Oui, l’émotion. L’émotion. Quand au bois par exemple il y a un oiseau. Que son chant vous arrête. Et vous fait rougir. Mais combien sommes-nous aujourd’hui à oser, mais aussi savoir, mettre en forme nos émotions. Les sublimer comme l’aura fait Rimbaud, en illuminations. Pour lui et pour les autres.
Ce n’est pas tout-à-fait d’émotion mais de sensiblerie, de sentimentalité, que part le texte que le poète Olivier Barbarant a placé, dans le dernier numéro de la revue Contre-Allées[1], dans la série intitulée par lui Un printemps divers. Réfléchissant à la triste situation dans laquelle, selon lui[2], nous nous trouvons plongés de ne pouvoir plus, sans ridicule ou sans honte, exprimer les mouvements, élans, entraînements, remuements de sensibilité qui nous traversent, renversent, en bien des occasions pour nous majeures de l’existence, il dénonce le caractère convenu de cette posture qui ne laisse finalement d’autre choix que de garder pour soi, sans en rien faire, la mémoire de ce qui nous aura ému.
Ainsi, « au poncif du larmoiement » écrit-il, ne pouvons-nous opposer que « le catéchisme de l’ironie ». C’est vrai que bien des confessions, bien des sentiments affichés ont quelque chose en eux de malpropres. Animés on le voit trop bien par le souci de l’image. Nourris de mauvaise littérature plus que de réalité. Mais diable ! comme l’écrit Paul Audi, dans un livre majeur, si l’esprit doit toujours continuer à jouer son rôle pour nous détourner des pièges de la barbarie, il est indispensable d’y associer « le cœur, si par ce mot l’on entend seulement la dimension de l’affectivité où se manifestent ce Jouir et/ou ce Souffrir en quoi se donne à sentir la passibilité même du corps de chair » qui est le nôtre[3].