samedi 9 décembre 2023

CHOSES QUI FONT TOUJOURS RÉFLÉCHIR. LIVRES VS TABLEAUX DANS L’INTRODUCTION À LECTURE DE HUIT LITHOGRAPHIES DE ZAO WOU-KI D’HENRI MICHAUX, 1950.

 


"Les livres sont ennuyeux à lire. Pas de libre circulation. On est invité à suivre. Le chemin est tracé, unique.

Tout différent le tableau : immédiat, total. À gauche, aussi, à droite, en profondeur, à volonté.

Pas de trajet, mille trajets, et les pauses ne sont pas indiquées. Dès qu'on le désire, le tableau à nouveau, entier. Dans un instant, tout est là. Tout, mais rien n'est connu encore. C'est ici qu'il faut commencer à LIRE.

Aventure peu recherchée, quoi que pour tous. Tous peuvent lire un tableau, ont matière à y trouver (et à des mois de distance matières nouvelles), tous, les respectueux, les généreux, les insolents, les fidèles à leur tête, les perdus dans leur sang, les labos à pipette, ceux pour qui un trait est comme un saumon à tirer de l'eau, et tout chien rencontré, chien à mettre sur la table d'opération en vue d'étudier ses réflexes, ceux qui préfèrent jouer avec le chien, le connaître en s’y reconnaissant, ceux qui dans autrui ne font jamais ripaille que d'eux-mêmes, enfin ceux qui voient surtout la Grande Marée, porteuse à la fois de la peinture, du peintre, du pays, du climat, du milieu, de l'époque entière et de ses facteurs, des évènements encore sourds et d'autres qui déjà se mettent à sonner furieusement de la cloche.

Oui, tous ont quelque chose pour eux dans la toile, même les propres à rien, qui y laissent simplement tourner leurs ailes de moulin, sans faire vraiment la différence, mais elle existe et combien instructive.

Que l'on n'attende pas trop toutefois. C'est le moment. Il n'y a pas encore de règles. Mais elles ne sauraient tarder… »

vendredi 8 décembre 2023

SOUVENIR. UN BEL EXEMPLE D’ATELIER D’ÉCRITURE ACCOMPAGNÉE ET PARTAGÉE.


 

Il y aura bientôt quinze ans, j’ai participé pour la seconde fois à l’opération des 10 mots de la langue française dont grâce au poète et professeur missionné François Coudray qui l’a adaptée avec le succès qu’on sait d’abord à l’Amérique Latine, maintenant aux pays d’Europe du Sud-Est, notamment la Turquie, je suis aujourd’hui, mais comme auteur, l’actualité.  

La somme de travail que nous avons mobilisée, les jeunes et moi, à l’occasion de cette opération doublée d’un concours que nous avons d’ailleurs remporté pour la seconde fois[1], mérite je crois que je tire aujourd’hui de l’oubli ce qui en reste avec tous partageable. Certes, j’imagine mal, du fait des malheureuses évolutions qu’aura subies le système scolaire au cours de ces dernières années, qu’il se trouvera encore un professeur pour reprendre à son compte les formes de travail que nous avons adoptées. Mais la façon dont nous avons envisagé d’aborder avec les jeunes ce qu’on appelle l’écriture, la forme d’atelier que nous avons mise en place devrait pouvoir inspirer la réflexion de beaucoup de collègues insatisfaits des formules faciles, toutes faites et  si peu efficaces qui sont malheureusement le lot de ce qui le plus souvent aujourd’hui se pratique à l’intérieur des classes.

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. REMPART CONTRE LA POÉSIE POLTRONNE : LA MER EN HIVER SUR LES CÔTES DE LA MANCHE DE JACQUES DARRAS AU CASTOR ASTRAL.

 

« On n’en finit jamais avec la mer ». Comme avec l’eau. Voire, comme, nous le dit et redit au fil de ses ouvrages, Jacques Darras, avec le regard, la pensée, la marche, les images, la poésie. Portés que nous sommes, par cet insatiable appétit de monde autour de nous. Que nous n’en finissons pas d’explorer. Quitte si l’espace ouvert aujourd’hui sur notre planète paraît s’être étréci, à nous relancer, qui sait, vers Mars[1] ou le champ toujours pour notre esprit, infini, des étoiles.

Affirmer que La mer en hiver sur les côtes de la Manche, plus qu’une somme récapitulative est un livre manifeste surprendra sans doute tous ceux qui rechigneront à lire la seconde partie, philosophique, réflexive, érudite, de l’ouvrage. Qui retraçant l’histoire des conceptions occidentales de ces grandes catégories de la pensée que sont l’espace et le temps aboutit, pour le dire à grands traits, à la revendication de la primauté de l’imagination sur la raison dans ce qui constitue notre vitale appropriation d’un réel en permanente mobilité. Dont la figure de la mer comme celle plus généralement de l’eau est pour Jacques Darras depuis longtemps l’éloquente, athlétique et poétique incarnation.

lundi 4 décembre 2023

RÉCÉPISSÉ DÉCOUVREURS : POÈMES POUR LES P'TITS (qui savent lyre) D'YVES BOUDIER CHEZ LANSKINE.

 

Une suite de courts poèmes simples mais qui font réfléchir. Une jolie maquette de couverture. Des dessins inspirés par les poèmes à la p'tite fille du poète, qui signe Blanche. C'est au final un p'tit livre à mettre avec les cadeaux de Noël à côté des p'tits chaussons, au pied de la ch'minée. 

Merci à l'ami Yves Boudier d'avoir compris que j'étais encore aussi ce p'tit non seulement qui sait lyre mais éprouve toujours du plaisir à continuer d'apprendre.

dimanche 3 décembre 2023

MALAISE DANS LE POETARIAT.

Carl Spitzweg, ébauche de son tableau intitulé Le Pauvre poète.

Je lis ce matin sur Facebook le texte d’Eric Pessan évoquant la triste condition des auteurs, principalement des poètes, qui voyant se réduire les espaces leur offrant jusqu’ici plus ou moins les conditions de leur survie financière, s’interrogent sur les conditions d’existence faite par notre société à ce que Jean-Claude Pinson appelle de façon lumineuse, le poétariat

Pour organiser à travers les actions de mon association, diverses rencontres avec des écrivains, je vois bien depuis ces deux ou trois dernières années que malgré la mise en place du Pass-Culture qui les rend beaucoup plus simples à organiser et moins coûteuses pour les établissements, ces rencontres deviennent plus rares. C’est que la disponibilité et l’enthousiasme des enseignants épuisés par des contraintes toujours plus étouffantes vont s’amenuisant. Si l’on ajoute à cela le fait que la proposition  poétique portée par des auteurs et des éditeurs de plus en plus nombreux et jeunes ne fait que s’élargir, le moindre petit auteur se trouvant légitime pour intervenir dans les classes, l’offre excède de plus en plus la demande, sans que rien ne nous assure que les choix qui sont ainsi faits soient toujours les meilleurs ou les plus défendables.

jeudi 30 novembre 2023

PREMIER FOYER-POÉSIE À BOULOGNE-SUR-MER AVEC LILI FRIKH. POUR QUE PARLER NE S’ÉTEIGNE JAMAIS.

Georges Mathieu Célébration du feu.

J’hésitais hier matin entre poursuivre ma lecture du dernier livre de Jacques Darras, La mer en hiver sur les côtes de la Manche et rendre compte de la toute première de nos rencontres Foyer-Poésie au théâtre Monsigny avec Lili Frikh. Finalement, la journée s’annonçant belle, fraîche mais belle, vent tombé, je suis allé promener mon chien. Non que je veuille dire ici que marcher sur les feuilles qui craquent, en faisant le tour des remparts de ma ville vaut désormais pour moi toutes les poésies du monde. Tous les livres aussi qui s’amoncelant au gré des saisons, se recouvrent et finiront sur des rayons de bibliothèque dont ils ne sortiront à ma mort que pour se voir jetés dans une déchetterie. C’est plutôt que plus le temps pour moi se fait compté moins paradoxalement je ressens l’urgence de la tâche sociale, des obligations mêmes que je me suis, le plus souvent avec plaisir, et depuis longtemps imposées.

dimanche 26 novembre 2023

RÉCÉPISSÉ DÉCOUVREURS : IL PLEUT DEBOUT DE CHRISTINE DUMINY-SAUZEAU À L’ATELIER DU HANNETON.

Reçu, il y a quelques jours, le dernier livre de mon ancienne compatriote de Boulogne, Christine Duminy-Sauzeau. Il Pleut debout,  édité par l’Atelier du hanneton, est sous titré pensées diurnes & nocturnes. Les pages de gauche étant réservées aux pensées nocturnes, celles de droite aux diurnes. Merci d’avoir pensé à m’adresser ce livre dans lequel l’humour va de pair avec une certaine auto-ironie. On a plaisir à suivre la fantaisie des mouvements de pensée de cet auteur pour qui le monde dans son quotidien bariolage et son infini bavardage, la vie avec son lot de souvenirs, ses contraintes parfois pénibles à assumer, ses incessantes questions, restent moins sujets à méditations transcendantes qu’à réflexions libres, assez souvent malicieuses, dessinant au final un portrait dans lequel chacun pourra aussi reconnaître une part de son humanité.


 

samedi 25 novembre 2023

CONTRE CHANGER LE SANG QUI COULE EN LIQUEUR DE FRAMBOISE ! UN EXTRAIT D’UN MOT SANS L’AUTRE, DIALOGUE ENTRE LILI FRIKH ET PHILIPPE BOURET, MARS-A ÉDITIONS.

 

Comme je me souviens l’avoir écrit lors de sa réception, Un Mot sans l’autre, dialogue entre Lili Frikh et le psychanalyste Philippe Bouret aborde des sujets essentiels et traite entre autres choses de l’imposture radicale de la Littérature avec un grand L lorsqu’elle se réduit comme c’est souvent le cas à n’être plus qu’objet, fabrique ininterrompue de ces mèmes à travers quoi nos esprits aliénés s’imaginent exister. Imposture radicale aussi de la parole quand elle ne prend pas voix au plus fragile et plus risqué de l’être qui sait bien que les mots, que la langue réclament d’être éprouvés, à chaque instant recréés, pour se faire présence. Devenir signes vrais.

J’en propose aujourd’hui un nouvel extrait qui risque malheureusement de ravir quand même les amateurs de liqueur de framboise, ces Madame/Monsieur Verdurin du moment, toujours aussi aveugles à ce qui fonde leur relation à l’art : ce besoin maladif et bourgeois de distinction. 

Extrait

Philippe Bouret

Vous placez le « parler » du côté des conventions, des semblants. Vous dites que c'est pour ça que vous êtes restée jusque-là dans un profond silence. Quand vous dites que vous écrivez à voix haute et que c'est pour vous une expérience limite, au-delà de la limite, vous situez-vous en dehors de la question du « parler » ? Est-ce que parler ne viendrait pas comme un obstacle à l'écriture?

vendredi 24 novembre 2023

MÉTAMORPHOSER CELUI QUI VOUS VEUT DU MAL. SUR DES REPRÉSENTATIONS DE PIRATES TRANSFORMÉS EN DAUPHINS PAR DIONYSOS.

Hydrie du Peintre de Micali (photo G.G.) et kylix d'Exékias (Wikicommons)

 

J’ai depuis quelques années appris à aimer ces vases qu’autrefois, visitant les grands musées d’Europe, je regardais rapidement sans trop les voir, n’ayant jamais pris le temps de les considérer comme ils le méritaient, c’est-à-dire non comme des pièces d’archéologie ou d’ethnographie dont la valeur artistique ne serait que secondaire, mais comme le produit d’un geste d’atelier créatif, dont la reprise et l’adaptation par nombre d’autres pour en faire commerce, n’annule pas l’intérêt ni surtout l’intime ravissement que sa contemplation le plus souvent intriguée, devrait en chacun générer.

samedi 18 novembre 2023

RÉÉDITION DE CÂBLE À ÂMES MULTIPLES DE DOMINIQUE QUÉLEN CHEZ LANSKINE.

Plutôt que de nous lancer dans une illusoire tentative d’élucidation de cette œuvre parue chez Fissiles en 2011 et que les éditions LansKine nous proposent aujourd’hui de redécouvrir, pourquoi ne pas tout simplement ou tout modestement nous contenter d’en partager ici le tout premier texte qui sans en rien dire directement en dit déjà beaucoup. Un câble d’acier nous explique un site spécialisé reprenant les définitions du dictionnaire est une machine, un assemblage de pièces qui transmettent forces, mouvement, et énergie les unes aux autres d’une façon prédéterminée et à des fins désirées. L’âme désigne la partie intérieure ou centrale de ce cable autour de laquelle viennent s’enrouler les fils. Mon  bagage technique étant des plus mesurés je ne me risquerai pas à suivre de bout en bout ou jusqu’au bout cette métaphore singulière de l’œuvre. Préférant pour ma part et pour l’instant me perdre dans l’atroce jubilation de voir le grand corps rassurant de mes représentations courantes, découpées, dépiécées, démembrées, remontées, par l’auteur. Un auteur duquel affirmer qu’il est comme une sorte de Docteur Frankenstein tentant de se refaire dans la langue un monde rien qu’à lui, à partir de ses propres ciseaux, gouges, limes, rabots, épissoirs comme barres à mine ou coupes-boulons…, ne m’interloquerait pas.