mercredi 18 janvier 2023

UN LIVRE C’EST QUELQU’UN. À PROPOS DE LIRISME, D’AURÉLIE FOGLIA CHEZ CORTI.

Ce n’est pas une note de lecture[1]. Juste l’ébauche d’une sorte de conversation comme on en aurait avec une personne qu’on connaît comme ça, mais sans plus, avec laquelle, la pluie ayant cessé de tomber, la lumière étant revenue, on se serait un peu attardés dans la rue, à échanger des impressions. Tout ça pour dire que le livre d’Aurélie Foglia, je n’ai pas encore trouvé le temps, vraiment de le lire, de m’engager dans sa lecture. Que je l’ai seulement feuilleté. Mais que j’ai bien envie cependant d’en partager ici quelque chose. Qui dira quand même qu’il existe. Qu’un regard l’aura parcouru. Aura aussi eu l’envie de le lire.

Les gens qu’on rencontre ont des vies. Des vies qui en profondeur les remuent. Les font toucher à des milliers et des milliers de choses dont leur monde est rempli. On ne peut que les imaginer quand on ne fait que les croiser. Ce qui n’est pas nécessairement triste. C’est la vie. C’est le temps. Je prends le livre d’Aurélie Foglia comme ça. Une personne que je rencontre. Qui me livre une petite partie d’elle. Mais qui suffit à notre reconnaissance réciproque. D’êtres humains vivants. Dans nos vies différentes.

L’abord est simple : lirisme : un livre de lecture. Où il serait question moins de chanter – la lyre – que de dire ce qu’on peut dire autour de lire. En se regardant soi mais les autres aussi et pourquoi pas les choses à travers cette activité. Le premier poème me retient. Moi aussi je pense qu’on trouve un peu trop de ces livres dans lesquels leur auteur laisse traîner son vécu. Ce n’est pas que ça ne m’intéresse pas mais c’est souvent terriblement attendu. Un peu trop dans la posture. Ça sonne souvent faux. Mais ce n’est pas ce qu’Aurélie Foglia veut dire. Enfin pas essentiellement. Le texte se clôt sur l’image d’une pile de livres bouchant l’ouverture d’un velux. Oui les livres parfois nous bouchent un peu la vue.

Le second que je lis parle des livres qui se refusent. Qui vous tournent le dos quand vous les convoitez d’en bas. Ce sont les expressions d’Aurélie Foglia. Dont j’apprécie ici ce que connote ce dernier verbe. Et la précision apportée : d’en bas. Et je me surprends à battre des mains devant l’image finale qui me dit que les pages de tels livres restent collées comme un oiseau qui ne peut pas décoller.

Je me dis alors qu’Aurélie Foglia ne doit pas être de ces trop charmantes personnes qui évitent de s’en prendre aux autres de peur de se voir en retour agressées. Ça se confirme quand je l’entends s’attaquer aux fauteurs de clichés. Aux habitués du bonheur. À ces lecteurs de manuscrits qui les survolent à l’arrache, les cornant d’un doigt sale. Mais, je ne devrais pas ne m’arrêter qu’à cela. Surtout que j’ai encore le temps de l’entendre me décrire ces grandes marées mouvantes d’oiseaux qui grossissent à contrejour, dessinant comme je l’ai vu tant de fois et de la façon la plus spectaculaire un soir d’automne sur Rome, un oiseau mille fois plus grand en transe, dit-elle, sur le ciel noir de mots.  Ajoutant que les œuvres les plus neuves sont sans doute celles qui vont vivre ailleurs.

Vivre ailleurs oui. J’y pense. Et pas seulement que dans les livres. Mais bon. Et pas vraiment au bord d’un lac comme celui qu’elle évoque là, juste avant que je ne m’en aille, avec son froid qui mord, le jour qui baisse, le boucan des couleurs autour et les vagues de rides causées à heures fixes par le départ des canots. Je regarde une dernière page où des lycéens livrés à eux-mêmes sur les pelouses rousses s’effeuillent avec une sorte de grâce qui tient de la paresse. Et conserve avec moi pour la suite de la journée cette dernière image d’enfants qui shootent dans le soleil. Et leur ballon qui comme moi poursuit sa course jusqu’à sortir du champ[2].



[2] J’ai repris autant que j’ai pu les expressions employées par A. Foglia dans son livre. Si je ne les ai pas mises en italiques ce n’est pas pour me les attribuer induement mais bien témoigner par là, trop naïvement sans doute, de leur incorporation par le lecteur trop superficiel et sûrement encore bien trop enfermé en lui-même, certes, mais lecteur quand même, que je me suis trouvé être.


 

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