Sans doute y -a-t-il trop d’oiseaux. De métaphores aussi qui s’entrechoquent. Tout un opéra d’éléments, de motifs pris à la nature, qui plonge le lecteur dans un monde qui finalement reste beaucoup plus mental que véritablement ouvert sur notre réel sauvage, inconnaissable et plein[1]. Les formes toutefois dans lesquelles le livre de Coralie Poch, Tailler sa flèche, trace sa voie, n’en sont pas moins le plus souvent émouvantes, parlantes. Animées qu’on les sent d’un authentique et puissant besoin de parole. De dire.
On en retiendra moins alors la beauté - réelle – d’un grand nombre d’images, que la puissante tension d’un vouloir vivre[2] sensible qui confronté à tout ce qui renverse, la mort tragique d’une mère, une séparation amoureuse, comme bien sûr aux insondables mystères et résonances de l’être, prend aussi bien la mesure de ses chagrins que celle de la force de résistance toute puissante qu’elle reconnaît en soi du vivant.
Vraisemblablement écrits sur une période de temps assez longue, les courts poèmes de Coralie Poch restent d’un bout à l’autre animés d’un élan qui nous invite à une traversée. Celle de l’intériorité d’une vie, peuplée d’affects mouvants, qui se refuse à l’anecdote, au discours, au réalisme plus ou moins fictionnel du récit, pour se donner un caractère légendaire[3]. Là où justement il devient plus facile de couper les rebords du vivre avec son couteau pour sauver la présence intacte, aller dans l’écriture entre deux oiseaux nus […et rester…] là où l’encre ne sèche pas femme indéchiffrable vivant du bruit de leurs ailes.
Dans le choix d’écriture qui est le sien, il faut reconnaître à Coralie Poch un véritable talent.
[1] Il peut être tentant à ce propos de voir dans les poèmes de Coralie Poch quelque chose qui relèverait de la pensée dite animiste. L’auteur recourant ici aux images de l’oiseau, du poisson, de l’eau, de la montagne et de la flèche, pour bricoler, au jour le jour, comme le dirait Philippe Descola, la schématisation de son expérience. Je ne suis pas quant à moi certain d’aller jusque là voyant plutôt cette démarche comme un choix esthétique, formel, plus qu’une affirmation ontologique radicale.
[2] Le mot vie ainsi que ses déclinaisons est le mot sûrement le plus souvent employé par l’auteur. De Je veux vivre/ quand tout ce qui tombe ailleurs/ me secoue (p. 10), à l’entêtement de vivre/ te tient là où personne d’autre (p. 72), en passant par ce bouleversant passage : et puis je craquerai ma dernière allumette/ en plongeant de la corniche/ quand je remonterai le monde sera neuf/ je pourrai vivre.
[3] Je ne peux m’empêcher d’ailleurs à la lecture de ces textes de les rapprocher de la suite lithographique réalisée par Kokoschka pour son long poème intitulé Les Garçons qui rêvent dont une reproduction sous forme d’affiche aura figuré pendant longtemps dans mon bureau. J’y retrouve une rivière, des poissons, des forêts, des biches, des habitations et au premier plan de tout cela le chagrin d’une femme dont la robe occupe une forte partie de l’espace et dont la forme finalement est celle d’une montagne.
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