lundi 18 mars 2019

À LIRE ! DU TRAVAIL DE JEAN-PASCAL DUBOST. APOLOGIE DU POÈTE EN LIBRE TRAVAILLEUR.


Ceux que l’activité littéraire, de nature plus spécialement poétique, intéressent encore, trouveront j’imagine matières à réflexion et autres nourritures délectables à la lecture du bel ouvrage de Jean-Pascal Dubost, Du travail, paru récemment à l’Atelier Contemporain. Ouvrage comme on dit de résidence, le livre de J.P. Dubost s’écarte toutefois de ce genre souvent un peu léger de production par l’importance de l’investissement personnel dont il fait montre. Du travail est un travail solide. Sérieux. D’un sérieux n’excluant heureusement pas l’humour et la fantaisie. Dont l’intérêt pour moi réside aussi dans le fait qu’il se présente sous la forme d’une aventure de pensée, menée « en état de crise poétique et morale », crise  dont l’auteur nous conte et compte aussi les péripéties, sans les abstraire du pittoresque des circonstances où elles sont nées.



On sait Jean-Pascal Dubost, poète volontaire, cherchant principalement dans les mille et une merveilles de la langue et des livres à fournir et fourbir ses objets de pensée. Connaissance, maîtrise et réflexion semblent les maîtres mots de son art. Il n’empêche qu’on demeure heureusement avec lui dans une forme de pensée qui se cherche, se renouvelle, se ressource. En un mot, et quel mot, animée. Plus en somme que bien des autres, inspirées directement par ce qu’ils disent être à leurs yeux, la vraie vie. C’est que « Travail du poème est un montage fatrasique, hétéroclite, composé d’articles, de poèmes commentés, de notes, de lettres, de préfaces, d’intermèdes, d’entretiens … Par quoi la pensée s’expose dans son désordonnancement, avec ses convictions profondes et ses contradictions, montrant une capacité à s’auto-régénérer dans le mouvement continuel de réfléchir à l’acte d’écrire et à ses raisons. »


Je ne suis pas pour autant sûr de partager toutes les vues que propose Jean-Pascal Dubost sur l’inspiration, la relation de fond unissant la parole à la vie ou le pouvoir ainsi que la finalité des livres. Sur tous ces points d’ailleurs, la plupart des divergences, j’imagine, tiennent principalement à des effets singuliers de parole et des particularités d’expression propres à n’engendrer finalement que des oppositions de surface. Les mots même les plus travaillés, les plus responsables ne sont que nos directions maladroites. Et plutôt que de pinailler sur telle ou telle formule, ne disposant par ailleurs pas du temps nécessaire à rendre compte avec justice de la multiplicité des qualités à l’œuvre dans ce livre que j’ai vraiment pris le temps de lire avec attention et je répète avec plaisir, je m’en rapporte à la toute relative autorité dont notre petit milieu pour l’instant me crédite, pour encourager les amis et les autres à y aller à leur tour plonger. 


Ce n’est pas tous les jours qu’un « travailleur de l’esprit », « un traveilleur » comme il se dit, un poète se déclarant en outre « absolument pas doué pour la poésie » nous ouvre réellement la porte de son atelier pour nous faire confidence des plaisirs et tortures dont s’accompagne son étrange métier. Et « contre l’étymologie du mot « travail » et contre une vision réduite au socio-professionnel dudit mot et de sa notion [fait] l’apologie du créateur en libre-travailleur, en travailleur non aliéné, en travailleur qui, au moyen de son travail d’écriture, combat obsessionnellement l’aliénation mentale du novlangue libéral, de la phraséologie nazie(« le travail rend libre ») tapie sous la phraséologie libérale (« le travail c’est la liberté »), [fait] l’apologie du poète », non comme être inspiré, écho sonore ou sismographe, mais comme travailleur. Travailleur sourcilleux. Travailleur soucieux. Multiplement outillé. Qui ne veut retenir que le « plaisir immense et paradoxal » qui l’enchaîne, non plus aux dieux, mais à son solitaire et bien courageux labeur.

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