Heureux de pouvoir prendre aujourd’hui le temps de lire ce numéro spécial de la revue Intuitions mettant à l’honneur mon ami Jacques Darras. Avec des inédits, quelques courtes études et une petite compagnie de poètes parmi lesquels je suis heureux aussi de retrouver Amandine Marembert qui livre d’ailleurs ici, avec l’émerveillée en même temps que discrètement douloureuse sensibilité qu’on lui connaît, une suite bucolique et jardinière dont je retiens précisément cette phrase qui consonne tellement avec le livre de Powers Sidérations dont je viens de parler sur mon blog que je ne peux m’empêcher de la reproduire ici : « il nous faudrait écouter le monde/ avec des oreilles d’ours ». L’oreille d’ours étant en l'occurrence l’autre nom – faisant heureusement lien avec le monde animal - de l’épiaire de Byzance, plante singulière par la douceur de ses feuilles.
Au sommaire de ce numéro dû aux bons soins d’Éric Sivry, directeur et fondateur de la revue et de la présidente du comité de lecture Sylvie Biriouk, on trouvera, outre bien entendu les textes de Jacques, d’Amandine dont je viens de parler et de moi-même, ceux de Murielle Compère Demarcy, d’Isabelle Sancy, de Jean-Luc Escoubas et d’Eric Sivry lui-même qui sont pour moi de belles découvertes.
Un des 6 poèmes inédits de Jacques Darras :
Tu entrouvres la fenêtre à la droite du clavier
Sur lequel tes doigts courent, tes doigts volent,
Levant les yeux pour voir sur I 'écran les phrases vivre
D'une vie évidente, sens et sons se disant
Dans la bouche à mi mots en vibration secrète,
Langue, larynx, dents les liant par l'usage,
Narines avec l'oreille tuyaux enregistrant
Le chant d'une merlette, le caquètement des pies
Tombant en balançoire dans les branches du prunier,
Tu es chambre d'échos, la vie vibre, la vie bruit,
Toi tu nommes et traduis dans une forme audible,
Lisible, le désordre apparent par quoi le monde
S'exprime. Vous êtes musicalement, pour ainsi dire,
L'un de l'autre compléments, partageant partition
Et portée, croches soupirs, noires ou blanches. Le poète
Moi-même s'interroge ---y aurait-il un accès
À la page supérieure, la langue d'avant la langue,
À supposer qu'elle soit l'écriture symbolique
Qu'on pressent, I 'unifiée fracturée, un en deux ?
Tu regardes par la vitre, observant l'avancée
Des nuages, que tu es près de peindre par l'image
D'un chariot ---retiens-la. Trop facile la pente
Vers les nominations. Confortable le retrait
Aux barrières du silence. L'entre-deux seul convient,
Te dis-tu. Tu voudrais surmonter la double dissidence
Hors la musique, le sens, sans te priver des deux,
Les déliant dans leur lien par ouverture infime
Où passerait l'inconnu à l'envers du visible,
Le chiffre indéchiffrable par les logiques connues.
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