Reparcourant à l’approche de 11 novembre 2025, Je sors enfin du bois de la Gruerie, un livre de Jacques Darras, évoquant l’abominable hécatombe que fut la première guerre mondiale, je m’aperçois que la note de lecture que j’avais en son temps rédigée sur ce puissant ouvrage n’est plus accessible en ligne. Je la repartage ici aujourd’hui.
Pas plus que le grand poète américain Walt Whitman, dont il reçut tôt la révélation capitale, Jacques Darras n'a l'habitude de poser le doigt sur sa bouche. Et le chant de lui-même ( Song of myself) dont sa poésie procède n'est pas celui d'un moi étriqué, défensif , réfugié dans le pré-carré d'une écriture qui ne voudrait plus rien apprendre d'elle. C'est une sorte de puissant courant intérieur, de souffle qui à la façon de son illustre aîné se propose d'arracher les verrous des portes, arracher même les portes de leurs gonds.
''Irruption de la Manche'', le précédent livre de Jacques Darras, se plaçait dans la perspective immensément étendue des milliards et des milliards d'années qui ont fait notre monde, défini les paysages que nous contemplons aujourd'hui, ainsi que dans celle infiniment plus courte de la pourtant longue série d'ancêtres bateliers de l'auteur. Chacun pouvait y lire toute la jubilation du poète de se sentir pleinement vivant dans un monde rayonnant des énergies les plus diverses et lointaines.
Avec Je sors enfin du Bois de la Gruerie, Jacques Darras se tourne vers une toute autre généalogie bien moins entraînante, qui n'est plus celle des éléments composant l'univers, celle aussi pour lui, des fleuves et des rivières qui l'ont de si loin porté mais celle de la guerre dont nous commémorons actuellement le centenaire. Une guerre dont il s'attache à mesurer les répercussions certes, mais à partir de laquelle surtout, il entreprend, avec le concours des quelques rares esprits restés en leur temps lucides, de porter sur notre civilisation et les individus qui en procèdent, c'est-à-dire chacun d'entre nous, le diagnostic le plus clairvoyant.









