dimanche 5 février 2017

POUR UNE HYGIÈNE DE L’ESPRIT. UNE PENSÉE SANS ABRI. CHRISTIANE VESCHAMBRE AVEC LES LYCÉENS DE BOULOGNE ET CALAIS.

Christiane Veschambre au lycée Branly de Boulogne-sur-Mer
L’école peut-elle se limiter aujourd’hui à des savoirs arrêtés ? À la transmission de modèles ? De listes. De connaissances ou de dogmes à réciter. Non. Et de moins en moins non ! À l’heure où la menace de l’enfermement des esprits dans des systèmes de croyances visant à nier le droit de chacun à sa propre différence alerte à juste titre sur ce que nous voulons sauver de nos démocraties, il est bon de rappeler que la pensée véritable, celle qui fait avancer, est toujours sans abri.

Avec les lycéens de Berthelot Calais 
Penser sans abri comme l’écrivait Adorno à propos de l’introducteur, dans le champ de l’esthétique contemporaine, du célèbre concept d’aura, le philosophe et essayiste, Walter Benjamin, n’est pas pratique courante dans notre monde de pauvres têtes molles où le mensonge, comme les mille et une stratégies de la mauvaise foi et du détournement de vérité s’imposent comme les armes par excellence des puissants qui veulent nous gouverner.

C’est pourquoi des rencontres comme celles que nous venons d’animer avec Christiane Veschambre pour quelques 150 jeunes gens des lycées Branly et Berthelot de Boulogne et Calais, revêtent à nos yeux une telle importance.

Soucieuse avant tout de montrer que, pour reprendre les propos de Bataille, « soi-même, ce n'est pas le sujet s'isolant du monde, mais un lieu de communication, de fusion du sujet et de l'objet », Christiane Veschambre en réponse à leurs diverses questions leur a montré comment le livre qu’ils ont découvert d’elle, n’avait pu s’écrire, s’inventer, se construire que par une ouverture constante aux diverses propositions du réel, sans partir d’aucune pensée préconçue, en acceptant aussi de se laisser traverser par de l’inattendu.

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Versailles-Chantiers a-t-elle clairement expliqué, est un ouvrage qui partant d’une décision simple : écrire à partir d’une gare qui fut le lieu de la première rencontre de ses parents, une veille de Noël 1938, est le fruit d’une expérience intérieure dont il faut bien comprendre qu’elle se constitue au fur et à mesure de l’avancée de ce chantier qu’est aussi l’écriture d’un livre. Comme elle l’écrit dans un autre de ses ouvrages, Basse langue, dans Versailles-Chantiers l’auteur aura assemblé, monté « bloc contre bloc [des]  morceaux de territoires mis au jour par les forces du surgissement ». Car il s’agit, pris dans l’activité particulière d’écrire, de ne pas se laisser aller à la tentation du lisse. Du recouvrement par les mots attendus, par la pensée commune, les fluidités de style et de composition, de cet indicible en nous mais aussi dans le monde qui réclame d’être repris, porté au jour par la parole. Non pour s’y trouver à tout jamais fixé. Épinglé. Momifié. Mais s’y faire à rebours vitalement signe. Signe de l’inépuisable, émouvante et toujours étrangère familiarité du vivant auquel nous nous sentons intimement liés.

 Cela, un jeune d'aujourd’hui peut avoir peine à le comprendre. Mais Christiane Veschambre n’est pas de ces gens qui, bardés d’assurance et de maîtrise, entreprennent de susciter mécaniquement l’adhésion des publics qu’ils rencontrent. C’est par la recherche constante, attentive et jamais répétitive d’une parole accordée au moment, qu’elle tente de faire partager l’expérience que lui communique son activité d’écrivain. Les jeunes, du coup, le sentent bien. Qui retiendront je crois cette forte impression que fait toujours un vrai poète, quand il ne récite pas un discours bien rôdé mais continue de chercher l’accord toujours à inventer entre ses paroles et la Vie. Entre sa vie et la Parole.

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