|
P.H. Valenciennes, Paysage classique avec figures et sculpture, 1788, Paul Getty Museum, Los Angeles
|
Sans doute ne suis-je plus assez moderne ou contemporain
pour me montrer indifférent au beau travail ainsi qu’à la belle carrière de ce
Pierre-Henri Valenciennes qui fut au tournant du XIXème siècle le
peintre par lequel, semble-t-il, la peinture de paysage à laquelle nous sommes
devenus si sensibles, commença d’acquérir pour elle-même ses lettres de
noblesse. Pour le dire à grands traits, Valenciennes fut le lien qui par son
exemple et son enseignement conduisit de Poussin à l’impressionnisme, ayant
formé dans son atelier puis dans ses cours à Polytechnique comme à l’Ecole des
Beaux Arts bien des peintres de talent qui apprirent grâce à lui à regarder
vraiment les jardins et les paysages. En fonction des saisons comme des heures
de la journée.
Grand voyageur au cours de sa jeunesse qui lui fit en
particulier découvrir l’Italie, Valenciennes multipliait devant les mouvantes,
émouvantes, architectures du monde les études selon nature, consignant formes,
rapports de masses ou rendus de matière, s’intéressant tout particulièrement
aux jeux de lumière, aux variations de couleurs issus tant de l’éclat contrasté
d’un ciel d’orage que de l’étourdissant flamboiement d’un soleil couchant.
|
Etude de paysage, Rome
|
La bibliothèque en ligne Gallica offre aux curieux la
possibilité de feuilleter virtuellement l’un de ses carnets ramenés de Rome qui
lui fournirent par la suite matière à réaliser ces importants tableaux qui
bien qu’animés toujours de figures mythologiques s’imposent d’abord à nos yeux
comme paysages, paysages composés, où une nature initialement perçue
comme vivante, ne joue jamais le rôle d’un décor insignifiant et inanimé mais
possède comme il l’écrit « une expression déterminée », parle
à l’âme, exerce sur le spectateur « une action sentimentale ».
|
P.H. Valenciennes Etude de nuages, 1782, National Gallery, Londres |
Romantique donc et classique à la fois, la peinture de
Pierre-Henri Valenciennes est portée par « l’ardente ambition de
représenter avec justesse et vérité » - ces derniers mots bien entendu devant être
compris de la façon dont ils étaient entendus à l’époque – « le
spectacle de la nature ». Un spectacle qui comme tout spectacle est
perçu avant tout dans ses effets : imposants et terribles comme lorsqu’il
peint la mort de Pline et l’éruption du Vésuve ou simplement inspirant des
sensations douces et mélancoliques comme dans ce tableau du Getty Museum où
tant de choses se lisent pour moi de la fugacité et du mouvement mystérieux de
nos existences sous un ciel qui distribue ses ombres autant que ses clartés.
Professeur impliqué, solide et exigeant, Valenciennes
soutenait que le simple talent qu’il nommait mécanique du peintre ne pouvait
à lui seul suffire à faire de lui un artiste. Il pensait qu’il fallait avoir
beaucoup regardé, beaucoup apprécié et pour cela avoir aussi beaucoup voyagé avant
de pouvoir peindre un paysage. Il recommandait à ses élèves de lire, de méditer.
Afin de développer le plus possible en eux ces parties qu’il appelait « sentimentale
et philosophique ». Ce n’était pas encore l’époque où l’art se vit essentiellement
dans les esprits en termes, comme diraient les économistes, de « destruction
créatrice ». Il se vivait encore, du moins chez lui, sans impatience
et par là sans angoisse. Raison pour laquelle comme le suggère Kafka dans ses Préparatifs
de noce à la campagne (1), mélancoliquement, il pouvait figurer parfois sur la toile,
quelque chose de l’ordre d’un retour au Paradis.
Note :
1. "Peut-être n'y -a-t-il qu'un péché capital : l'impatience. Les hommes ont été chassés du paradis à cause de leur impatience, à cause de l'impatience, ils ne rentrent pas". Kafka