Pas facile de faire parler une œuvre d’art, de l’évoquer par
les mots jusqu’à finir par lui donner une profondeur intelligible, une
épaisseur sensible, nous permettant non seulement de la mieux voir mais d’en
partager avec d’autres l’effet. La pluralité d’effets plutôt dont elle est bien
entendu porteuse. Pas facile, certes, mais nécessaire car « si l'image, comme
le dit la philosophe Marie-José Mondzain, est ce que l’on voit ensemble,
elle ne peut se construire que dans les signes partagés par ceux qui voient, et
ces signes sont ceux de la parole, des signes langagiers.[i] »
Ceux qui ont eu la chance de lire l’Esthétique de la
résistance de Peter Weiss, savent pour y avoir découvert les commentaires de
l’extraordinaire frise du Pergamon de Berlin, à quelle hauteur de pensée –
esthétique et politique liées – peuvent atteindre les mots quand ils cherchent
à comprendre vraiment ce qu’ont pu voir les yeux[ii].
On ne peut donc que louer une entreprise comme celle des éditions
invenit qui avec leur bien nommée collection « Ekphrasis »,
offrent à de très nombreux auteurs d’aujourd’hui l’occasion de se confronter
aux œuvres les plus remarquables de divers musées, des moins connus jusqu’aux
plus prestigieux.
Installé dans le Nord, Dominique Tourte, le directeur d’invenit
fait bien entendu la part belle aux institutions comme aux écrivains de sa
région dont on ne dira jamais assez la richesse littéraire comme
artistique. Ainsi pour ce volume que
Yannick Kujawa consacre à l’Ouvrier mort du peintre Edouard Pignon,
conservé en dépôt au Musée des Beaux Arts de Lille.