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mercredi 18 novembre 2020

FASTES ET AUTRES JOURS. MARDI 17/11/2020 : CADRER LA MORT !


Le confinement pourrait avoir cela de bon que me retenant davantage loin des destinations qui me sont toujours chères, il exalte le souvenir de ce qui m’y attache, ressuscite ainsi des joies passées qui autrement peut-être se seraient effacées recouvertes par le flux d’agitation de la vie ordinaire et les multiples tensions qui la tournent vers l’action et les temps à venir.

Me retournant ainsi vers un ancien Noël à deux pas de la Sint-Jacobkerk à La Haye je revois, je ne sais pourquoi, ces piles de fromages hollandais qui ne semblent vraiment délicieux que là-bas, appréciés dans la proximité des somptueuses natures mortes et des scènes de banquet anciennes qui forment un des trésors que l’on est venu admirer au Mauritshuis tout proche. L’une d’elles m’a toujours intrigué.


Ce n’est sans doute pas la plus belle de ce type de composition qu’il m’aura été donné de voir. Et j’en pourrais citer des dizaines et des dizaines de plus accomplies, de plus riches de sentiments et de plus audacieuses. Mais le tableau de Clara Peeters représentant précisément un plat empli des fromages que j’évoquais, accompagnés d’amandes, de figues, dattes et de bretzels, présente quelque chose à la fois d’évident et de mystérieux qui retentit tout particulièrement en moi. Je ne sais s’il s’agit de ces rendus de matière, le réalisme de ces surfaces de pâte durcie, craquée et qui un peu s’effrite, appartenant aux trois pièces de fromage que le peintre aura ici assemblées en masses lourdes et quelque peu terreuses. La sécheresse apparente des aliments superposés dans la partie gauche du tableau, jusqu’à l’assiette de beurre qui couronne leur empilement n’a par ailleurs rien qui fasse vraiment saliver. Ce n’est pas une question de gourmandise. Mais une question pour moi d’acuité. De profondeur. Car ce qu’on remarque tout de suite devant cet austère tableau ce sont les traces qu’auront laissé ici la vie. Le temps. Celui des serviteurs d’abord qui auront préparé ces agapes en y laissant les marques d’entaille de leur couteau. Celui de l’affineur ensuite dont on aperçoit le vide laissé par la tarière ou la sonde, sous le cercle rebouché du trou. Mais il y a autre chose. Ce tableau que le peintre aura signé, y inscrivant son nom sur le manche du couteau qui vient ajouter comme souvent dans ce genre de peinture la dimension du trompe-l’œil, contient encore un autoportrait. Là encore rien de bien révolutionnaire. Si ce n’est que la figure ici du peintre est quasi invisible. Rares en effet sont les visiteurs qui distinguent dans le couvercle en étain de la cruche en terre cuite, le reflet d’un visage de femme portant une coiffe claire.

mercredi 4 novembre 2020

PETITS MAÎTRES NON DÉPOURVUS D’IMPORTANCE. PIERRE-HENRI VALENCIENNES PEINTRE DE PAYSAGE.

P.H. Valenciennes, Paysage classique avec figures et sculpture, 1788, Paul Getty Museum, Los Angeles

 

 

Sans doute ne suis-je plus assez moderne ou contemporain pour me montrer indifférent au beau travail ainsi qu’à la belle carrière de ce Pierre-Henri Valenciennes qui fut au tournant du XIXème siècle le peintre par lequel, semble-t-il, la peinture de paysage à laquelle nous sommes devenus si sensibles, commença d’acquérir pour elle-même ses lettres de noblesse. Pour le dire à grands traits, Valenciennes fut le lien qui par son exemple et son enseignement conduisit de Poussin à l’impressionnisme, ayant formé dans son atelier puis dans ses cours à Polytechnique comme à l’Ecole des Beaux Arts bien des peintres de talent qui apprirent grâce à lui à regarder vraiment les jardins et les paysages. En fonction des saisons comme des heures de la journée.

Grand voyageur au cours de sa jeunesse qui lui fit en particulier découvrir l’Italie, Valenciennes multipliait devant les mouvantes, émouvantes, architectures du monde les études selon nature, consignant formes, rapports de masses ou rendus de matière, s’intéressant tout particulièrement aux jeux de lumière, aux variations de couleurs issus tant de l’éclat contrasté d’un ciel d’orage que de l’étourdissant flamboiement d’un soleil couchant.

Etude de paysage, Rome

 

La bibliothèque en ligne Gallica offre aux curieux la possibilité de feuilleter virtuellement l’un de ses carnets ramenés de Rome qui lui fournirent par la suite matière à réaliser ces importants tableaux qui bien qu’animés toujours de figures mythologiques s’imposent d’abord à nos yeux comme paysages, paysages composés, où une nature initialement perçue comme vivante, ne joue jamais le rôle d’un décor insignifiant et inanimé mais possède comme il l’écrit « une expression déterminée », parle à l’âme, exerce sur le spectateur « une action sentimentale ».

 

 

P.H. Valenciennes Etude de nuages, 1782, National Gallery, Londres

Romantique donc et classique à la fois, la peinture de Pierre-Henri Valenciennes est portée par « l’ardente ambition de représenter avec justesse et vérité »  - ces derniers mots bien entendu devant être compris de la façon dont ils étaient entendus à l’époque – « le spectacle de la nature ». Un spectacle qui comme tout spectacle est perçu avant tout dans ses effets : imposants et terribles comme lorsqu’il peint la mort de Pline et l’éruption du Vésuve ou simplement inspirant des sensations douces et mélancoliques comme dans ce tableau du Getty Museum où tant de choses se lisent pour moi de la fugacité et du mouvement mystérieux de nos existences sous un ciel qui distribue ses ombres autant que ses clartés.

 

Professeur impliqué, solide et exigeant, Valenciennes soutenait que le simple talent qu’il nommait mécanique du peintre ne pouvait à lui seul suffire à faire de lui un artiste. Il pensait qu’il fallait avoir beaucoup regardé, beaucoup apprécié et pour cela avoir aussi beaucoup voyagé avant de pouvoir peindre un paysage. Il recommandait à ses élèves de lire, de méditer. Afin de développer le plus possible en eux ces parties qu’il appelait « sentimentale et philosophique ». Ce n’était pas encore l’époque où l’art se vit essentiellement dans les esprits en termes, comme diraient les économistes, de « destruction créatrice ». Il se vivait encore, du moins chez lui, sans impatience et par là sans angoisse. Raison pour laquelle comme le suggère Kafka dans ses Préparatifs de noce à la campagne (1), mélancoliquement, il pouvait figurer parfois sur la toile, quelque chose de l’ordre d’un retour au Paradis.

 Note : 

1. "Peut-être n'y -a-t-il qu'un péché capital : l'impatience. Les hommes ont été chassés du paradis à cause de leur impatience, à cause de l'impatience, ils ne rentrent pas". Kafka

 

mardi 7 juillet 2020

PETITS ARRANGEMENTS ENTRE AMIS.



Peint en 1933 par Alexandre Guerassimov, ce tableau reconstitue à sa manière l’un des moments fondateurs de l’évolution de l’art soviétique. Trois artistes, Isaac Brodsky, Yevgeny Katsman et Alexandre Guerasimov lui-même, sont ici représentés en compagnie du Maréchal Vorochilov dans la datcha du maître du Kremlin qui les accueille. On peine à imaginer dans ce décor idyllique qu’autour de cette table accueillante et chaleureuse c’est le sort même des meilleurs artistes soviétiques du moment qui est en train de se jouer. C’est que les trois compères sont venus avancer leurs pions dans le conflit qui les oppose à ceux pour qui l’art est avant tout recherche et liberté. Et assurer de leur total soutien le camarade Kuba qui lui a décidé de l’employer pour en faire l’instrument de sa propagande et le mettre dorénavant au service du mensonge d’état. C’est dans les petits dîners entre amis que se décide le plus souvent le sort des choses. Guerassimov le sait qui, ne défendant que lui-même, s’est d’abord attaché l’amitié de Vorochilov qui ensuite lui a permis d’accéder à Staline. La composition du tableau est d’ailleurs bien révélatrice. S’il s’est, par un très apparent souci de discrétion, placé au second plan, il a pris soin sur l’image de se figurer entre les deux grands dirigeants susceptibles de faire avancer sa carrière, reléguant ses camarades artistes sur les bords de la table et poussant même la malice jusqu’à épaissir leurs traits, les figer dans une raideur qui contraste avec la manière dont il s'est représenté lui-même : regard vif, en train de dessiner, pipe à la bouche, un Staline bon enfant, jouant au maître d’école. 


Evgeny Katsman
À partir de ce moment l’art soviétique allait changer de visage. Et plus le pays allait du fait des famines et des grandes purges que l’on connaît s’enfoncer dans la misère et la peur, plus il allait, quant à lui, rayonner d’enthousiasme, d’élan et couvrir ses figures de joies et de sourires.

mardi 30 juin 2020

ÉLARGIR NOTRE MERVEILLEUSE CAPACITÉ DE PAROLE. DOSSIER FINAL D'EXTRAITS POUR LE PRIX DES DÉCOUVREURS 2020-21.

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Oui, comme nous l’écrivions l’an dernier, nous avons besoin de parole. C’est la vie. Et c’est le propre des poètes ou de façon plus générale de ceux qui entretiennent une relation dynamique au langage que de témoigner de cette nécessité profonde. Cela n’est-il pas merveilleux de réaliser que nous  sommes dans tout le vaste univers connu, la seule parmi ces millions et ces millions, ces milliards, peut-être, d’espèces vivantes, la seule à disposer de cette capacité de prolonger notre existence en paroles. Des paroles qui nous survivent. Et que pour les plus abouties d’entre elles et les plus nourrissantes, nous pouvons nous transmettre de générations en générations.

Mais cette capacité de paroles n’est en fait que l’une des manifestations de notre besoin plus large non seulement de nous représenter  les choses ou de nous exprimer mais par l’intermédiaire de nos facultés créatrices de libérer, augmenter, intensifier, exalter, comme l’écrit le philosophe Paul Audi, notre sentiment d’exister. Sur tous les plans où se joue en nous et dans le monde nos communes et singulières destinées.

C’est pourquoi on trouvera ici en lien toujours avec les extraits des ouvrages que nous avons sélectionnés toute une série d’oeuvres à découvrir et de questions à explorer. Rien n’est plus mortel pour l’intelligence que de s’enfermer dans des catégories. Ou des définitions. Catégories, définitions ne sont utiles que pour aider l’esprit à s’orienter. Une fois que l’on a regardé son plan, il importe de regarder la ville . Se perdre dans ses quartiers. S’imprégner de leurs différentes atmosphères. Ne jamais se contenter des visites guidées des principaux monuments.

On le voit. Le Prix des Découvreurs n’est pas un prix de poésie comme les autres. Son ambition est grande. Elle vise à aider ceux qui ne se contentent pas des formules toutes faites, à se construire et à inventer toutes sortes de parcours qui leur donneront non seulement de la poésie mais de l’art et de la culture une conception plus large, accueillante et vivante. Qui les amène à se constituer, dans l’écoute, l’échange, le partage des interrogations et des curiosités, en Sujet, non seulement rationnel mais aussi créatif et sensible, de leur propre parole, de leur propre existence.

Merci par conséquent à ceux qui rendent cette aventure possible : la Ville de Boulogne-sur-Mer qui nous soutient depuis toujours de diverses manières,  le Rectorat de Lille qui fait de notre action l’un des éléments de sa politique d’action culturelle et éducative, nos amis professeurs de lettres et documentalistes ainsi que les chefs d’établissement qui nous ouvrent leurs classes et bien entendu à nos amis poètes, écrivains, éditeurs et artistes qui s’impliquent avec générosité dans ce défi lancé à l’étroitesse présumée des temps.



jeudi 25 juin 2020

CAHIER D’EXTRAITS PRIX DES DÉCOUVREURS 2020-21. DIT LA FEMME DIT L’ENFANT DE CHRISTIANE VESCHAMBRE.

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Nous voici donc arrivés au tout dernier Cahier d’accompagnement de la sélection 2020-21 du Prix des Découvreurs. Point final ou presque d’un long travail qui nous aura occupé durant bien des semaines. Nous terminons avec le beau livre de Christiane Veschambre, paru aux éditions isabelle sauvage, dit la femme dit l’enfant. Nous aurions bien aimé proposer pour la découverte d’autres passages de cet ouvrage susceptibles d’éveiller davantage encore d’échos chez de jeunes lecteurs préoccupés d’abord d’eux-mêmes et du monde dans lequel ils croient vivre. Seulement, il nous a semblé impossible de les faire entrer dans le livre autrement qu’en les plaçant sur le seuil imaginé par son auteur.

Pour ce qui est de l’accompagnement artistique et culturel qui est le signe distinctif de ces Cahiers, nous avons encore une fois privilégié peinture et arts plastiques en proposant à la découverte le travail d’un peintre méconnu de la première moitié du XXème siècle ainsi qu’une réflexion sur le cadre et le trompe-l’œil. Tous les liens actifs de ce Cahier seront visibles et rendus actifs sur CALAMEO qui a l’inconvénient toutefois de ne pas être téléchargeable. Le PDF correspondant peut l’être sans difficulté, les liens quant à eux n’apparaissant qu’au passage de la souris.