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Petit montage photos évoquant les deux éditions du concours des 10 mots que nous avons remportées
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C’était en 2008. Mes
élèves du lycée Branly remportaient pour la seconde année consécutive le
Prix des 10 mots de la langue française, consacré cette année là aux Mots de
la rencontre. Après avoir été accueillis à l’Académie Française pour les Mots
du voyage, nous fûmes reçus au Ministère par Monsieur Xavier Darcos et
suivis pour l’occasion par une équipe de FR3 venue de Boulogne-sur-Mer en notre
compagnie. Je viens de retrouver le petit discours qu’on m’avait demandé de
prononcer au cours de cette cérémonie dont j’imagine qu’elle reste toujours
bien présente à l’esprit des élèves qui m’y auront accompagné et dont le
travail extraordinaire aura rendu possible ce succès.
Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs les personnalités, Chers
collègues, chers élèves,
je suis évidemment particulièrement heureux de voir aujourd’hui
l’établissement que je représente honoré
pour la seconde année consécutive par ce beau prix initié par la DGLF.
C’est vrai que comme l’ont rappelé mes camarades de l’Académie de Lille
qui se sont également illustrées dans la catégorie Collèges, les gens du Nord
souffrent parfois un peu, comme les paysans de Molière, de se voir caricaturer
à travers leur accent, leur prétendu naturel fait de rudesse apparente et de
générosité bruyante, alors la belle récompense qui nous est octroyée
aujourd’hui (au collège Vauban de Maubeuge, au collège A. Camus de Lille, au
lycée E. Branly de Boulogne-sur-mer) témoigne que nous sommes apparemment tout
aussi capables, malgré, c’est vrai, les conditions dans l’ensemble plus
difficiles dans lesquelles vit une bonne partie de notre population,
d’atteindre l’excellence dans tous les domaines du savoir et particulièrement
dans celui de la maîtrise de la langue française.
C’est la raison pour laquelle je ne profiterai pas de l’occasion pour
réclamer à Monsieur le Ministre, malgré cet environnement médiatique très
porteur que tout le monde a certainement en tête, la création d’une agrégation
de Ch’ti pour la fin de la semaine prochaine ou de picard pour la fin de la
décennie en cours.
En fait j’aimerais plus sérieusement dire ici que le succès de Laurence,
de Virginie et celui de mes propres élèves est à la fois le succès d’une
équipe puisque nous appartenons à la même petite commission culturelle qui
s’est fixé pour but de promouvoir la littérature vivante de création et les
écritures inventives dans l’Académie de Lille et la preuve aussi par les
faits du bien-fondé de notre conception de l’apprentissage de la maîtrise
de la langue.
Je suis en effet profondément persuadé que mon travail de professeur (la
mission qui m’est donnée toujours par cette école de la République que j’ai
choisi de servir il y aura bientôt une cinquantaine d’années comme élève d’une
école normale d’instituteurs) ne consiste pas à tenter d’asservir mes élèves à
la langue mais à m’efforcer dans toute la mesure de mes compétences et de mon
expérience de les aider à devenir un jour DES SUJETS AUTHENTIQUES PLUS
RESPONSABLES, DANS LEUR LANGUE. Une Langue partagée que nous devons essayer
d’habiter, d’entretenir et de valoriser ensemble.
Pour cela je ne suis pas sûr qu’il faille accabler nos enfants de règles.
Pas plus qu’il ne faut les abandonner aux mirages, aux illusions de la libre
expression. Ou se contenter de s’adonner aux petits jeux auxquels on a souvent
recours quand on se sent obligé de stimuler leur créativité
Il n’y a pas certainement de recette miracle. Rien qui marche à coup sûr
et sans risque. Si ce n’est de savoir éveiller ou plutôt réveiller chez
l’enfant, chez l’adolescent surtout, LE DESIR DE LANGUE. En l’amenant à saisir
au plus près la richesse unique qu’elle constitue pour la pensée. Et bien
au-delà de la pensée POUR LA CONSTRUCTION véritable de soi.
C’est la raison pour laquelle j’ai demandé cette année à 10 de mes amis
ou de mes connaissances écrivains d’apporter à mes élèves leur expérience des
mots, leur expérience de l’écriture et de les accompagner dans le travail
follement ambitieux que j’ai imaginé de leur faire réaliser rien moins qu’un
ouvrage à caractère littéraire, un ouvrage d’écrivain faisant l’éloge, un éloge
critique et non conventionnel de la rencontre.
Pour encadrer régulièrement ce type de rencontres au sein de l’Académie
de Lille, dans lesquelles des écrivains interviennent dans des classes je sais
à quel point leur apport peut-être essentiel dans la façon dont ils
renouvellent l’image que les élèves et parfois les professeurs se font de la
langue. Comment ils sont capables de faire comprendre par leur témoignage, la force, l’énergie que leur donne en
profondeur le travail régulier et créatif qu’ils opèrent sur les mots. Quelle
jouissance aussi ils en retirent. Quelle liberté de pensée, de parole.
C’est un peu de cette énergie. Un peu de cette liberté conquise. Et
conquise dans l’effort. Que j’ai tenté de faire un peu passer. Et de
communiquer à mes élèves.
Pour que leur vie en devienne plus riche. Leur avancée plus lumineuse.
C’est en tout cas ce que j’espère.
En tant que professeur.
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