EXTRAITS
L'hiver est rude
aucune plainte cependant
percent
les petites têtes obstinées
des cyclamens
dans la furie incessante du froid
mots engelures
corset serré champ gelé
crêtes de cristaux que le chien
dans sa course concasse
le chêne
blanc
ne prononce
aucune promesse
n'exige
aucun sacrifice
collé aux branches
papier toilette maculé
étendard de merde
chierie humaine drapeau droit
l'homme ne se laisse pas facilement
oublier
l'hiver fond
sur la laine de son bonnet
le fleuve en stéréo coule
dans leurs oreilles
«
Il faut rentrer, rentrer, rentrer ! »
bredouille-t-elle
staccata
se couler laisser couler sur
le lit du fleuve dans un panier
d'osier déposé devant le seuil de la maison
son grand rire maternel
***
Hiver
Course
Chêne
Merde
Rentrer
***
La porte refermée
la maison se resserre
dans l'attente prochaine
du retour bruyant
les ailés les rampants les bourdonnements
de la communauté des minuscules
société bavarde des mois d'été
«
Ils sont partis »
chuinte une chaise très droite
solitude acrée
les bêtes leurs bruits leurs humeurs
entre elles et elle et le chien
des odeurs inconnues
glissent le long des troncs typhons
montent s'enroulent en boucle
aux tiges se dissimulent sous les feuilles
en paquets offerts aux narines tremblées
la pente douce du museau
l'anse métallique du seau bleu
à la pliure du bras cogne
sa hanche
ses pieds chantonnent dans les bottes en plastique
tout ce qui est nu
genoux cuisses bras
se pare de perles
elle dresse ses oreilles
lourdement les mûres lourdement tombent
dans le seau bleu parfois teintent ses lèvres et ses dents
les ronces l'enlacent la cachent
babines noires du chien le sourire vermeil
***
bruyant
rampants
odeurs
chantonnent
lourdement
[1] Il ne faut bien sûr pas se laisser abuser par cette déclaration qui ne reste ici que programmatique. N’empêche que cette disposition d’esprit qui se fait ici en partie également disposition du corps va dans le sens des évolutions de l’actuelle biologie qui cherche de moins en moins à marquer la singularité de chaque espèce qu’à trouver les convergences qui existent entre elles. À ce propos je ne peux que recommander la lecture du livre de Baptiste Morizot, Manières d’être vivant, qui dans ses premières pages revient sur ce que le philosophe gallois Martyn Evans définit au cœur de notre relation avec l’ensemble du vivant, comme le “ wonder ” : « une forme d’attention altérée , irrésistiblement intensifiée, pour quelque chose que nous reconnaissons immédiatement comme important – quelque chose dont l’apparition engage notre imagination avant notre entendement, mais que nous voudrons probablement comprendre plus complètement avec le temps. » L’ouvrage de Perrine Le Querrec à ce titre m’apparaît bien comme traversé par cet affect qui comme l’écrit B. Morizot « semble appartenir à l’équipement nécessaire pour apprendre à apprivoiser l’inconnu, inventer une nouvelle source de nourriture , un nouveau nid , une routine. »
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