samedi 11 septembre 2021

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. TERRILS TOUT PARTOUT DE FANNY CHIARELLO AUX ÉDITIONS COURS TOUJOURS.

C’est pour la collection « La vie rêvée des choses » que la poète et romancière Fanny Chiarello a conçu Terrils tout partout, petit ouvrage d’un peu moins d’une centaine de pages, comprenant un cahier de ses propres photographies mais qui va bien plus loin qu’une simple et pittoresque évocation de ces amas de pierres, de terres et de résidus liés à l’exploitation des mines, devenus avec le temps l’un des emblèmes, l’une des figures marquantes de ce bassin minier du Nord-Pas-de-Calais dont elle est originaire. Et c’est dans le temps long d’une Humanité qui à partir de la découverte qu’elle fait du feu, il y a quelque 450000 années, s’est engagée dans un corps à corps destructeur avec la nature, qu’elle situe ce qui nous est présenté comme un roman, mais tient plutôt du récit autobiographique, sinon de l’enquête sociologique, historique, linguistique… voire du factum écologiste.

mercredi 8 septembre 2021

SUR L’OUVRIER MORT DE YANNICK KUJAWA AUX ÉDITIONS INVENIT.

Pas facile de faire parler une œuvre d’art, de l’évoquer par les mots jusqu’à finir par lui donner une profondeur intelligible, une épaisseur sensible, nous permettant non seulement de la mieux voir mais d’en partager avec d’autres l’effet. La pluralité d’effets plutôt dont elle est bien entendu porteuse. Pas facile, certes, mais nécessaire car « si l'image, comme le dit la philosophe Marie-José Mondzain, est ce que l’on voit ensemble, elle ne peut se construire que dans les signes partagés par ceux qui voient, et ces signes sont ceux de la parole, des signes langagiers.[i] »

Ceux qui ont eu la chance de lire l’Esthétique de la résistance de Peter Weiss, savent pour y avoir découvert les commentaires de l’extraordinaire frise du Pergamon de Berlin, à quelle hauteur de pensée – esthétique et politique liées – peuvent atteindre les mots quand ils cherchent à comprendre vraiment ce qu’ont pu voir les yeux[ii].

On ne peut donc que louer une entreprise comme celle des éditions invenit qui avec leur bien nommée collection « Ekphrasis », offrent à de très nombreux auteurs d’aujourd’hui l’occasion de se confronter aux œuvres les plus remarquables de divers musées, des moins connus jusqu’aux plus prestigieux.

Installé dans le Nord, Dominique Tourte, le directeur d’invenit fait bien entendu la part belle aux institutions comme aux écrivains de sa région dont on ne dira jamais assez la richesse littéraire comme artistique.  Ainsi pour ce volume que Yannick Kujawa consacre à l’Ouvrier mort du peintre Edouard Pignon, conservé en dépôt au Musée des Beaux Arts de Lille.

vendredi 3 septembre 2021

MA MÈRE N’A PAS EU D’ENFANT DE GENEVIÈVE PEIGNÉ, AUX ÉDITIONS DES LISIÈRES.

Livre composé presque essentiellement d’interrogations, l’ouvrage de Geneviève Peigné, Ma mère n’a pas eu d’enfant, touche avec délicatesse à de nombreuses questions relevant aussi bien de l’intime, que du destin même de cette tragique Humanité qu’on voit désormais s’avancer tout droit vers la catastrophe finale.

S’appuyant sur un régime d’écriture qui doit autant à la prose qu’à la poésie par la façon qu’il a de s’autoriser l’ellipse, les créations verbales, de jouer surtout sur les coupes, les rythmes, et de se refuser aux développements circonstanciés qu’impose le récit quand il tente, dans ses clartés réalistes, de reconstruire – espace et temps - des vies autres, le livre de G. Peigné quoiqu’il se penche sur l’existence d’une lignée dont l’auteur cherche par quels moyens préserver la trace, n'a rien du romanesque par exemple dont l’important livre d’Alice Ferney, Les Bourgeois, qui s’attache aussi à remédier par l’écriture au vide laissé par des vies qui se seront largement méfiées des mots, présente toutes les caractéristiques.

Réduite à une poignée de personnes, la famille dont Geneviève Peigné inventorie ici « le tout petit espace du leg », est d’ailleurs bien éloignée de celle de ces Bourgeois qui à chaque génération prolifère, si bien que la chair semble s’y fabriquer sans fin empêchant tout dessèchement, entraînant tout dans « son cirque vital ».

mercredi 1 septembre 2021

FUITE EN EGYPTE. MASSACRE DES INNOCENTS.

Gentile da Fabriano Offices, Florence

 « Le massacre des innocents. Avignon, musée du Petit palais. Je pense aux mères sous le gouvernement d'Hérode qui ordonna que tous les garçons de moins de deux ans soient égorgés pour dévier le cours de la venue du Messie. A ce cadeau de Dieu le père à Jésus, en laissant égorger tous les garçons autres.

Je me demande si, et sur quelle place de Mai, les mères se rassemblèrent pour crier leur colère contre l'Instigateur suprême du scénario.

Je comprends la fuite en Égypte de Marie, comment aurait-elle soutenu leurs regards, avec ce nouveau-né sans plus aucun de son âge autour — seul et unique ?

La parole d 'évangile de Matthieu est restée muette quant aux filles négligées dans l'assassinat. Devinrent-elles des gars — travesties dans l'image d'un disparu comme remède impossible à la douleur des mères ?

Priver ainsi son fils de compagnon de jeux, cela a t-il quoi que ce soit de sensé de la part d'un père, même Éternel ? »

 

Je ne me souviens pas d’avoir vu ce tableau du peintre siennois du XVème siècle, Benvenuto di Giovanni, dont partent les singulières interrogations de Geneviève Peigné dans ce livre, Ma mère n’a pas eu d’enfants que viennent de faire paraître les belles éditions des Lisières.[i] C'est vrai que de Giotto jusqu’aux plus récents reportages photographiques, notamment sur la guerre de Syrie, le thème du massacre des innocents n’a cessé de hanter la fabrication des images à partir desquelles les artistes ont tenté d’exprimer quelque chose de l’horreur que leur inspire la succession ininterrompue d’atrocités dont la puissance armée des hommes mise au service des autorités les plus barbares et les plus implacables, peut se rendre coupable. Qu’on considère par exemple, à côté de toutes les références célèbres de Bruegel à Picasso, en passant par le superbe tableau de Poussin qu’on peut voir au Musée de Chantilly, cette seule planche de Théodore de Bry (planche 59) montrant, à partir d’un texte de Bartolomé de Las Casas, un conquistador jetant un enfant indigène à ses chiens.

 

vendredi 27 août 2021

VIE DU POÈME. PIERRE VINCLAIR. PIETRO LORENZETTI !

Je m’apprêtais à écrire quelque chose sur un reste frappant de fresque ayant échappé à ma vigilance au cours d’une récente visite de la basilique San Francesco de Sienne, rendue difficile par la chaleur écrasante du moment. C’est une sortie de tombeau représentant l’un de ces moments majeurs du grand récit christique, qui pour une fois ne cherche pas à insister sur la dimension miraculeuse, « surréelle », de l’évènement mais nous montre un Jésus comme sortant tranquillement de l’intérieur d’un palais, ramenant simplement de la main les plis d’un vêtement lui donnant un faux air de patricien romain et n’ayant plus de divin, de visiblement sacré, que l’auréole entourant un visage représenté de face que ne singularise qu’un regard atteint d’une énigmatique pointe de loucherie. Due à Pietro Lorenzetti encore, cette représentation du Christ ressuscité datant des années 1330 et qui est tout ce qui reste d’une fresque plus monumentale où se voyaient sûrement l’étendard de la résurrection dont le personnage tient encore solidement la hampe de sa main droite et le groupe de soldats romains dormants, habituellement représentés dans ce type de scène, tranche avec celles de son époque et celles aussi qui se multiplieront après. Qu’on pense par exemple à cette image qu’en donna l’Angelico dans l’une des cellules de San Marco où le Christ flotte au-dessus du tombeau vide sur lequel le groupe des quatre Marie, venues avec l’aloès et la myrrhe, se penchent incrédules. Celle plus fantastique encore de Grünewald à Issenheim, jaillissant cosmique, dans une sidérante explosion de lignes et de couleurs.

lundi 23 août 2021

SUR UNE CRUCIFIXION DE PIETRO LORENZETTI. BAUDELAIRE. STEIN. PÉTRARQUE.


Les retours de voyage, ceux en tout cas de découverte, peuvent être éprouvants. Outre bien entendu la fatigue des longs déplacements et la nécessité de remettre en route les petites mécaniques nécessaires au bon fonctionnement de la vie quotidienne il y a cette exigence qu’on perçoit de ne pas se laisser perdre la multiplicité des chocs émotionnels, culturels ou simplement sensibles que l’espace de plusieurs semaines on se sera ingénié à multiplier. De retour de Sienne, où j’aurai vu et photographié non seulement nombre de paysages admirables mais surtout quantité d’œuvres réalisées entre le XIIIème et le XVIème siècles dans ce qui fut certainement à l’époque l’un des plus actifs centres artistiques d’Europe, j’éprouve ce besoin de garder quelque trace durable de ce qui m’aura sur le moment frappé, voire d’approfondir un peu la connaissance et la compréhension, le plaisir aussi, de certaines de ces mille et une merveilles que mon regard, parfois fatigué par ce trop plein de volupté auquel il s’est vu soumis, n'aura pu qu’enregistrer, sans pouvoir en tirer toujours les grands délices promis et recherchés. Oui Baudelaire a bien raison de continuer à nous en avertir. L’étude du beau n’est pas toujours simple affaire de plaisir*.


Depuis que je l’ai découvert, il y a une petite quinzaine d’années, à travers sa grande Crucifixion, à Assise, je me suis pris d’intérêt pour l’œuvre de Pietro Lorenzetti, ses ballets d’anges dans le ciel, son bleu, ses ors, l’échange de regards de ses personnages et jusqu’à sa façon d’humaniser comme personne ses couples de chevaux. Pietro qui fut l’un des quatre ou cinq grands réinventeurs de la peinture de son temps ne jouit cependant pas tout à fait du même prestige que son frère Ambrogio à qui l’on doit les célèbres fresques du Bon et du mauvais gouvernement, qui constituent l’une des principales attractions du Palazzo Pubblico de Sienne. Son œuvre n’en reste pas moins des plus remarquables et pas toujours simple à différencier d’ailleurs de celle de ce frère avec lequel, le plus souvent, il dut collaborer, comme pour les fresques aujourd’hui disparues de la façade de l’Ospedale di Santa Maria della Scala en face du Duomo, fresques consacrées à l’histoire de Marie avant la naissance du Christ qui inspirèrent, tant par leur thématique que par leur style et leur conception, pendant près de deux siècles, nombre de peintres d’Italie.

mercredi 7 juillet 2021

PARCOUREZ LA SOIXANTAINE DE CAHIERS D’ACCOMPAGNEMENT DES PLUS RÉCENTES SÉLECTIONS DU PRIX DES DÉCOUVREURS.

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Du poète irakien vivant aujourd’hui en Allemagne, Fadhil Al-Azzawi, au poète chinois Yu Jian, en passant bien sûr par de très nombreux poètes contemporains de langue française, ce sont des dizaines et des dizaines de poèmes de toutes sortes, de toutes formes, abordant les thématiques les plus diverses que l’on trouvera dans ces cahiers richement illustrés faits pour donner envie de découvrir toujours davantage la vie et les arts qui l’enrichissent, à partir de la poésie.

 

lundi 5 juillet 2021

POÉSIE/PARTAGES N° 10. POÈMES CHOISIS DE CAMILLE LOIVIER ACCOMPAGNÉS DE PHOTOGRAPHIES D’ODILE ROBINOT.

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Que ce soit avec les patients des hôpitaux, les éléments de la nature (Cardamine, Joubarbe…), une feuille de marronnier, voire une vieille éponge ratatinée tombée sur le sol d’une salle de bains, la profonde sensibilité de Camille Loivier l’amène sans cesse à se projeter hors d’elle-même, moins pour éprouver d’ailleurs l’irréductible différence qui nous sépare des choses que pour y reconnaître une part de son intériorité propre. Exprimer aussi la tension qui la porte vers l’autre. L’autre qu’on voudrait toujours accueillant, modeste et secourable. A cette poésie que je dirais volontiers d’épanchement, mais indirect, retenu, réservé, les photographies d’Odile Robinot à qui nous devons un précédent numéro de Partages consacré à Thierry Metz, apportent un magnifique contrepoint qui valorise précisément l’effet de trouble et de profondeur cachée qui à mes yeux fait l’un des intérêts majeurs de ces textes dont les ombres longtemps, vivantes, lumineuses, nous accompagnent.

FEUILLETER CE CAHIER SUR CALAMEO

 

BONNES FEUILLES. L’HOMME EN PERSPECTIVE (LES PRIMITIFS D’ITALIE) DE DANIEL ARASSE CHEZ HAZAN.

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