mercredi 24 avril 2019

LE PRIX DES DÉCOUVREURS 2019 À ALEXANDRE BILLON POUR LETTRES D’UNE ÎLE CHEZ P.I. SAGE INTÉRIEUR.



Une fois n’est pas coutume. Il nous aura fallu, cette année, attendre jusqu’au tout dernier moment pour pouvoir attribuer le prix des Découvreurs, éditions 2019, aux Lettres d’une île d’Alexandre Billon. Mais si l’ouvrage du jeune poète irakien Ali Thareb, Un homme avec une mouche dans la bouche, a bien failli remporter la mise, porté qu’il était par la naturelle empathie qui pousse encore les jeunes d’aujourd’hui vers ceux qui subissent injustement les violences absurdes qui défigurent le monde, c’est une poésie habitée par un sentiment plus large et plus universel, ouverte non seulement à l’inquiétude mais aussi à la joie, au plaisir et au bonheur de vivre que la plus grande partie de nos jeunes ont finalement élue. Et sans doute faut-il se réjouir de ce choix qui témoigne de l’ouverture de sensibilité d’une jeunesse qui sans vouloir ignorer les aspects les plus noirs de notre réalité contemporaine reste attachée à ce qui continue de chercher à dire, sans miévrerie, sans pathos inutile, la fragile et inquiète beauté de notre condition.


jeudi 4 avril 2019

POUR WISLAWA SZYMBORSKA. NOUS SOUCIER AVANT TOUT DES PAROLES VIVANTES !

Bien envie de faire découvrir à l’occasion du prochain prix des Découvreurs dont nous devons très prochainement délivrer la sélection, la poète polonaise Wisława Szymborska, dont la collection Poésie/Gallimard a récemment fait paraître une anthologie dont le titre, De la mort sans exagérer rien que lui déjà interpelle fortement.

Je sais que malheureusement Szymborska n’est plus de ce monde et que nous sélectionnons en principe des poètes vivants. Mais n’est-ce pas surtout de paroles vivantes, d’une poésie forte et claire, capable avant tout de dire et de faire sentir et comprendre ce qui dans la vie et pour l’homme doit rester nécessaire, que nous devons nous soucier. Pour la faire connaître et partager. 



EXTRAIT :

Wisława Szymborska – De la mort sans exagérer

Elle n’entend rien aux blagues,
aux étoiles, ni aux ponts,
au tissage, ni aux mines, ni au labourage,
ni aux chantiers navals, ni à la pâtisserie.

Quand elle se mêle de nos projets d’avenir,
elle a toujours le dernier mot
hors sujet.

Elle ne sait même pas faire
ce qui directement se rapporte à son art :
ni creuser une tombe,
ni bâcler un cercueil,
ni nettoyer après.

jeudi 28 mars 2019

DE LA DIFFICULTÉ DE L’INCARNATION. LE BEL OBUS. UN OUVRAGE DE GUILLAUME DE FONCLARE.


Dans ma peau, un livre de Guillaume de Fonclare qu’une amie m’a très récemment donné à lire, connaissant mon intérêt pour ce qui a trait aux paysages de la Grande Guerre, est un livre que je qualifierais volontiers de touchant si je pouvais débarrasser le mot de cette nuance de niaise et visqueuse sensiblerie qu’il prend aujourd’hui de plus en plus à la une des media populaires. L’auteur, alors directeur de l’Historial de la Grande Guerre de Péronne, y raconte son combat quotidien contre une maladie dégénérative qui le rend prisonnier comme il l’écrit « d’une gangue de chair et d’os » et l’amène à se retrancher progressivement dans les limites de plus en plus étroites et mesurées des déplacements que lui permet sa résistance à la souffrance. On le voit à ces diverses formules : difficile pour lui de ne pas établir de parallèle entre sa douloureuse et mal supportable condition et celles de ces millions et millions d’hommes dont l’établissement qu’il dirige a charge d’entretenir l’émouvant et ô combien pitoyable souvenir.

lundi 18 mars 2019

À LIRE ! DU TRAVAIL DE JEAN-PASCAL DUBOST. APOLOGIE DU POÈTE EN LIBRE TRAVAILLEUR.


Ceux que l’activité littéraire, de nature plus spécialement poétique, intéressent encore, trouveront j’imagine matières à réflexion et autres nourritures délectables à la lecture du bel ouvrage de Jean-Pascal Dubost, Du travail, paru récemment à l’Atelier Contemporain. Ouvrage comme on dit de résidence, le livre de J.P. Dubost s’écarte toutefois de ce genre souvent un peu léger de production par l’importance de l’investissement personnel dont il fait montre. Du travail est un travail solide. Sérieux. D’un sérieux n’excluant heureusement pas l’humour et la fantaisie. Dont l’intérêt pour moi réside aussi dans le fait qu’il se présente sous la forme d’une aventure de pensée, menée « en état de crise poétique et morale », crise  dont l’auteur nous conte et compte aussi les péripéties, sans les abstraire du pittoresque des circonstances où elles sont nées.

lundi 11 mars 2019

ANTOINE ÉMAZ ET LES DÉCOUVREURS. MERCI.


Gravure de Martine Rassineux sur un poème d'A. Emaz.

Le poète Antoine Émaz qui figura à plusieurs reprises dans la sélection du Prix des Découvreurs, est mort le 3 mars dernier. Il rejoint la liste qui commence à être longue des disparus que nous aimons et qui comme par exemple Ludovic Janvier ou Fadwa Suleimane, resteront encore longtemps bien présents dans notre cœur.


C’est Ariane Dreyfus, je crois, qui la première m’incita, à l’occasion de notre rencontre à la fin des années 90, à me rapprocher d’Émaz pour laquelle, outre une grande admiration pour son travail poétique, elle éprouvait un véritable attachement pour les qualités humaines dont il savait l’accompagner. Et c’est donc assez naturellement que je lui proposai de figurer dans la sélection d’estampes que sur la proposition du maître typographe François Da Ros et de sa compagne  Martine Rassineux, graveuse, je réunissais pour qu’ils en fassent la magnifique série qu’on peut toujours découvrir sur leur site.

vendredi 8 mars 2019

BIENTÔT L’HEURE DES GRENOUILLES PENSANTES ? RENCONTRES EN MILIEU SCOLAIRE. LA MEL. LA RÉFORME DES LYCÉES...




« Nous ne sommes pas des grenouilles pensantes, nous ne sommes pas des appareils objectifs et enregistreurs avec des entrailles en réfrigération, — il faut sans cesse que nous enfantions nos pensées dans la douleur et que, maternellement, nous leur donnions ce que nous avons en nous de sang, de cœur, d’ardeur, de joie, de passion, de tourment, de conscience, de fatalité. La vie consiste, pour nous, à transformer sans cesse tout ce que nous sommes, en clarté et en flamme, et aussi tout ce qui nous touche. »

C’est à ces magnifiques paroles de Nietzsche, extraites du Gai savoir, que je songe immanquablement avant chaque rencontre. Notamment en milieu scolaire. Que j’y intervienne comme poète, même un peu négligé par ses pairs, ou plus indirectement comme accompagnateur et organisateur. 


lundi 25 février 2019

LES DÉCOUVREURS AU LYCÉE KERNANEC DE MARCQ-EN-BAROEUL. ENTRE LA PAROLE ET LA VIE.

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Et puis parce qu’il faut surtout penser à la vie et ne pas toujours regarder la face la plus sombre des choses, je suis heureux à la suite de mes deux dernieres interventions sur ce blog d’y partager aujourd’hui le travail réalisé par les élèves de 1 S du lycée Kernanec de Marcq-en-Barœul, près de Lille, sous la direction de Marie-Juliette Robine, une professeur admirable que j’ai la chance de connaître depuis plus d’une dizaine d’années.

J’espère de tout cœur que ces lectures contemporaines si diverses accomplies par les jeunes gens dont s’occupe Marie-Juliette, auront permis à beaucoup d’entre eux, de libérer, comme c’est l’objectif des Découvreurs, cet élan qui va de la parole à la vie et de la vie à la parole



jeudi 21 février 2019

AVEC LA MORT QUARTIER D’ORANGE ENTRE LES DENTS. DISPARITION DE MARIE-CLAIRE BANCQUART.



J’apprends aujourd’hui la mort de Marie-Claire Bancquart. Elle fut l’une des toutes premières véritables poètes vivantes qu’il me fut donné de rencontrer. L’une des premières aussi que j’imaginais de faire rencontrer, il y a une bonne trentaine d’années, à mes élèves et à se voir sélectionnée pour le Prix des Découvreurs. Les mots me manquent pour exprimer la reconnaissance que j’ai à la fois pour l’accueil qu’elle m’a réservé et la haute idée de la poésie qu’elle a contribué à forger en moi. La mort n’était pas pour elle cette chose terrible et angoissante que presque tous nous craignons. Mais une réalité qui continue à nous faire participer au grand devenir de l’univers. Elle était ce quartier d’orange dont le jus coule entre nos dents, image qu’elle reprit en titre pour l’un de ses plus beaux recueils paru en 2005 chez Obsidiane. Et au sujet duquel je me permets de reprendre ce que je lui en écrivais après l’avoir reçu.

À LIRE ! DESTINATION DE LA POÉSIE DE FRANÇOIS LEPERLIER AUX ÉDITIONS LURLURE.

François Leperlier nous livre dans cet ouvrage qui ne devrait pas manquer de faire réagir, les réflexions que lui inspire « la situation actuelle de la poésie ». Si la critique qu’il fait des multiples tentatives de médiatisation dont fait aujourd’hui l’objet la poésie et dont par ailleurs il affirme qu’elles restent pour l’essentiel sans effet réel, apparaîtra à certains excessivement radicale, il y aura profit, je pense, pour chacun, à profiter de la vision qu’il donne de la nécessité profonde de l’expérience poétique pour approfondir sa réflexion sur la « destination » de son propre engagement.

Oui. C’est aussi pour moi une évidence. Le poème, cet accompli dispositif de figures, cet assemblage singulier de rythmes et de mots par lesquels il se donne à lire ou entendre, ne peut être dissocié de ce qui vitalement l’anime, le traverse : élan, poussée ; de ce soulèvement profond et comme rassemblé de ce qu’on peut appeler l’être ou l’âme ou l’imagination, l’intelligence peut-être aussi… qu’importe. Et c’est pourquoi, je comprends que certains voient dans ce qu’on appelle poésie, une dimension, une aspiration fondamentales de l’humanité qui bien au-delà des mots s’expriment dans la totalité des activités créatrices par lesquelles, sans cesse, nous ajoutons concrètement comme idéalement, de la réalité à la réalité. De l’imaginaire aux imaginaires. Dont nous sommes tissés.

Sans doute y-a-t-il quelque risque à trop diluer les concepts et continuer à n’évoquer par le mot poésie que le genre littéraire qu’il désigne, tout en restant bien conscient du flou et de la grandissante perméabilité de ses limites, permettra peut-être de nous éviter bien des dialogues de sourds. Toujours est-il que je reconnais bien volontiers à l’ouvrage de François Leperlier, Destination de la poésie, qui y voit, lui, le principe générateur, non seulement de tout art mais de toute expérience de conscience sinon de présence véritables au monde, le mérite de mettre ainsi mieux en lumière le type d’exigence que sa pratique personnelle comme son mode d’existence à l’intérieur de la société, réclament.