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Chacun à notre place nous sommes les acteurs de la vie littéraire de notre époque. En faisant lire, découvrir, des œuvres ignorées des circuits médiatiques, ne représentant qu’une part ridicule des échanges économiques, nous manifestons notre volonté de ne pas nous voir dicter nos goûts, nos pensées, nos vies, par les puissances matérielles qui tendent à régir le plus grand nombre. Et nous contribuons à maintenir vivante une littérature qui autrement manquera à tous demain.
vendredi 1 mai 2020
jeudi 30 avril 2020
PUISSANCE DES FICTIONS APOCALYPTIQUES. FABULER LA FIN DU MONDE DE JEAN-PAUL ENGÉLIBERT.
C’est vrai. Je ne partage pas le mépris dans lequel
nombre de mes amis poètes, tiennent aujourd’hui le roman et de manière générale,
la fiction. Incapable que je suis d'épouser leur conception du primat
de l’écriture qui les amène à faire comme si cette dernière ne concernait que
le mot, le vers, la strophe ou bien la phrase et ne s’étendait pas aussi à de
plus grands ensembles, de plus vastes relations, de structure, de situations,
de symboles, bref à tout ce qui, rassemblé dans un livre, un film, une œuvre
d’imagination, organise ou désorganise les représentations, les informe,
travaille les sensibilités, pour créer ou recréer, en nous, de la jouissance,
du sens et des désirs d’action.
Certes je sais le caractère profondément aliénant de la
plupart des fictions dont on cherche à nous repaître. Et sais bien l’importance
prise aujourd’hui par les professionnels du storytelling dont l’objectif n’est que
de permettre aux puissants, à travers tous les canaux qu’ils contrôlent, de
mieux manipuler les masses pour asseoir toujours davantage leur pouvoir
économique ou politique. N’empêche que, par la fiction, peuvent toujours
s’expérimenter toutes sortes de rapports inédits au monde comme à soi-même, se
découvrir de vastes pans de réalité, s’ouvrir aussi de nouvelles temporalités
par quoi viennent s’élargir les consciences, s’approfondir les inquiétudes et
se voir intelligemment relancé l’incessant entretien auquel nous oblige la dure
et muette présence, sans rivage, des choses.
Réfléchissant, en cette période de catastrophe, à divers
livres qui m’avaient marqué, abordant la
question de l’effondrement, de l’apocalypse, de la disparition, plus ou moins
attendue, programmée, de nos inconséquentes et monstrueuses sociétés, je me
suis rappelé l’ouvrage de Jean-Paul Engélibert, Fabuler la fin du monde,
paru à la Découverte en septembre 2019.
S’appuyant sur un nombre restreint mais bien choisi d’œuvres telles que La
Route de Mac-Carthy, l’Homme vertical de Davide Longo, la
trilogie de Maddaddam de la canadienne Margaret Atwood, Cosmopolis
de Don DeLillo, les pièces de guerre d’Edward Bond, des séries comme The
Leftovers, des films tels The Ghost in the Shell de Mamoru Oshii ou Melancholia de Lars von Trier
ainsi que d’œuvres d’auteurs français : Robert Merle, Antoine Volodine,
Cécile Minard, l’ouvrage met clairement en lumière que de telles fictions loin
d’être une façon qu’aurait l’industrie culturelle de nous enfermer un peu plus
dans l’univers démobilisateur voire infantilisant du spectacle, jouent au
contraire un rôle d’éveil. Possèdent comme une fonction propédeutique, nous
préparant psychologiquement à la perte tout en réaffirmant la nécessité de
l’action et la création de nouvelles solidarités. Non plus essentiellement
humaines. Mais avec l’ensemble du vivant. Quand ce n’est pas – voir Ghost in
the Shell - avec les robots eux-mêmes.
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| Paul KLEE, L'Ange de l'avenir |
Nourri des analyses de nombreux penseurs contemporains qui
se sont attachés à alerter depuis longtemps sur les dérives suicidaires de
notre civilisation planétaire ainsi que par la conception de l’Histoire de
Walter Benjamin, particulièrement attaché à comprendre « la
constellation des périls » qui menacent notre présent, à partir de
leur « préhistoire », l’essai d’Engélibert a le mérite
d’inscrire sa réflexion dans le cadre d’une vision historique et par conséquent
politique de ce qu’on appelle l’anthropocène que contrairement à certains
auteurs il se refuse à voir comme une fatalité, l’attribuant clairement, comme
le faisaient déjà les toutes premières œuvres marquées par le développement de
la puissance industrielle, aux défaites successives de la pensée face à la
prise de contrôle de plus en plus hégémonique du monde par le grand capital.
Je ne sais plus trop où j’ai lu que les vrais écrivains
étaient les remords de la conscience de l’humanité, la formule je crois
étant du philosophe allemand Feuerbach. Cela se vérifie pleinement à travers
les ouvrages évoqués par le livre d’Engélibert. Qui sans jamais chercher à
répondre à notre besoin, d’ailleurs impossible à rassasier, comme disait Stig
Dagerman, de consolation, sont animés de toute l’énergie du désespoir
dont le poète Michel Deguy affirmait au cours des années 90 qu’elle était face
aux catastrophes annoncées, le seul recours qui nous restait. Une fois rejetés
les minables petits espoirs, les grossières illusions, les utopies adolescentes
qui malheureusement rassemblent toujours autour d’eux cette majorité de têtes
molles qui composent nos cercles soit-disant artistiques ou cultivés.
Et c’est là qu’encore une fois se vérifie ce merveilleux paradoxe
qui veut que les œuvres les plus noires aient la plus grande utilité. Les récits
d’apocalypse nous obligent en effet à nous réapproprier le temps, à sortir de
notre engluement dans un présent devenu mortifère. Nous rendant, face à la
catastrophe, un peu de cette énergie nécessaire aussi bien pour nous y préparer
que pour, si c’est toujours possible, y résister. Toute peine disait la
philosophe Simone Weil, est supportable dans la clarté. Et dans
l’aveuglante clarté de notre fin dont chacune des fictions dont nous parle
Engélibert nous aide à voir à quel point elle est déjà en œuvre au cœur même de
notre présent, immanente à notre temps, l’espace qui se trouve ouvert devant
nous a cela de positif qu’il nous rétablit en acteur. En Sujet. Dans la conscience
élargie du sens que nous pouvons enfin donner à la façon que nous avons choisie
de nous y confronter.
dimanche 26 avril 2020
HOMMAGE : PIERRE GARNIER: UNE LIBERTÉ EN MOUVEMENT
Si Pierre Garnier nous a quittés, il y a maintenant plus de 6 ans, l'oeuvre qu'il laisse mérite toujours d'être interrogée, méditée. Comme celles de tous ces vrais poètes qui se sont employés non pas à se fabriquer une image, mais à resserrer toujours davantage le lien qui rattache la parole à la vie et la vie à la parole. C'est pourquoi nous reproduisons ici l'article que nous avons consacré à l'un de ses tout derniers livres sélectionné à l'époque pour le prix des Découvreurs.
Peut-être qu'on ne voit pas assez comment tout le génie de
la culture consiste aussi à emprisonner les choses dans les mots, les mots dans
les idées. Les idées dans les systèmes. Le tout s'abâtardissant finalement dans
le prêt à penser aujourd'hui de l'industrie politico-culturelle qui permet à
chacun ce luxe de pouvoir affirmer librement et hautement des opinions
fabriquées en dehors de lui.
C'est ce qui fait à nos yeux tout l'intérêt de la démarche
que mène avec constance depuis plus d'un demi-siècle maintenant le poète Pierre
Garnier dont les éditions de L'herbe qui tremble viennent de
sortir (louanges) un livre où ceux qui suivent le travail de Garnier comme ceux qui ne
le connaissaient pas trouveront matière à s'émerveiller d'une poésie qui sur la
base des moyens les plus simples, parvient à renouer à chaque instant le fil
toujours fuyant des mots avec les choses. Dans une rencontre où, chacun, le mot
comme la chose, se trouve comme excité, ranimé, revitalisé, par leur mise en
contact réciproque.
Certes, à bien y réfléchir, c'est moins de la chose qu'il
s'agit que de ce que les savants linguistes de notre adolescence appellent le
signifié. C'est à dire la représentation mentale, en fait imaginaire, de la
chose. Mais ne négligeons pas toutefois que c'est par le signifié, par tout ce
qui s'accroche à lui d'attention, de résonance profonde aussi en nous, que nous
penchons vers les choses. Que nous appelons le monde. Quand ce dernier, de son
côté, nous bousculant à son tour, ne cherche pas en nous, les réclamant, les
mots dont il a besoin, lui aussi, pour se dire.
Bien entendu encore, notre esprit est complexe. Et le monde,
si l'on en croit les journaux mais aussi l'innombrable littérature, n'est pas
non plus tout simple. Et c'est pourquoi les tout derniers poèmes de Pierre Garnier
qu'on trouvera dans (louanges) ont ceci pour nous
d'irremplaçables: ils manifestent à quel point la poésie n'a pas besoin d'être
laborieuse, intellectualisée à l'extrême, pour exister. Qu'elle est capable de
parler au vieillard aussi bien qu'à l'enfant. A celui qui dispose d'un
réservoir de quelques milliers de mots comme à celui qui n'en maîtrise encore
que quelques petites centaines. Nous ne voulons pas faire ici l'éloge de
l'ignorance. Et de la facilité. Ni de l'antiélitisme primaire. Nous savons à
quel point la connaissance élève. Mais à la condition qu'elle soit accompagnée
d'une véritable sensibilité. Qu'elle conserve son inquiétude. Sa capacité aussi
à toujours s'interroger. S'émerveiller. Dans le souci d'atteindre une plus
grande liberté.
Cette sensibilité, cette capacité d'émerveillement qui rend
proche de l'enfance, on la retrouve en effet de manière évidente dans la poésie
de Pierre Garnier. A travers cette obsession dont témoignent ses poèmes
spatiaux de libérer l'inépuisable énergie de notre imaginaire en affirmant par
la multiplication des légendes, la capacité d'irradiation quasi infinie des
formes les plus simples. Dans les poèmes de Garnier, du bout de ses brindilles,
chaque arbre refait incessamment le monde. Rien n'est jamais immobile. Même le
modeste petit fleuve, la Somme, se lève de son lit, pour survoler les terres.
Question ici de regard. Rien, de fait, emprisonne. Et c'est la magie de la
barque, même la plus étroite, qu'elle élargit les rives.
Ainsi, face aux verrous multiples qui nous
ferment les portes incertaines du monde, la poésie de Pierre Garnier accomplit
le voeu de Michaux qui
enjoignait à chacun d'éparpiller ses effluves. D'écrire "non comme
on copie mais comme on pilote" pour être fidèle à son
transitoire. Ce besoin de libérer la pensée, le geste, va chez Pierre
Garnier, semble-t-il, chaque jour, plus loin, comme en témoigne le passage,
dans certains de ses poèmes spatiaux, du texte dactylographié à l'écriture
manuscrite. L'imprimerie n'est-elle pas aussi comme l'affirmait l'inventeur des
logogrammes, le poète Christian Dotremont , une autre forme de dictature ? Ne tue-t-elle pas la moitié
de l'écrivain en tuant son écriture ? Précisant qu' "imprimée, ma
phrase est comme le plan d’une ville; les buissons, les arbres, les objets,
moi-même nous avons disparu. Déjà lorsque je la recopie, et me fais ainsi
contrefacteur de mon écriture naturelle, elle a perdu son éclat touffu; ma main
est devenue quelque chose comme le bras d’un pick-up."
On n'en finit jamais d'avancer sur le chemin des libertés .
mardi 14 avril 2020
NOUVELLES DU PRIX DES DÉCOUVREURS.
![]() |
| Notre dernière sortie : avec les lycéens de Calais, découverte, rue Férou, à Paris, du Bateau ivre de Rimbaud. |
Difficile, au moment où, du fait de la
fermeture des établissements scolaires, nous voici contraints de renoncer à
attribuer le Prix des Découvreurs 2020, de nous remettre à préparer l’édition à
venir. Un quart de siècle déjà que nous nous sommes lancés, parmi les touts
premiers, dans cette aventure de faire lire la poésie qui s’écrit de leur temps,
aux jeunes des écoles, avec la perspective de leur faire découvrir la nécessité
profonde, pour les humains que nous sommes, de relancer toujours, par toutes
les ressources de notre savoir, de notre sensibilité et de notre imagination,
la relation fondamentale que nous entretenons, par la parole, avec la vie.
La façon dont nous voyons aujourd’hui que
notre action est un peu partout reprise nous inciterait presque à mettre désormais
un terme à l'entreprise, n’était le désir de ne pas laisser ainsi le dernier
mot aux puissances mortifères que nous avons toujours tenté, dans notre domaine
propre, avec les moyens qui nous ont été donnés et les ressources personnelles
que nous avons pu mobiliser, de repousser. Notre objectif, ne nous le cachons
pas est profondément politique et non pas culturel. Ne visant à rien moins qu’à
faire habiter le plus tôt et le plus largement possible, par chacun, notre
maison commune de parole. Mais de parole vraie. Ouverte. Et si possible
réflexive.
Nous donnons donc rendez-vous dans les
semaines qui vont suivre à nos amis enseignants dont nous avons la certitude qu’ils
auront, plus encore qu’hier, à s’interroger sur les contenus, le sens et les
modalités de ce qu’il leur appartient de transmettre aux jeunes qu’ils ont pour
mission de construire et d’éveiller. Il y aura de plus en plus pour eux à
inventer. Á trouver. Dans de nombreux domaines, bien
entendu. Mais surtout, croyons-nous, dans celui essentiel, de la parole. Dont
nous savons à quel point elle oriente toujours l’action, bonne ou mauvaise, des
hommes.
Nous espérons qu’ils trouveront alors, dans
nos propositions comme dans la riche documentation que nous continuerons à leur
fournir, dans notre blog, toujours plus de richesse et de bonne énergie à
puiser.
lundi 13 avril 2020
ENJEUX DE LA POÉSIE. UN RETOUR SUR JE SUIS DEBOUT DE LUCIEN SUEL.
Désireux d'évoquer aujourd'hui ''Je
suis debout'', un livre de Lucien Suel paru à la Table ronde, je ne me hasarderai pas à tenter de
définir la personnalité de cet auteur qui étonne ici par la grande diversité à
la fois de ses thèmes et des formes d'écriture qu'il fait momentanément
siennes. Sommes-nous ce que nous écrivons? Sommes-nous ce que nous retenons,
filtrons dans nos écrits, du monde ? Pas sûr qu'une telle question trouve
un jour de réponse certaine.
En fait, nous ne lisons pas vraiment pour, comme on dit,
découvrir un auteur. Mais pour, à travers lui, nous découvrir nous-mêmes.
Voire, nous inventer de nouvelles dispositions d'être. Nous imaginer d'autres
occasions d'être au monde. D'autres possibles aussi de la parole. Comme l'écrit
Marielle Macé, dans son livre majeur, Façons de lire, manières d'être,
"les formes que les livres recèlent ne sont pas inertes, ce ne sont pas
des tableaux placés sous les yeux des lecteurs mais des possibilités
d'existence orientées. L'activité de la lecture nous fait éprouver à
l'intérieur de nous ces formes comme des forces, comme des directions possibles
de notre vie mentale, morale ou pratique, qu'elle nous invite à nous
réapproprier, à imiter, ou à défaire."
Bien qu'appartenant à la même région, à la même génération que lui, je suis
loin a priori de partager l'univers
de référence de Lucien Suel que je connais pourtant depuis
longtemps et ai découvert au début des années 90 dans la petite galerie de
notre aujourd'hui défunt ami lillois Alain
Buyse. Je n'ai guère de passion pour la génération beat, le rock,
l'underground de façon générale, l'art du détournement, les jeux littéraires
façon Papous dans la tête … tout au plus - mais c'est loin d'être peu de choses
- partagé-je avec lui un goût prononcé des jardins, du vélo, une certaine
nostalgie des décors populaires de nos années d'enfance, une infinie prévention
contre la société de décervelage mise en place par nos institutions libérales:
le règne du tout argent, de l'objet-roi et de la fabrication de masse des
désirs prétendument singuliers. Et surtout la même exigence face à tout cela de
demeurer et de m'éprouver vivant.
Ce qui me retient du coup dans le livre de Lucien Suel ne
sont donc pas nécessairement les divers hommages qu'il peut adresser à des
auteurs tels Bukowski qui me laisseraient plutôt froids ou dont je ne sais
finalement pas grand-chose, ou de réaliser que tel texte est formé d'une longue
suite d'alineas comptant chacun le même nombre de mots à savoir 23 (!) mais
bien cette façon qu'il a, libre, inventive et toujours généreuse, d'articuler
les divers pans de son imaginaire, de faire territoire de chacun des nombreux
espaces qu'il a pu traverser, ce que ce livre par lui-même, fait de
l'assemblage de textes plus ou moins commandés, révèle plus que d'autres par
son caractère composite.
Il y a du polygraphe chez Lucien Suel que son statut de
poète reconnu et fréquemment sollicité conduit à devoir écrire assez
régulièrement à la demande. Mais si la réussite des textes ainsi produits est
par nature inégale, je ne peux m'empêcher d'y reconnaître un même fond de
jouissance conjuratoire à travailler cette large et épaisse matière de mots
pour en faire lever comme d'une pâte le sentiment que nous sommes au monde. Que
ce monde vraiment existe. Qu'il est fait de réalités concrètes - ô combien -
dont bien entendu nous ne voyons pas tout. Et qu'il nous appartient par la
grâce de notre parole et de notre imaginaire propres de lui donner les formes
dont nous avons besoin. Pour le porter en nous. Le vivre poétiquement.
L'accompagner en homme. C'est-à-dire: debout.
Et si comme l'écrit Yves Citton dans Gestes
d'humanités," c'est à travers nos gestes que nous appréhendons le
monde, parce que l'empathie nous conduit à décalquer nos gestes sur ceux
d'autrui", les gestes de parole que multiplie Lucien Suel sont de nature à
nous permettre un déconditionnement de tous ceux que quotidiennement nous
empruntons aux machines qui nous gouvernent, nous incitant alors à cette
permanente et nécessaire réinvention stylistique de notre mode particulier
d'être par laquelle, nous, poètes, nous efforçons d'empêcher que le monde
s'avilisse chaque jour davantage. En tentant d'activer des formes et des forces
qui le rendent - il faut bien - plus humain. Avec le rêve aussi, comme
l'écrivait Mallarmé dans ses Divagations, de nous percevoir simples
infiniment et pourquoi pas, juste un peu vrais, vivaces, parmi les
autres. Sur la terre.
Article publié, en 2014, sur l'ancien blog des Découvreurs.
dimanche 12 avril 2020
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