Avec Étude
d’éloignement le lecteur retrouvera, avec plaisir j’espère, cette
sensibilité labile qui fondée sur une conscience aigüe de la fuite du temps, de
la précarité des choses comme de leur incessant renouvellement fait de chaque
moment un passage, un mouvement, l’occasion encore d’une promesse, le plus
souvent d’une nostalgie. Chaque poème semble ainsi faire état d’une transition,
enchaînant ses propres accords à ceux des textes qui l’accompagnent, de manière
à faire entendre l’aria inépuisablement réinventée d’un être dont la seule
souveraineté qu’il conserve sur l’existence n’est plus que de chanter. S’ouvrant
sur le dur constat du mur infranchissable auquel se heurtent l’infini des
possibles illusoirement promis à l’enfant, s’achevant sur la vision d’un Double,
lui-même voyageur, qui s’éloigne sur la route sans qu’on ait pu rien lui
demander, le livre d’Emmanuel Moses est un livre, comme il dit, secret. Un
livre aussi de pitié, dans lequel le poème s’il fait le plus souvent état d’une
tristesse, tend dans le même mouvement à la soulager. Par la reconnaissance, à
côté de tout de qui s’éloigne, afflige et sans doute mortifie, de ce qui
paradoxalement parfois nous revient, invite et réenchante, dans la beauté, malgré
tout, de « l’air bleui du soir ».