Été aveugle
Les roses ont un goût rouge-rance —
un été acide est sur le monde
Les baies se gonflent d'encre
et sur la peau de l'agneau le parchemin se rêche
Le feu de framboise est éteint —
un été de cendres est sur le monde
Les hommes vont et viennent paupières baissées
sur la berge aux roses rouillée
Ils attendent que la colombe leur porte des nouvelles
d'un été étranger sur le monde
Le pont de pointilleuse ferraille
ne s'ouvre qu'à ceux en ordre de marche
un été aveugle est sur le monde
Blinder Sommer
Die Rosen
schmecken ranzig-rot —
es ist
ein saurer Sommer in der Welt
Die
Beeren füllen sich mit Tinte
und auf der Lammhaut rauht das
Pergament
Das
Himbeerfeuer ist erloschen —
es ist
ein Aschensommer in der Welt
Die
Menschen gehen mit gesenkten Lidern
am
rostigen Rosenufer auf und ab
Sie warten auf die Post der
weissen Taube
aus einem
fremden Sommer in der Welt
Die
Brücke aus pedantischen Metallen
darf nur
betreten wer den Marsch-Schritt hat
Die
Schwalbe findet nicht nach Süden —
es ist
ein blinder Sommer in der Welt
Née le 11
mai 1901 à Czernowitz (Autriche-Hongrie ; actuelle Ukraine) et morte le 3
janvier 1988 à Düsseldorf (Allemagne), Rose Ausländer est une poétesse
d'origine juive allemande.
Comme le dit la
belle et longue présentation du regretté Gil Pressnitzer qu’on trouve
d’elle sur le site Esprits nomades, « son histoire semble être le symbole du
naufrage de cette Mitteleuropa, de cette culture de l'Europe centrale qui a
disparu dans les flammes et les camps de la mort ».
Nous ne
saurions trop recommander à nos amis enseignants de se pencher sur les textes
mais aussi sur la destinée de cet auteur qui, injustement méconnue fait partie
comme l’écrit Gil Pressnitzer de ces grands poètes juifs : Paul Celan,
Nelly Sachs, Ingeborg Bachmann qui, pour avoir fait intimement l’expérience de
l’horreur, donnent chair aux choses indicibles.
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