qu’Anne Brousseau rend compte de cette « part noire » destructrice, adonnée à la colère, que beaucoup portent en eux. Et qui leur fait la guerre. Écrits à la troisième personne, la suite, l’itinéraire, que forment la quarantaine de courts poèmes qui composent l’ouvrage, dressent en fait l’image d’une figure masculine qui entreprend sa lente et difficile reconstruction, près d’une femme et d’un jardin vers lesquels elle est revenue. Et c’est à toute la puissance d’empathie de l’auteur, plutôt qu’à sa capacité directe d’expression, son expressivité pure, que nous devons d’approcher par le texte, le drame dont elle s’efforce de comprendre et de nous faire comprendre l’énigmatique nature.

Si bien que ce travail, sous forme poétique, touche en fait au roman. Un roman dont l’auteur ne livrerait que l’os, l’ayant affranchi, purifié de la plupart de ses éléments d’identité, d’évènements, de circonstances, pour le ramener à l’essentiel : cette lutte à deux personnages, allégorisée, mais foncièrement épuisante, désespérante, que se livrent à l’intérieur d’un proche l’envie comme solaire de vivre et l’ensemble des forces qui tournent à sa destruction.

C’est par petites touches que procède Anne Brousseau usant d’une forme, d’un vers, qui sans être réguliers font ici le pari d’opposer aux tensions intérieures qu’elle montre, une sorte de tranquillité, de stabilité qui miment plutôt l’accueil du foyer, du jardin, la compréhension qui rassure, que le désordre angoissé et abîmé de l’âme.

Pudique, discrète, la poésie d’Anne Brousseau est ici celle d’un regard à la fois généreux et compatissant qui accompagne. Un de ces regards qui redonnant espoir et courage compte sûrement parmi ceux dont nous avons aujourd’hui le plus humainement besoin.


 

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