vendredi 3 décembre 2021

MIEUX VOIR SOUTINE ?

 

SOUTINE. UNE ARDENTE FIGURATION.

C’est au musée de l’Orangerie que se trouve, dit-on, la plus riche collection d’œuvres du peintre d’origine russe Chaïm Soutine, « el pintre brut[1] » comme le surnommaient les habitants des petites villes du sud, de Ceret en particulier, où il résida quelques temps au lendemain de la première guerre mondiale.

L’exposition que ce musée actuellement lui consacre en mettant en lumière ce qu’un peintre comme Willem De Kooning lui doit n’a pas seulement été pour moi l’occasion de redécouvrir un peu autrement ses œuvres mais de réfléchir avec ce qui me reste de cervelle à la façon dont ce peintre est encore aujourd’hui accueilli ou perçu. Comme malheureusement trop souvent, on constate que la dimension biographique reste un des cadres privilégiés de la perception des œuvres. Avec la bourgeoise fascination que nos publics comme beaucoup de ceux qui les racolent éprouvent pour les artistes maudits. Les existences risquées. Les grands ratages affectifs… La peinture de Soutine reste, c’est vrai, du pain bénit pour ceux qui ne peuvent remarquer un geste enlevé de peintre, un tourbillon de forme, l’écrasement sur la toile de la moindre écarlate sans y mécaniquement voir le signe d’une blessure intime. D’un tourment non résolu.

mercredi 24 novembre 2021

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. DEUX PETITS LIVRES D’ÉRIC SAUTOU PUBLIÉS CHEZ FAÏ FIOC.


« ce sont/ de petits grelots dans la main (des chansons minuscules) ». Ce qu’Éric Sautou, dans le tout dernier poème de Son enfance[1], dit, sans d’ailleurs le préciser, des fleurs qui, dans son souvenir, à moins que ce ne soit vraiment sous ses yeux, refont merveilleusement bouquet, peut aussi bien se dire de ses propres poèmes, dans leur touchante et discrète fragilité. Cette impression qu’ils donnent d’être moins l’expression d’un sentiment que le remuement, l’incessant tremblement d’une conscience alarmée que tout peut venir et revenir troubler.

 

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS. PAGES DÉTACHÉES DE L'OUVRAGE D'ERIC SAUTOU, C'EST À PEINE S'IL PLEUT ( Faï fioc)

 

vendredi 19 novembre 2021

BONNES FEUILLES. LE SENAT SOUS DOMITIEN DANS LA NUIT DES ORATEURS D’HÉDI KADDOUR. GALLIMARD.

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RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. LA NUIT DES ORATEURS D’HÉDI KADDOUR CHEZ GALLIMARD.

Vue actuelle du Forum romain à partir de la Curia Julia, photo G.G.

Une sorte de thriller historique formidablement pénétrant agissant à la façon d’un poison lent, c’est ainsi que je résumerai le dernier grand roman d’Hédi Kaddour, La Nuit des orateurs, dans lequel il raconte, lui qui aime avant tout ce qu’il appelle « les bonnes histoires » le moment où sous le règne de l’Empereur Domitien, va se décider le destin de deux grands personnages parmi les plus importants et plus riches commis de l’Empire, considérés aujourd’hui par nous comme de simples écrivains, Pline le Jeune et Tacite.

 

vendredi 12 novembre 2021

EN PERSPECTIVE. LES LARMES D’EMMANUEL MACRON.


 « Ému à en pleurer. » Je lis dans le Huffpost de ce jeudi 11 novembre qu’au cours de la cérémonie organisée par lui au Mont Valérien, pour honorer la mémoire du dernier compagnon de la libération, Hubert Germain, le Président Macron, n’aurait, en effet, pas caché ses larmes.  « Une séquence rare, commente le site d’information, pour un président de la République, rompu aux cérémonies parfois graves et solennelles. » Ces larmes m’en rappellent d’autres. Qu’analyse l’historienne de l’Antiquité, Sarah Rey dans un ouvrage intitulé, Les Larmes de Rome.

 

RECOUVRER LE MONDE D’HERVÉ MARTIN. DANS LE FRÉMISSEMENT DES PLUS VIVES MATIÈRES.

Hervé Martin fait partie depuis plus de trente ans maintenant de mes poètes amis. Et compte, je le sais bien, parmi les plus fidèles. J’ai reçu son dernier livre, Recouvrer le monde, début juillet dernier, et ce n’est que maintenant que j’en rends compte. Ce que j’aurais dû faire depuis longtemps. D’autant que bien des choses dans cet ensemble me parlent. M’émeuvent. Habitué que je suis, comme Hervé, aux longues promenades en forêts. À y laisser mon regard se perdre dans le spectacle toujours renouvelé des fûts, des branches et les miroitements de la lumière entre eux puis toute la mosaïque recomposée du ciel qu’aux saisons les moins froides le mouvement des feuilles balaie. Il y a chez Hervé Martin toujours ce frémissement de voir les vives matières de ce qu’on appelle la nature faire infiniment signes de ce qu’il nomme beauté et que je dirais moi, plus lourdement, d’interpellante existence, par ce qu’on y ressent d’intimité réciproque entêtée à s’entrepercer. Car les « matières » quelles qu’elles soient, minérales, végétales, silex ou écorce, relèvent pour Hervé Martin de ce grand mystère du monde avec lequel nous faisons sensuellement corps mais que notre esprit et nos mots restent malheureusement pour l’essentiel, impuissants à comprendre. D’où ce travail toujours recommencé de regard. Et par suite de voix. De poèmes. Qui tente non pas de recouvrir le monde mais de le recouvrer c’est-à-dire de le retrouver. D’en faire comme apparaître la direction perdue.