lundi 6 novembre 2017

BONNES FEUILLES ! DIEU EST À L’ARRÊT DU TRAM D’EMMANUEL MOSES.


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"Il existe des mondes, vous n’avez pas idée." C’est par cette épigraphe empruntée au poète turc Orhan Veli ( 1914 – 1950) que se fait l’entrée dans le tout dernier livre d’Emmanuel Moses où le lecteur retrouvera ce qui fait tout le charme de cette poésie mobile et composite que je qualifierai volontiers de « fantaisiste » si le concept, tout aussi plastique que la sensibilité et l’écriture de l’auteur, n’en était aujourd’hui venu, malgré tous les efforts faits depuis le XIXe siècle pour en définir les contours, à se prêter finalement à toutes les torsions possibles. (voir)

Liberté de la forme, relation toujours neuve et souvent inattendue avec un réel bien présent mais dans la simple apparence duquel il importe de ne pas se laisser enfermer, inquiétude de soi, jeté dans un temps qui n’est pas seulement celui des horloges mais celui de la mémoire et de l’imaginaire emportés par une culture à la fois vaste et bigarrée, vulnérabilité sentimentale et labilité souvent pleine de distance de son expression … c’est un peu tout cela que je retrouve dans Dieu est à l’arrêt du tram qui ne fera peut-être pas oublier des livres tels que Dernières nouvelles de Monsieur Néant (2003) ou D’un Perpétuel hiver (2009) dont j’ai pu en leur temps rendre compte, mais qui régalera toujours ceux d’entre nous qui aiment à ressentir à travers les vivifiantes singularités d’un style les irrépressibles provocations de l’existence. Jusque dans sa déprime.

À l’intention du lecteur curieux  et dans le cadre des choix d’extraits que nous proposons sur ce blog j’ai choisi pour la richesse de sa thématique, et tout particulièrement pour son évocation de la dimension profondément vivante et sensible de l’arbre qui s’enracine dans un temps et un univers bien plus vastes que le nôtre, un passage du long poème liminaire qui tranche avec le caractère un peu de pièces d’orfèvrerie (page 100) des poèmes courts qui composent la plus grande partie de ce recueil.  Emmanuel Moses y évoque un séjour ancien dans une grande ville indienne où il cherche à entendre les paroles d’un arbre sacré, vraisemblablement ce ficus religiosa appelé aussi pipal ou arbre des pagodes. (voir)


mercredi 1 novembre 2017

LE PIRE POÈTE DE L’HISTOIRE ! À PROPOS DE LA HAINE DE LA POÉSIE DE BEN LERNER


Je dois à La Haine de la poésie, ce petit livre du poète et romancier américain Ben Lerner, qu’ont récemment publié les éditions Allia, la découverte de ce que Wikipedia présente comme le pire poète de l’histoire. Rassurons-nous : ce dernier n’est ni notre contemporain, ni de culture française. C’est un tisserand écossais du XIXe siècle répondant au nom de William Topaz McGonagall dont la fameuse encyclopédie en ligne, qui lui consacre un intéressant article, nous apprend qu’en dépit de l’hilarité que suscitait dans le public la plupart de ses lectures, il n’hésita pas, après la mort de Tennyson à faire à pied et sous les plus violents orages, les cent kilomètres de route montagneuse séparant Dundee du château de Balmoral pour solliciter auprès de la reine Victoria, qui naturellement ne le reçut pas, le privilège de se voir attribuer le poste de Poète lauréat ! 


DAUMIER LE POETE LAMARTINIEN
Le système prosodique anglais différant sensiblement du nôtre, il faut lire l’analyse stylistique et les considérations d’ordre métrique que consacre Ben Lerner à l’un des textes les plus déplorablement célèbres que ce McGonagall consacre à l’effondrement, lors de l’hiver 1879, du pont ferroviaire, construit, dans sa bonne ville de Dundee, sur la rivière Tay, pour prendre la mesure, dans le détail, du caractère doublement catastrophique du talent de notre malheureux écossais. La traduction qu’en donne Lerner et qui prend en compte les errements prosodiques du texte initial, fournira toutefois au lecteur une idée de la faiblesse de ses ressources littéraires.

Magnifiqu’ pont ferroviaire du Tay argenté
Hélas ! Je suis vraiment désolé d’annoncer
Que quatre-vingt-dix vies ont été emportées
Le dernier jour du sabbat en 1879
Dont nous nous souviendrons pour de très longues années.

L’objectif de Ben Lerner n’étant pas ici de se moquer à peu de frais de l’ineptie parfaitement reconnue de l’œuvre d’un poète qui ne se survit que par les moqueries dont il fait toujours l’objet de la part de nos amis d’Outre-Manche, je voudrais attirer l’attention sur le fait qu’il ne se penche sur ce lamentable fiasco que pour affirmer quelque chose de la nature même de la chose poétique qui reposerait selon lui sur l’impossibilité de ne jamais parvenir à l’idéal que par essence elle vise. L’échec de W.T. McGonagall à nous faire partager la portée de l’évènement tragique qu’il entreprend de nous exposer ne serait en somme qu’une illustration par l’un de ses cas limites, de ce qui arrive à tout poème concret. Ne se contentant pas, comme on l’observe assez souvent, de ses dimensions programmatiques.

lundi 30 octobre 2017

RECOMMANDATION. DÉGELLE DE SÉVERINE DAUCOURT-FRIDRIKSSON.

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La poésie de Séverine Daucourt Fridriksson est de celles qui puisant au fond de leurs « secrets possibles » sait nous en communiquer toute l’intelligence vitale sans jamais les révéler. Cela repose sur une jouissive et permanente façon comme elle dit de décomposer et recomposer à volonté l’épaisse trivialité de l’existence à partir d’une rage d’expression qui « veille à défier l’apathie », s’efforce en permanence à « croiser éros au virage », et me paraît quant à moi avoir fait sa devise du formidable cri lancé en son temps par Jules Laforgue : « Non ! vaisselles d’ici-bas. »

Pourtant le fond d’expérience dont procède le livre de Séverine Daucourt-Fridriksson est pour une bonne partie désolant. Dégelle dont le titre bien entendu peut s’entendre comme la mise en féminin de ce dégel qu’elle évoque dans un passage du livre (p. 123) mais comme opération qui à son dire « prendrait des siècles », fait plutôt à mon sens apparaître son auteur comme une femme ayant fait l’expérience souvent cruelle de ce qu’est la dégelée de vivre. De voir ses rêves, tous les joyaux attendus du quotidien se ternir sous ses yeux à l’épreuve de la veulerie des hommes, de l’imposture des uns, de la démesure de l’ego des autres, de l’avidité des familles, sans compter, c’est le mot, l’implacable mécanique de la rentabilité bancaire...  Et ces défaites qui me semblent bien être évoquées dans le livre n’en paraissent que plus cuisantes du fait du peu ordinaire appétit de vivre et d’être aimée de son auteur.


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Comme rien ne remplace finalement la rencontre directe avec le texte, je renverrai au lecteur le soin de se faire une idée de l’inventivité et de la puissance d’expression de l’écriture de Séverine Daucourt-Fridriksson  - dont je tiens à rappeler au passage la remarquable traduction qu’elle a donnée chez LansKine, d’oursins et moineaux, un très beau livre de poèmes  de l’islandais Sjón (voir ci-contre) -  en lisant les quelques pages d’extraits que nous donnons en tête de notre billet.  Extraits qu’on ne pourra pas, j’imagine, éviter de faire entrer en résonance avec les débats présents. Pour leur conférer des perspectives – on peut toujours rêver - un peu moins rétrécies. 

dimanche 15 octobre 2017

À PROPOS DE LA TERRE TOURNE PLUS VITE DE CAMILLE LOIVIER.

Je ne le dis toujours pas assez. Rien peut-être ne justifie davantage l’existence de la poésie et son nécessaire partage que le lien singulier qu’elle invente – lorsqu’elle en est capable – entre la parole et la vie. Que cette façon qu’elle a de retenir et de prolonger sur un plan d’expression les impressions de toutes natures qui agitent notre sensibilité, sollicitent nos représentations, nourrissent nos sentiments, tentent de s’organiser en pensée et configurent et reconfigurent en permanence nos plus ou moins mobiles et résistantes personnalités.

Et sans doute que c’est là, dans cette attention que le poète met à trouver des paroles qui répondent, avec le degré de justesse formelle et d’évidence intime qui lui convient, aux diverses et particulières façons qu’il a d’être au monde, vivant, que se trouve l’utilité majeure de l’activité poétique qui est de témoigner de notre capacité à ressaisir, ne serait-ce qu’un peu, ce qui souvent nous bouleverse et d’entraîner chacun, même si c’est là un beau rêve, à ressentir et repenser à son tour, moins solitairement, sa vie.

Camille Loivier est précisément l’une de ces poètes dont nous avons besoin pour nous sentir moins seuls. Dans notre essentielle et plus ou moins visible vulnérabilité. Dans notre fragilité par exemple d’être attaché à ce qui dans nos vies ne fait qu’apparaître puis disparaître. Et à la perte de quoi nous ne pouvons nous résigner. Je ne sais pas si La terre tourne plus vite, qu’elle m’a adressé en février dernier et que je viens de relire, poussé par le besoin de rassembler autour de moi, comme un feu, quelques paroles qui m’aident à ne pas m’abandonner à ces découragements qui seraient, nous dit-on, le triste lot de l’âge, si ce livre, donc, est tout-à-fait à la hauteur d’Enclose, d’Il est nuit, de Ronds d’eau ou de Joubarbe dont l’essentiel cœur de signification rayonne pour moi d’une plus évidente lumière. Mais dans la suite de poèmes qui compose ce nouveau livre je me sens toujours tout autant retenu et plus peut-être encore que dans les autres, par cette façon qu’elle a de nous montrer une vie qui se risque, jusque dans l’angoisse ou les chagrins qui la fragilisent, à suivre ses chemins qui montent et qui descendent, sans renoncer au « toucher doux » qui sait nous rapprocher des êtres et des choses.

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C’est ce toucher doux, vestige toujours habité d’enfance, qui la conduit, me semble-t-il, à regarder et habiter parfois les choses à la lumière de ces hautes créations de l’imaginaire que sont par exemple les admirables films d’animation du japonais Hayao Miyazaki ou des russes Youri Norstein et Franceska Yarbousova. À s’intéresser aux vies difficiles. À ce qui fait effort pour survivre. Avançant, à la suite d’Edouard Glissant qu’elle reprend en épigraphe, qu’elle ne croit pas que la lutte et le rêve, face aux misères qu’elle perçoit bien du monde, soient vraiment contradictoires.

Ainsi, enclose apparemment qu’elle se sent, dans sa difficulté particulière d’exister, comme tout un chacun, dépendant, séparé, Camille Loivier parvient dans cette simplicité parfois déroutante de notations qui caractérise son écriture, dans les manquements mêmes, qu’elle revendique, de sa parole, à nous apparaître dans toute la perméabilité d’une sensibilité largement offerte aux mobiles et pénétrantes impressions d’une vie que la diversité et parfois l’exotisme des lieux et des situations qu’elle traverse n’empêche pas de toujours se montrer étonnamment neuve, pleine d’attente et toutefois familière. Tant ce qui passe n’est jamais le simple pittoresque agressif ou futile des choses mais l’intime et affective relation qu’elle se découvre ou se cherche avec elles.


Oui la terre tourne plus vite. Et nos vies avec elle. Que son mouvement parfois rejette, exclut détruit ou abandonne. Tout change. Et le poème n’arrive pas toujours à temps qui se rattrape dans un geste inutile. Inutile mais pas insignifiant. Qui élargit le lien et maintient la présence. Confirme que nous sommes toujours là. Impuissants sans doute à réparer ou retenir physiquement les choses. Mais, pour reprendre les mots du poète italien Michele Tortorici (Versi inutili e altre inutilità, 2010), forts au fond de la conviction que toute la nuit n’a pas été [et ne sera pas] que nuit

mardi 3 octobre 2017

À QUOI SE MESURE LA VALEUR D’UNE ŒUVRE ? PETITE RÉFLEXION SUR L’ANTHOLOGIE RÉALISÉE PAR YVES DI MANNO ET ISABELLE GARRON.

La revue en ligne POEZIBAO a récemment publié le commentaire éclairé de Michel Collot sur l’importante anthologie d’Yves di Manno et d’Isabelle Garron qui sous le titre d’Un Nouveau Monde, se présente comme « un vaste panorama des écritures de poésie en France depuis 1960» ainsi qu’« un récit répertoriant les étapes majeures » de leur histoire.

Dans sa longue et précise mise au point Michel Collot met avec pertinence l’accent sur les partis-pris, à ses yeux insuffisamment explicités, qui font que cet ouvrage, par ailleurs remarquable, donne une image partiale et incomplète du champ de création qu’il est supposé décrire. Comment en effet justifier écrit-il que des poètes aussi importants, nécessaires et divers que Philippe Jaccottet, Antoine Emaz, Jacques Darras, Jean-Marie Gleize, Marie-Claire Bancquart, Robert Marteau, pour n’en citer que quelques-uns, soient passés sous silence quand d’autres, de peu de poids, dont je tairai charitablement le nom, bénéficient, c’est vrai, d’une reconnaissance à mes yeux usurpée.

Michel Collot nous explique que « prisonniers d’un modèle théorique qui remonte aux années 1960 et 1970, qu’ils considèrent comme l’âge d’or de la poésie française, les anthologistes sous-estiment des phénomènes qui se sont fait jour depuis 1980 et qui ont contribué au déclin du textualisme et du formalisme qui avaient dominé la scène poétique française au cours des deux décennies précédentes : notamment la réhabilitation et la redéfinition du lyrisme, une plus large ouverture au monde, et la recherche d’une nouvelle oralité ».

D’autres explications d’ordre sociologique pourraient je pense encore être avancées. Dans la société de réseaux, d’apparences et de réputations qui est la nôtre et auquel le microcosme de la poésie n’échappe malheureusement pas, la valeur que d’aucuns attribuent ou n’attribuent pas aux œuvres qu’ils considèrent n’est-elle pas en partie déterminée par le degré de proximité que leurs auteurs entretiennent avec les principaux centres de pouvoir éditoriaux qu’ils reconnaissent comme légitimes ou qualifiants. Et cela indépendamment en partie de l’intérêt propre des œuvres. Avoir été publiée chez tel ou tel plutôt que chez tel autre, avoir été lue chez Corti par exemple plutôt que dans la librairie de Saint-Chély d’Apcher ne compte finalement-il pas plus pour évaluer l’importance de l’œuvre que sa qualité intrinsèque de soulèvement et de retentissement ?


Alors, il est bon, tandis que la presse a plutôt unanimement salué le caractère impressionnant et très complet de l’ouvrage réalisé par Yves di Manno et Isabelle Garron, que la mise au point de Michel Collot nous aide à mieux comprendre la portée et les enjeux de cette entreprise qui mène quand même à occulter une part et pas la moins vivante de la poésie d’aujourd’hui. Celle notamment qui passe par la voix sans céder au spectacle. Se laisse aussi partager. Sans tomber dans la connivence. Ou la naïveté.

vendredi 29 septembre 2017

D’UNE CERTAINE LECTURE PUBLIQUE DE POÉSIE. À PARTIR DU VOCALUSCRIT DE PATRICK BEURARD-VALDOYE.

Patrick Beurard-Valdoye lisant le Vocaluscrit , atelier Michael Woolworth, Paris, 24/11/2016

Lire, à destination d’un public physiquement présent devant soi, des textes élaborés dans l’intériorité d’une conscience n’entretenant parole qu’avec elle-même, des textes destinés à n’être entendus le plus souvent que dans la tête, est une opération qui ne va pas de soi et qu'il m'arrive malheureusement de trouver parfois déceptiveSi relativement peu d’études se sont penchées sur la question, nous ne manquons toutefois pas aujourd’hui d’éléments pour parfaire notre réflexion comme ceux, pour ne parler que des plus récents, que fournit l’important ouvrage de Jean-François PUFF paru en 2015 aux éditions Cécile Defaut, Dire la poésie ?, ou celui de Jan Baetens, À voix haute, sous-titré poésie et lecture publique, paru l’an passé aux Impressions Nouvelles.

Qu’apporte la présence du poète au texte qu’il vient lire ? Quelle relation la mise en voix et en espace qu’il en fait entretient-elle avec ce que le texte sur la page imprimé fait de lui-même entendre ? Quelles raisons de fond président au choix par le lecteur d’une diction expressive ou au contraire de cette diction détimbrée, neutre, que l’héritage d’un certain textualisme a contribué à mettre à la mode dans les cercles éclairés ? Quelle part aussi réserver au corps dans ce dispositif qui ne se veut pas en principe spectacle mais qui conduit à être vu ? Quelle place consentir au public et auquel s’adresser quand ce dernier regroupe aussi bien des lecteurs avertis, des poètes ou artistes amis, que de simples curieux peu au fait des enjeux et des pratiques qui ont cours aujourd’hui ?

À toutes ces questions, comme à bien d’autres encore qui touchent par exemple à la nature du lieu où le public se voit convier, l’intéressant livre de Patrick Beurard-Valdoye, Le vocaluscrit,  que les très actives éditions LansKine viennent de publier, ne répond pas directement. Mais constitué en fait dans sa première et plus importante section de « captures » que durant plus de vingt ans l’auteur a réalisées à partir de notes prises en cours de séance, des très nombreuses lectures auxquelles il lui a été donné d’assister - en partie d’ailleurs comme organisateur - son ouvrage dresse une sorte de tableau pittoresque et assez révélateur des diverses modalités qu’inventent ou croient inventer les écrivains-poètes pour adresser leurs textes à l’auditoire venu les rencontrer.

D’Oskar Pastior à Claude Royet-Journoud en passant par Bernard Heidsiek, Frank Venaille, Nathalie Quintane, Hélène Cixous, Bernard Noël, Ulrike Draesner ou Valère Novarina, c’est une petite quarantaine d’auteurs dont l’esprit incisif et parfois un peu malicieux de Patrick Beurard-Valdoye croque la prestation dans une suite de textes qui retravaillés après coup ont fini par lui apparaître comme susceptibles de se prêter à leur tour à des performances poétiques comme celle qu’on peut visionner sur le site de l’éditeur.

Disons-le clairement, les lectures dont il est ici question sont pour la plupart affaire d’initiés. Ne concernent plutôt que des auteurs qu’on appellera faute de mieux « patentés » et dont l’œuvre jouit d’une considération d’ordre intellectuel dans les milieux un peu branchés. Les lieux dont il est question, Musée Zadkine, Atelier Anne Slacik, Grand Palais, Université Paris-Sorbonne, Palais de Tokyo, Institut du monde arabe, librairie Tschann de Paris, Reid Hall Columbia University de Paris, ENSBA de Lyon … ne sont pas de ceux par lesquels passent le mieux les nombreuses tentatives, pas toujours des plus fructueuses d’ailleurs, visant à la démocratisation de la parole poétique et au rapprochement des publics. Bref on ne fera pas de cet ouvrage ce qu’il n’est et ne se veut d’ailleurs pas : un panorama complet de la lecture publique de poésie des années 1990 à nos jours.

Vocaluscrit : Patrick Beurard-Valdoye, dans les réflexions qui terminent son livre, propose ce néologisme pour donner nom à ce matériau résultant du travail de retournement qu’accomplit à travers la lecture l’auteur qui cherche à « extraire autant qu’abstraire du dedans du corps »  ce « texte souvent conçu depuis la seule oreille interne, muet, déconnecté de la parole », qu’il ne peut dans ces conditions livrer que transmué, oralisé, vocalisé. Ce terme qui ressemble écrit-il à ses cousins manuscrit et tapuscrit peut sembler en effet légitime. On remarquera toutefois que dans l’ensemble des textes que Patrick Beurard-Valdoye consacre à recréer à sa façon la note d’ensemble des évènements de parole auxquels il a assisté, et qu’il désigne d’ailleurs à un moment par l’expression de « photos mentales », la part qu’on dira « vocale » ne l’emporte qu’assez rarement finalement sur la part « visuelle ». Et ce n’est d’ailleurs pas l’un des moindres intérêts de l’ouvrage que de pointer l’importance que revêtent à l’intérieur de ces dispositifs de lecture ces éléments adventices qui détournent l’attention du dit. Ainsi de la « tenue » que l’auteur aura choisie pour témoigner plus ou moins subtilement de sa liberté par rapport aux codes vestimentaires en vigueur dans le milieu artiste. Raffinée ou plus ou moins ostensiblement négligée, la nature et la couleur de la panoplie d’auteur avec laquelle chacun choisit de se présenter est bien l’un des éléments extra-vocaliques qui compte dans ce type de rencontre, comme le sont la gestuelle, le choix et le maniement des supports dont la lecture s’accompagne, les éclairages et la nature des fonds sur lesquels se détache le corps assis ou debout, immobile ou remuant, du poète lisant.

Attirée, sinon détournée, vers nombre d’éléments ou de signes qu’on dira si l’on veut parasites, l’attention que le public accorde à ce qui se joue dans l’espace complexe de la lecture publique est donc assez loin de ne se concentrer que sur ce qui lui est donné à entendre. Les textes de Patrick Beurard-Valdoye sont sur ce plan plus que révélateurs qui ne négligent pas non plus la capacité de présence et d’interpellation de l’espace jamais totalement neutre et étanche dans lequel chacune des interventions dont il rend compte est plus ou moins clairement ou ostensiblement d’ailleurs mise en scène. Sans oublier – voir la mention qu’il fait de Jacques Roubaud auditeur - celle des diverses personnalités de premier rang dont certains ne peuvent pas plus éviter que les personnages de Balzac réunis au théâtre, de guetter la possible réaction.

Comme il ne manque pas aujourd’hui par la grâce de l’hébergeur de vidéos You Tube de possibilités de visionner certaines lectures – j’en citerai en particulier deux de tonalités tout-à-fait différentes : celle de la poète américaine Marjorie Welish et de Joseph Julien Guglielmi qui vient malheureusement de disparaître – le lecteur se rendra par lui-même compte du talent et de l’heureuse et réjouissante liberté avec lesquels Patrick Beurard Valdoye est parvenu à archiver ces moments de réalité qu’il est l’un des premiers à ma connaissance – il est vrai après l’immense auteur d’Illusions perdues à s’être mis en tête de capter par des moyens littéraires.

J’ajouterai cependant pour terminer que son livre présente aussi pour le lecteur qui s’intéresse à ces questions une seconde partie intitulée le métier de poète qui dans la ligne d’un ouvrage de Joël Bastard dont j’ai en son temps rendu compte, montre au public peu au fait de ces pratiques, l’envers du décor et dénonce à l’aide d’anecdotes grinçantes, l’abîme parfois vertigineux qui sépare le prestige au moins symbolique que confère l’invitation faite au poète de venir en public lire ses œuvres et le peu de considération ou la désinvolture avec lesquels les conditions qui lui sont nécessaires pour accomplir ce travail sont parfois envisagées et traitées par des médiateurs culturels à l’ignorance quand même un peu crasse.


Un grand merci donc aux éditions LansKine de nous avoir adressé ce livre et de permettre à tous ceux qui s’intéressent comme nous à la lecture publique de poésie d’étoffer leur réflexion.

mercredi 20 septembre 2017

CES MORTS EN NOUS. INEFFACÉS. SUITES ET FINS DE JEAN-LUC STEINMETZ AUX ÉDITIONS DU CASTOR ASTRAL.

Il est des auteurs dont on se demande bien pourquoi le milieu poétique ne leur accorde pas davantage de cette considération qu’il accorde parfois si généreusement à d’autres. Jean-Luc Steinmetz me semble de ceux-là. Peut-être que la qualité remarquable de son œuvre critique cache aux yeux de certains sa non moins remarquable mais plus inquiète création poétique. Peut-être aussi que son sens de la liberté individuelle et l’exigence de son écriture qui pour être abondante a toujours refusé de se payer de mots, l’ont maintenu à l’écart des modes, des chapelles, des clans, des coteries, par quoi se soutiennent toujours, je crois, nombre de réputations.

Profondément vivante et toujours en éveil, comme appelante, la poésie de Jean-Luc Steinmetz fait du « je » la caisse de résonnance à travers laquelle peut s’éprouver et se reformer au sein de la parole le motif sans cesse à recomposer de la relation le plus souvent pathétique que nous entretenons avec le monde. Avec Suites et fins, qu’a récemment publié Le Castor Astral, c’est principalement vers le monde des morts que se tourne la pensée du poète qui de fait présente la dernière des six parties de son ouvrage comme une catabase. Long défilé, insistante évocation des morts que la disparition survenue entretemps du poète américain John Ashbery à qui renvoie la troisième partie du livre rend désormais plus évidente encore. Comme l’est dans la reprise de cette suite ancienne datant de 1960, qui célèbre les splendeurs de la mer Égée, la mention rajoutée à la fin de chacun des huit poèmes qui la composent, de ce désolant bilan de naufrages migratoires dont notre actualité se fait le monotone écho.

 « Surgies comme elles le peuvent, en prose, en vers », ces diverses figures de disparus, parmi lesquelles on notera tout particulièrement celle de cette amie allemande à laquelle il consacre au cœur même de son livre un thrène bouleversant, conduisent Jean-Luc Steinmetz à prendre « la mesure des temps qui s’éloignent ». Ramenant pour un moment à l’existence l’image nébuleuse et fatiguée de l’ancêtre vigneron venant lui tendre une grappe qui révèle « plus d’amertume que de sucre », celle de la mère surtout à qui, lui, ce « tombé-des-flancs » offre la plante des accouchées, « l’ancien dictame de Crète », du père qui rapidement passe plutôt que de lui faire face et de regarder qui il est, du « troupeau décimé » des camarades d’école, des maîtres dont il mesure la taille « pour la conscription du poème », du « cœur adoré d’une fillette de dix ans » dont il ne touche « qu’une eau brûlante/ dont se retirent les doigts blessés », avant que n’apparaisse le journalier de son village réparant « la clôture/ assiégée par les orties », puis d’autres, d’autres en foule, figurants ou renommés ….

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Livre émouvant donc et souvent même déchirant, Suites et fins s’inscrit ainsi dans la longue tradition qui va d’Homère à Jung, de cette nekyia, convocation rituelle des Ombres, à travers laquelle le psychiatre allemand voyait la possibilité d’une régénération de la psyché humaine. Sans aller jusque-là, il faut bien constater que Jean-Luc Steinmetz ne mésestime pas ici  la capacité de la pratique poétique à endiguer en partie, à sa mesure, la perte qu’en même temps elle signifie. Pour établir avec cette dernière un ambigu partage. Car si le poème ne remonte du royaume des morts que de fragiles et évanescents simulacres, « du genre osselets, poinçons, bifaces, et les traces d’un art du feu sur les parois », c’est l’incertain mais sûrement pas indifférent miracle du poème que de tirer ceux qui ne couvrent plus la terre de leur ombre - comme s’en vantait d’ailleurs en son temps Ronsard – de l’oubli auquel ils seraient sans cela promis. Et de renouer avec eux ce perpétuel, cet éternel échange par quoi se « confondent les degrés du réel, / du songe et du mensonge ». Par quoi le poète, conscient que c’est par « l’unique fait de vivre aujourd’hui » qu’il peut faire se promener celle qu’il a un jour déshabillée dans la chambre d’un certain Hôtel de Londres, peut former le vœu de la voir dans les marges de son poème, marcher « encore à l’heure même, intacte dans l’imperméable tissé de pluies/ sans rien qui la soustraie de la liste des morts ».


Y a-t-il rien qui vous élève/ Comme d'avoir aimé un mort ou une morte demandait Apollinaire dans un célèbre poème d’Alcools auquel au moins l’un des textes de Steinmetz (page 149) fait, me semble-t-il, référence. On s’abstiendra de ramener la poésie de Jean-Luc Steinmetz à quelque formule close ou exagérément positive. Toutefois, s’il sait que ce qui cherche à étreindre dans l’écriture n’embrasse souvent que le vide, que ce qui fait apparaître n’empêche pas la disparition, et que nous ne disposons avec les mots comme avec les images que de piètres fantômes, il sait bien reconnaître de quoi la perte et la présence à nos côtés des morts aussi nous ensemencent. Et quel fort sentiment même douloureux de vie peuvent toujours alimenter ces pensées que nous entretenons. Des morts en nous ineffacés.  

mardi 12 septembre 2017

RECOMMANDATION : SIDÉRER, CONSIDÉRER DE MARIELLE MACÉ.


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C’est un texte court. Qui ne répond certes pas à toutes les questions notamment politiques qu’il soulève mais qui, rendant plus attentifs, nous conduit à aborder ces dernières avec plus de lucidité et surtout de cette véritable et nécessaire humanité qui permettrait de construire demain un monde enfin plus habitable. Pour tous. Confrontée à la réalité à première vue sidérante de cette misère qui, venue d’un peu partout, tente aujourd’hui de s’installer dans le peu d’espace que l’égoïsme et l’arrogance de nos sociétés protégées, provisoirement lui abandonnent1, l’essayiste Marielle Macé dont nous apprécions depuis longtemps le travail, s’efforce, avec beaucoup de pudeur mais aussi de résolution, de redéfinir le regard qu’il nous appartient de poser sur ces populations démunies que nous aurions tort de ne considérer, au mieux, que comme de malheureuses victimes.

Ceux qui suivent depuis ses débuts notre blog gardent peut-être en mémoire la recommandation que nous avons faîte, lors de sa publication, du beau livre de Sylvie Kandé, La Quête infinie de l’autre rive, qui avait, entre autre, le mérite de nous faire voir les migrations actuelles non plus comme des actes de désespoir mais comme affirmations d’être relevant, pour qui sait les comprendre de l’intérieur mais aussi dans leur histoire, d’une véritable geste héroïque.

Sans bien entendu recourir au caractère épique de la poète franco-sénégalaise, l’ouvrage de Marielle Macé nous amène aussi à considérer autrement ces vies que nous sommes toujours trop nombreux à recevoir comme « au fond pas tout à fait vivantes » ou comme l’écrit Judith Butler qu’il cite « comme des non-vies, ou comme partiellement en vie, ou comme déjà mortes et perdues d’avance, avant même toute forme de destruction ou d’abandon ». Non !  Répond avec la plus grande énergie Marielle Macé : ces vies sont au contraire « absolument vivantes » ! Et d’affirmer, comme nous le montre bien encore au passage le livre de Sophie G. Lucas, moujik moujik, que nous nous réjouissons d’avoir sélectionné pour le Prix des Découvreurs 2018, que « les vies vécues sous condition d’immense dénuement, d’immense destruction, d’immense précarité, ont sous ces conditions d’immense dénuement, d’immense destruction et d’immense précarité, à se vivre. Chacune est traversée en première personne, et toutes doivent trouver les ressources et les possibilités de reformer un quotidien : de préserver, essayer, soulever, améliorer, tenter, pleurer, rêver jusqu’à un quotidien, cette vie, ce vivant qui se risque dans la situation politique qui lui est faite. »
Démantèlement  par les CRS de la zone sud de la "Jungle" de Calais, le 16 mars 2016



Cette reconnaissance ne peut pas aller sans colère. Colère devant « l’indifférence, le tenir-pour-peu, par conséquent la violence et la domination […] toutes les dominations, celles qui justement accroissent très concrètement la précarité. »  Et là justement se trouve l’une des vertus principales du poète, de l’artiste, affirme Marielle Macé qui rappelle Hugo, Baudelaire, Pasolini et appuie sa réflexion sur l’Austerlitz de Sebald, la relation de Walter Benjamin à sa bibliothèque, le film de Claire Simon, le Bois dont les rêves sont faits, les récits attentifs mais dénués de pathos d’Arno Bertina ou, pour finir, sur le très beau livre de Jean-Christophe Bailly, Le Dépaysement dont elle retient l’idée qu’un pays n’est pas un « contenant » mais « une configuration mobile d’effets de bords » ce qui nous impose de « ne pas enclore chaque idée de vie mais au contraire de l’infinir et reconnaître ce qui s’y cultive ».

Car ce qui s’y cultive, souligne bien Marielle Macé, n’est pas que la pure négativité de la souffrance, du deuil et de la misère. S’y cultivent aussi l’adaptation, le bricolage, l’invention, l’utopie, le rêve, … bref tout un système de compétences qui mis en œuvre avec parfois de formidables énergies vise à organiser ou réorganiser la vie et à lui donner ou redonner humainement forme. Les preuves n’en manquent pas. Comme ce dont témoigne le travail du Pôle d’exploration des ressources urbaines ( PEROU), un collectif  de politologues, de juristes, d’urbanistes d’architectes et d’artistes : l’installation en moins d’un an et dans les conditions détestables qu’on sait, par les 5000 exilés de ce qu’on a appelé la Jungle de Calais, de « deux églises, deux mosquées, trois écoles, un théâtre, trois bibliothèques, une salle informatique, deux infirmeries, quarante-huit restaurants, vingt-quatre épiceries, un hammam, une boîte de nuit, deux salons de coiffure. » Détruire à grands coups de pelleteuse comme le font les « autorités » cet existant, pour en déloger les migrants ne se réduit pas simplement à réduire par les moyens de notre technologie, mécanique et policière, des abris insalubres, montés à partir de matériaux précaires qui défigurent le paysage, c’est surtout démolir des idées, « des idées de vie, qui se tiennent tout à fait hors de la vie partagée mais qui disent qu’on  pourrait faire autrement et accueillir autrement. »

Alors, oui, Sidérer, considérer, sous-titré Migrants en France, 2017  est un livre qu’il faut lire pour, qu’enfin débarrassés de l’écœurante parure de bons sentiments qui nous amènent à verser des larmes hypocrites sur les souffrances dont le monde se contente trop souvent de nous livrer le spectacle, nous nous mettions à reconnaître en chaque démuni une vie qui elle aussi s’invente et se cherche et a toujours quelque chose à nous dire. Pas seulement sur ce qu’elle est mais aussi sur ce que nous pourrions être. Avec plus d’intelligence et surtout de réelle attention envers tous ces possibles que tellement, malgré tous nos savants discours et nos grandes mais infertiles résolutions, nous négligeons2.

NOTES :
1.       On lira à cet égard avec beaucoup d’intérêt les premières pages du livre qui analysent avec acuité le paysage urbain dans lequel s’est établi le camp de migrants et de réfugiés dont part Marielle Macé pour lancer sa réflexion sur le caractère sidérant dans certaines de nos villes des indécents voisinages qui s’y produisent.

2.       Voir pour prolonger cette idée de fertilité : http://lesdecouvreurs2.blogspot.fr/2016/09/exoten-raus.html#more

mercredi 6 septembre 2017

À PROPOS DES 2 OMBRES ATTACHÉES DE PIERRE DROGI AUX ÉDITIONS LANSKINE.

Entre l’idée
Et la réalité
Entre le mouvement
Et l’acte
Tombe l’Ombre

Car Tien est le Royaume

Entre la conception
Et la création
Entre l’émotion
Et la réponse
Tombe l’Ombre

La vie est très longue

Thomas Stearns Eliot, The Hollow men, 1925
Traduction de Pierre Leyris


Qu’attendons-nous de la lecture d’un poème ? Ou plus exactement de la lecture d’un livre de poésie. Que nous ne nous contentons pas de simplement parcourir, feuilleter pour en produire ensuite quelques lignes qui fassent plaisir à l’ami ou à la connaissance qui nous l’a adressé. J’avoue que je ne sais toujours pas trop bien répondre à cette singulière question. Lisant et relisant ces derniers jours les 2 derniers ouvrages de Pierre Drogi que viennent de publier les éditions Lanskine je m’aperçois que je balance de plus en plus entre le désir de me sentir ébranlé, déporté, déconcerté par la puissance de bouleversement d’une parole que je sens habitée et le besoin tout aussi fort de me trouver accueilli, contenu, relié au cœur d’une pensée qui fasse pour moi sens et ne me perde pas au cœur de la forêt.

 La Pudeur Antonio Corradini, Naples
Les deux Ombres attachées que produit Pierre Drogi me touchent et me rejettent. J’en comprends bien, je crois, l’impossible projet d’installer par le poème « une formule d’air » (I 58) permettant d’étreindre ou du moins de le tenter l’intervalle existant entre nous et le monde. Entre les mots et la réalité. Entre nous et les autres. Entre l’auteur et ses lecteurs. Entre les temps qui nous composent. Et les espaces. Tant nous sommes à cœur et plus sans doute que les atomes dont nous parle Epicure, faits de distances. Et de vides. Et je comprends aussi cette volonté de se projeter hors de soi, pour écouter, regarder, regarder de tous nos yeux (I 70), nos yeux devant, derrière, la terrible altérité des choses. Mais quel large filet de paroles, quel artificieux voile de mots (invelato) saura venir un jour enserrer, épouser, comme dans ces extraordinaires sculptures que j’ai pu admirer tant de fois dans la chapelle Sansevero de Naples, le corps fuyant, vivant, de la réalité. Les mots semble nous dire Pierre Drogi ne retiennent que cendres. Comme ce cadavre de chien qu’il évoque pris par les retombées de l’éruption du Vésuve (I 72).