Est-ce le pré que nous voyons,
ou bien voyons-nous une herbe plus une herbe plus une herbe? Cette
interrogation que s'adresse le héros d'Italo Calvino, Palomar, comment ne pas
voir qu'elle est une des plus urgentes que nous devrions nous poser tous,
aujourd'hui que, du fait des emballements et des simplifications médiatiques
souvent irresponsables, risquent de fleurir les plus coupables amalgames, les
plus stupides généralisations et les fureurs collectives aveugles et
débilitantes. C'est la force et la noblesse de toute l'éducation artistique et
littéraire que de dresser, face à tous les processus d'enfermement mimétique,
la puissance civilisatrice d'une pensée attentive, appliquée au réel, certes,
mais demeurée profondément inquiète aussi de ses supports d'organes, de sens et
de langage.