Sûrement m’aventuré-je mais me vient l’idée, plongé que je me suis récemment trouvé dans la contemplation des natures mortes de Soutine, que les textes si particuliers de Guillaume Artous-Bouvet, spécialement dans son dernier livre, que je n’ai fait, certes, jusqu’ici, que feuilleter, pourraient être en littérature comme un travail comparable à celui de ce peintre[1]. Travail où la figure, progressivement, se construit à partir de la puissance de gestes – ici de divers traits suggestifs autant qu’audacieux de langue – qui peu à peu redonnent à voir ce qu’on pensait avoir vu, mais n’existait plus en nous que, comme dirait Giono, « une peinture sur la pierre qui emmaillote ». Ainsi de son évocation du Père Goriot ou du Chat qui pelote, qui spectrographient, si je puis dire, tant le visible que l’invisible remontant du célèbre incipit de ces œuvres. Et de ses « tableaux » d’animaux qui, par successives et brillantes condensations, et sans en négliger l’apparence reconnaissable, ouvrent, non seulement à des profondeurs intimes, mais touche après touche, techniquement, et d’orbe en orbe, sensiblement, élargissent l’attention jusqu’à crever la toile.
[1] On sourira sans doute de ce rapprochement entre « el pintre brut », le peintre sale, pour qui passait Soutine aux yeux des gens qui le croisaient et un jeune et sans doute brillant professeur d’Université, bien installé dans sa carrière. Mais ceux qui pour commencer liront la quatrième de couverture de ce livre, Glacis qui fait bien entendu référence à la peinture – bien qu’à mes yeux une certaine relation à l’art des fortifications ne soit pas à exclure – ne manqueront pas de ressentir les échos que ces lignes et leurs couleurs entretiennent avec les fortes réalisations que constituent les natures mortes animales du peintre.
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