jeudi 18 mars 2021

DEUX OU TROIS CHOSES QU’IL ME FAUT DIRE.


De plus en plus j’appréhende ce moment de l’après-midi où il me faut bien ouvrir ma boite à lettres. Ce qui lorsque j’étais pensionnaire dans la bonne ville d’Arras, puis étudiant dans l’encore meilleure ville de Lille, me faisait battre parfois le cœur – c’était la saison des rêves et des amours ! – aujourd’hui m’angoisse. M’effraie. C’est qu’outre bien entendu l’État français qui continue de m’adresser ses tenaces contraventions pour des excès de vitesse dépassant pourtant rarement la limite autorisée, de plus de quelques centimètres/heure, mes amis auteurs, mes amis éditeurs, continuent d’utiliser cette boite sournoise pour m’empêcher de m’adonner à toutes sortes d’activités qui me seraient des plus bénéfiques comme d’abord de ne rien faire, ensuite aller promener le chien, regarder un bon film, préparer une pastilla, entretenir mon jardin, papoter avec mon voisin voire s’il me reste un bout de temps me remettre à ne rien faire ou m’occuper quand même un peu de mes propres poèmes. Qu’avec le temps il me semble, je délaisse. Ce qu’à mon sens ils ne méritent pas.

Recevoir de mauvais livres n’est en rien un problème.

Sinon pour qui en fait l’envoi. On a vite fait de les oublier quelque part. Ce qui certes limite un peu le volume d’air autour à respirer mais j’ai la chance d’occuper une assez grande maison. C’est recevoir de bons livres. Ou d’assez bons qui quelquefois m’accable car quelque chose en moi me pousse à les ouvrir. Me pousse à m’y plonger. Me pousse à réagir. À barbouiller du papier autour de mes sentiments pour trouver à les dire. Car c’est en écrivant que les idées me viennent. Que de la profondeur se fait dans ma pensée. Du moins de l’épaisseur, de la largeur. Quelque chose qui fait un peu volume. Consiste.

Ainsi, rédiger une note de lecture pour ensuite confraternellement la partager est presque devenu pour moi un travail à plein temps. Ce temps qu’en matière de poésie, surtout contemporaine, nous sommes devenus si peu, à accorder[1]. Mais chacun comprendra qu’il est impossible de se pencher vraiment sur tout ce qu’on reçoit. Il y faudrait d’autres vies. C’est pourquoi certains jours j’ai comme envie de ne plus ouvrir jamais la grosse boite sournoise. Cet inverse tonneau des Danaïdes qui n’en finit pas de déborder.

Heureusement, on est quand même heureux lorsque, ayant sacrifié pour elle, une bonne part de ses activités ou inactivités essentielles, on peut faire sentir à un auteur connu ou inconnu qu’on l’aura vraiment lu. Qu’il a fait l’objet d’une écoute. Suscité une réaction. Que les mots qu’il a assemblés ne sont pas tombés dans le vide.

Comme on est heureux aussi de voir son travail estimé. Du merci qu’on reçoit[2]. D’un dialogue engagé. Plus ou moins chaleureux en fonction des remarques plus ou moins pertinentes qu’on aura dès l’abord faites. Heureux doublement quand on sent qu’on aura touché juste. Apporté à l’honnête inquiétude du créateur ce gage au moins de reconnaissance. 

 Nous avons tant besoin tous, de vivre. Et d’être reconnus.



[1] Au temps passé à rendre compte d’un ouvrage, il faut ajouter aussi, en ce qui me concerne, le temps passé à assurer la visibilité de mon blog. Qui seul permet aujourd’hui que la plupart de mes notes soient lues par quelques centaines de personnes (en moyenne) certaines dépassant, sur la durée, plusieurs milliers de vues. À titre d’exemple le tout dernier Cahier que l’amitié de Jean-Marie Perret m’a permis de publier a été lu en l’espace de 6 jours par plus de 240 personnes à quoi il faut ajouter plusieurs dizaines de vues sur Calameo. Parmi les articles qui auront atteint le plus grand nombre, je suis heureux de pouvoir mentionner mon article sur Jean Tardieu, 3198 hier au soir et celui sur le magnifique poète indien Arun Kolatkar que je dois à Olivier Barbarant d’avoir découvert : 2148 !

[2] Qui malheureusement n’est pas systématique. Tout le monde n’a pas la généreuse élégance d’un Manet. Ou même, simplement lu Les Matinaux de René Char.

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