À Marco Martella
Il est difficile d’éviter
les distinctions et les conclusions
si agréable d’entrer
dans un espace dégagé
des courants d’opinion
et du poids de l’existence personnelle
un espace où moins l’on parle
plus l’on dit
Kenneth WHITE
Tractatus cosmopoeticus, in Un monde
ouvert.
La forêt se trouve peu présente
dans ce que j’ai pu jusqu’ici écrire. Je n’en retrouve en tout cas que fort peu
de mention dans des textes anciens.
Cela me semble d’autant plus
étrange qu’avançant dans la reconnaissance d’un réel échappant à nos soucis de
définitions et de contrôle, je vois bien que la forêt qui se refuse à se
laisser appréhender partout comme paysage, qui excède toujours l’œil, déroute
tout particulièrement l’ouïe et nous déborde de ses inattendus touchers,
constitue sans doute le milieu qui permet le mieux d’éprouver physiquement, sensoriellement, cet impensable du monde
que les logiques réductrices et tellement morcelantes de l’école et de
l’intellectualisme dans lequel j’ai été éduqué mais qu’aujourd’hui je combats, m’ont
si peu préparé à découvrir dans les choses.
Oui, l’expérience de la forêt qui
oblige à l’écoute inquiète, à une permanente tension de l’esprit vers l’invisible,
le hors-champ - tant ce que l’on perçoit à cet instant de présences,
craquements, frôlements, chuchotis, chants d’oiseaux, bruits lointains
corrigés, diffractés, par l’acoustique propre des bois, échappe aux prises
ordinaires et ordonnatrices de la vision qui bute là sur l’opacité d’une
végétation de premier plan qui enserre - aurait pu devenir pour moi comme elle
le fut pour un certain nombre d’artistes dont le beau livre intitulé La Forêt sonore, récemment paru chez
Champ Vallon explore un certain nombre de réalisations significatives, la voie
par laquelle j’aurais pu me défaire de l’idéal de clarté et de soumission
perspective par quoi passait toute représentation supérieure et significative
de nos fuyantes et prétendues réalités.