mercredi 30 août 2017

S’INCORPORER TOUTES LES BEAUTÉS DU MONDE. ANGÈLE PAOLI À L’ÉPREUVE DE SES ITALIES.

PIERO DI COSIMO  LA MORT DE PROCRIS

Depuis Stendhal chacun sait bien qu’un esprit cultivé et sensible ne peut sortir indemne de la contemplation de la beauté quand elle surgit de plus à foison de certains lieux privilégiés1. Le beau livre que notre amie Angèle Paoli, vient de consacrer à rassembler ses souvenirs d’Italie, sous la forme de nouvelles poétiques au caractère un peu tremblant et lâche2, vérifie une nouvelle fois la troublante et incontrôlable puissance d’émotion que possèdent certains sites. Certaines œuvres. L’idée aussi que nous nous faisons de certaines vies prises en certains de ces lieux.

Italies Fabulae, est un livre de voyages. Qui comme tout vrai voyage mène tout autant à l’extérieur qu’à l’intérieur de soi. Le lecteur lui-même voyageur retrouvera sans doute d’abord avec plaisir ces évocations contrastées des multiples visages de Venise et de sa Lagune, de la riche campagne toscane où se cache toujours au fond de quelque bourg un reste de fresque dû à quelque grand peintre renaissant, des anciens combats de Florence pour assurer son indépendance et asseoir le prestige de sa prétendue République, des splendides promontoires de la côte amalfitaine, pour ne rien dire de la merveilleuse histoire qu’il connaît depuis sa lecture de Roger Caillois, de la fontaine Aréthuse à Ortygie, cette île au bout de l’île, à Syracuse, où se retrouvent si intimement mêlés époques et continents.  

Mais comme on le fait de tout paysage, chacun à sa manière répond à l’appel que lui lance le spectacle attendu de la beauté. Ce dernier nous exalte. Nous fait courir en foules. Mais nous isole aussi. Nous ramenant à notre propre finitude de passager du temps. À notre condition de spectateur étranger. Mû un instant par la folie de croire qu’il pourrait faire corps. S’incorporer vraiment et pour toujours ces fabuleux mirages qu’il voit naître sous ses yeux. Et ne possédera jamais.

Et c’est cela que je devine en creux dans les proses intranquilles et traversantes d’Angèle Paoli. Dans sa reconnaissance de l’infidélité et de la corruption des plus vifs souvenirs. Dans les troubles jeux de désirs, d’apparition et de disparitions que ses fictions mettent en scène. Et sa prédilection pour les œuvres inachevées, écartées, effacées, dont elle s’efforce au passage de ressusciter l’image disparue3


Il y a toujours quelque part dans un livre, une expression, un mot, à travers lesquels s’organise la vision que le lecteur s’en crée. Ce mot je l’ai trouvé personnellement dans les toutes premières pages. Il n’était à ce moment que le nom pittoresque et paradoxal – l’Écharde - d’une belle et antique propriété destinée à un séjour luxueux de vacances dans la campagne toscane.  Mais je l’ai retrouvé plus loin, venu nommer ce pont sur l’Arno, ce pont de la Scheggia, qui permit en 1440 aux troupes florentines de facilement remporter, aux dires de Machiavel, cette bataille d’Anghiari4 dont Angèle Paoli cherche à reconstituer sur le terrain l’histoire jusqu’à la disparition de la fresque que Léonard de Vinci reçut mission d’en réaliser pour orner la fameuse Salle du Grand Conseil (appelée aujourd'hui salle des Cinq-Cents) du Palazzo Vecchio. Étrangement, le retour de ce mot qui aurait pu me renvoyer à tant de vifs et brulants souvenirs de jardins, de campagne, m’a rappelé  la célèbre phrase de Saint-Paul évoquant sans plus de précision le mal qui à ses dires l’accompagna tout au long de son existence5 pour me conduire à reconnaître dans l’ensemble des fabulae dont la poète corse compose son ouvrage, la marque de ce subtil agacement d’âme et de sensibilité, la présence de ces touches douloureuses dont s’accompagne l’intime pénétration en soi des images infiniment fantasmées que multiplient la découverte et l’inquiète fréquentation de la plupart des hauts lieux culturels.

Il n’y a pas de jouissance sans un certain fond de manque et de douleur. Comme l’écrit superbement Baudelaire dans le Confiteor de l’artiste « L’énergie dans la volupté crée un malaise et une souffrance positive. » Je ne dirai certes pas que les beaux textes d’Angèle Paoli sont l’expression, comme on le voit dans l’œuvre tellement singulière et habitée d’un Pierre Michon dont à certains égards on peut la trouver proche6, d’une telle souffrance. À l’inverse du poème de Baudelaire, ses Italies se concluent sur un éloge de la sérénité. Mais si l’auteur ne connaît pas ou ne nous montre pas le déchirement terrible ici de la beauté, elle est loin, assurément de n’en pas ressentir la secrète griffure. D’en ignorer l’écharde. La sourde, vive et fulgurante pénétration.

NOTES
1.      Voir le fameux syndrome de Stendhal décrit par ce dernier dans son Rome, Naples et Florence. Paris 1826. « J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber. »

2.      Loin de moi l’idée d’en faire à Angèle Paoli le reproche. Le caractère particulièrement lâche, distendu de la trame narrative n’est pas chez elle à proprement parler une faiblesse. Le caractère de nouvelle qu’elle imprime à ses souvenirs et le flou avec lequel tout particulièrement dans sa section consacrée à Venise elle passe dans l’emploi des pronoms du « Je » au « nous » puis au « Ils » et au « Elles » sont à mettre au compte d’une simple volonté de distance. Justifiée par le défaut de mémoire dont elle a profondément conscience et qui rend à ses yeux plus légitime une fiction conçue comme l’indique à la page 10 du livre la référence à J.B. Pontalis, sur le mode de la rêverie éveillée.

3.      Cela est le plus visible dans le texte intitulé Mocajo qui s’ouvre sur une belle épigraphe d’Élie Faure : «  La fresque est faite pour fixer l’instant passionnel dans une matière solide comme la méditation. »

4.      Voir WIKIPEDIA :

5.      Voir la seconde épitre de Saint Paul aux Corinthiens : « Et de crainte que l'excellence de ces révélations ne vînt à m'enfler d'orgueil, il m'a été mis une écharde dans ma chair, un ange de Satan pour me souffleter, afin que je m'enorgueillisse point. »

6.      Voir en particulier Maîtres et serviteurs Verdier 1990, où se trouvent évoquées 3 figures de peintres : Goya, Watteau et Piero della Francesca.

L’illustration de cette note de lecture a été suscitée par le texte d’A. Paoli intitulé Hécate endormi qui m’a irrésistiblement fait penser à ce si mystérieux et inoubliable tableau de Piero di Cosimo dont je n’ai pas manqué la grande exposition que les Offices lui ont consacrée durant l’été 2016.

Je note enfin la belle postface qu’Isabelle Lévesque aura écrite pour ce livre.

dimanche 27 août 2017

PAUL DE BRANCION. L’OGRE DU VATERLAND. ÉDITIONS BRUNO DOUCEY.

Illustration de Gustave Doré pour le Chat Botté

Depuis l’explosion dans nos sociétés narcissiques de la littérature du moi nous ne manquons pas d’ouvrages pour continuer d’instruire l’interminable procès des familles et retracer les combats plus ou moins insidieux que se livrent leurs membres. Il en est cependant peu à ma connaissance qui atteignent l’originale efficacité de ceux que le romancier et poète Paul de Brancion, a consacrés en 2011 à la mort de sa mère d’abord puis tout récemment, sous le titre de L’Ogre du Vaterland, à « l’incroyable histoire de Léon Jacques S.» son père.

Commençons par bien remarquer cela qui distinguera par exemple clairement cet ouvrage de ceux, particulièrement violents, qu’un Patrick Varetz aura consacrés avec Bas monde et Petite vie, à son « salaud de père » et à sa « folle de mère »1.  Dans L’Ogre du Vaterland, publié en 2017, soit un peu plus de cinq ans après la mort de son père, l’auteur/narrateur décrivant ce qu’il appelle « les effroyables travers de Léon Jacques » dont il se reconnaît lui-même « porteur contaminé mais conscient », ne fait pas que tenter de s’amputer de cette « gangrène » psychologique et morale qu’est le prolongement en lui de la monstruosité paternelle. Il brosse pour nous le tableau effrayant des dessous d’une famille de la grande bourgeoisie de la seconde moitié du XXème n’hésitant pas à dénoncer ce qui se cache de petitesse sordide derrière certaines carrières qu’une société soumise au prestige du nom et de l’argent continue cyniquement à ériger en modèles. Il y a en effet du piquant à lire les notices nécrologiques qu’on trouve sur le net des personnes publiques réelles dont nous parle Paul de Brancion pour les confronter au portrait corrosif des personnages qu’il en fait. Et l’on ne peut que louer l’auteur d’avoir eu le courage qui ne va pas de soi, de dégonfler de l’intérieur la baudruche de ces beaux ménages d’héritiers qui ne tiennent que par l’intérêt. Et qui reportant tout au plan des satisfactions sociales, génèrent dans leur entourage proche haine et détestation.

vendredi 18 août 2017

DISPARITION DE FADWA SOULEIMANE, PREUVE DE LUMIÈRE ET DE NUIT.



Fadwa Souleimane en intervention en mars 2016, dans un lycée de Boulogne-sur-Mer








































La poète syrienne, Fadwa Souleimane, qui reçut en mai 2016 le Prix des Découvreurs pour son recueil, A la pleine lune, vient de disparaître. Elle n'avait pas cinquante ans. La mort bien sûr, pour elle qui fut des touts premiers combats à Homs, était plus que familière. Mais c'était vers la paix, la vie, qu'elle était résolument tournée, toute entière portée par l'amour d'un pays dont elle connaissait mieux que personne la grandeur et la beauté et dont elle se désolait que les puissances occidentales pour les raisons économiques et géostratégiques qu'on sait, contribuent par leur cynisme, à en rendre impossible l'évolution démocratique.

Nos pensées vont aussi aujourd'hui à son éditrice, Emmanuelle Moysan, à qui nous devons la découverte de cette femme de courage et de conviction qui aura profondément marqué, je pense, les très nombreux jeunes gens qui l'ont rencontrée. 


Nous reproduisons ci-après la présentation que nous avons faite en 2015 de son ouvrage.


mardi 4 juillet 2017

ÉDUQUER NOTRE MERVEILLEUSE CAPACITÉ DE PAROLE. LE DOSSIER 2017-2018 DU PRIX DES DÉCOUVREURS.

CLIQUER POUR ACCEDER AU DOSSIER
Le dossier de l'édition 2017-18 est désormais accessible. Avec les extraits des divers ouvrages sélectionnés, un certain nombre de pistes pour en prolonger la lecture et un nombre important d'illustrations destinées à ouvrir également le regard en direction d'autres formes d'art. 

Nous en reproduisons ici l'avant-propos.

Oui. Nous avons besoin de parole. C’est la vie. Et c’est le propre des poètes ou de façon plus générale de ceux qui entretiennent une relation dynamique au langage que de témoigner de cette nécessité profonde. Et cela n’est-il pas merveilleux de réaliser que nous  sommes dans tout le vaste univers connu, la seule parmi ces millions et ces millions, ces milliards, peut-être, d’espèces vivantes, la seule à disposer de cette capacité de prolonger notre existence en paroles. Des paroles qui nous survivent. Et que pour les plus abouties d’entre elles et les plus nourrissantes, nous pouvons nous transmettre de générations en générations.

Que la poésie soit une parole avant tout liée à la vie, à cette pression que sur nous elle exerce, chacun en trouvera aujourd’hui la preuve dans cette nouvelle sélection du Prix des Découvreurs. Plus centrés sur la sphère affective, privée ou familiale, que les éditions précédentes, plus facilement abordables par de jeunes lecteurs, plus courts également, les ouvrages que nous présentons à leur active curiosité parlent, dans le langage et les formes d’aujourd’hui, de chagrin, de perte, de solitude, de vulnérabilité et de difficulté à être, mais de désirs aussi, d’amours et de tendresses, dans le monde pas toujours bien facile qui nous est donné à vivre. Un monde où la diversité des origines et des conditions marque profondément les existences. Mais où les réserves d’énergie individuelles, la créativité et la généreuse ouverture de la pensée et de la sensibilité font aussi la différence.

lundi 3 juillet 2017

RECOMMANDATIONS DÉCOUVREURS. ÉTÉ AVEUGLE DE ROSE AUSLÄNDER

Été aveugle

Les roses ont un goût rouge-rance —
un été acide est sur le monde

Les baies se gonflent d'encre
et sur la peau de l'agneau le parchemin se rêche

Le feu de framboise est éteint —
un été de cendres est sur le monde

Les hommes vont et viennent paupières baissées
sur la berge aux roses rouillée

Ils attendent que la colombe leur porte des nouvelles
d'un été étranger sur le monde

Le pont de pointilleuse ferraille
ne s'ouvre qu'à ceux en ordre de marche

L'hirondelle ne retrouve plus le sud — 
un été aveugle est sur le monde


Blinder Sommer

Die Rosen schmecken ranzig-rot —
es ist ein saurer Sommer in der Welt

Die Beeren füllen sich mit Tinte
und auf der Lammhaut rauht das Pergament

Das Himbeerfeuer ist erloschen —
es ist ein Aschensommer in der Welt

Die Menschen gehen mit gesenkten Lidern
am rostigen Rosenufer auf und ab

Sie warten auf die Post der weissen Taube
aus einem fremden Sommer in der Welt

Die Brücke aus pedantischen Metallen
darf nur betreten wer den Marsch-Schritt hat

Die Schwalbe findet nicht nach Süden —
es ist ein blinder Sommer in der Welt


Née le 11 mai 1901 à Czernowitz (Autriche-Hongrie ; actuelle Ukraine) et morte le 3 janvier 1988 à Düsseldorf (Allemagne), Rose Ausländer est une poétesse d'origine juive allemande.

Comme le dit la belle et longue présentation du regretté Gil Pressnitzer qu’on trouve d’elle sur le site Esprits nomades, « son histoire semble être le symbole du naufrage de cette Mitteleuropa, de cette culture de l'Europe centrale qui a disparu dans les flammes et les camps de la mort ».

Nous ne saurions trop recommander à nos amis enseignants de se pencher sur les textes mais aussi sur la destinée de cet auteur qui, injustement méconnue fait partie comme l’écrit Gil Pressnitzer de ces grands poètes juifs : Paul Celan, Nelly Sachs, Ingeborg Bachmann qui, pour avoir fait intimement l’expérience de l’horreur, donnent chair aux choses indicibles.

dimanche 2 juillet 2017

SÉLECTION DU PRIX DES DÉCOUVREURS. MACHINE ARRIÈRE DE SAMANTHA BARENDSON.

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Enfin. Avec un peu de retard par rapport aux années précédentes nous publions aujourd’hui le tout dernier dossier d’extraits consacré aux ouvrages sélectionnés pour le Prix des Découvreurs 2017-2018.

Samantha Barendson propose avec Machine arrière – dont on pourra retrouver une présentation plus détaillée dans un précédent billet - un retour sur les divers événements qui ont marqué son existence, à travers une succession de poèmes simples, apparemment désinvoltes qui sont pour elle le moyen de fixer ses souvenirs tout en les maintenant d’une certaine façon dans la distance que créent par exemple ces anciennes photographies que nous prenons plaisir à regarder même quand elles renvoient à des réalités qui ne furent pas toujours plaisantes.


Bonne chance maintenant à tous les auteurs sélectionnés. En espérant que cette nouvelle édition du Prix des Découvreurs éveillera la même curiosité que les éditions précédentes.

vendredi 30 juin 2017

SÉLECTION DU PRIX DES DÉCOUVREURS. L’IMMENSITÉ DU CIEL DE JACQUES LÈBRE.

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Nous présentons aujourd’hui le petit dossier d’extraits du livre de Jacques Lèbre, L’Immensité du ciel, paru à la Nouvelle Escampette.

Le lecteur intéressé se reportera à la recension que nous en avons faite en son temps, sur ce blog.


Le Dossier final et complet du Prix des Découvreurs sera mis en ligne dans le courant de la semaine prochaine. Il précisera les modalités très simples d’inscription et apportera les précisions utiles aux professeurs qui souhaiteraient faire participer leurs élèves à cette opération dont nous rappelons qu’elle touche chaque année de très nombreux élèves de diverses académies.  Et surtout qu’elle vise à remplir une tâche éducative majeure : aider les jeunes des écoles à s’inventer eux-mêmes. Dans leur temps. À se constituer finalement en Sujets actuels de leur propre parole.

mercredi 28 juin 2017

SÉLECTION DÉCOUVREURS. MOUJIK, MOUJIK, DE SOPHIE G. LUCAS.

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Il est des livres qu’on n’écrit pas sans colère. Non de cette colère furieuse des forcenés mais de cette « triste colère » qu’évoque le poète Alexandre Blok qui monte en soi face aux manquements dont notre société nous fournit régulièrement le spectacle.

Non que nous soyons obsédés par cette façon dont nos sociétés traitent la foule de ceux qu’elle relègue de plus en plus à leurs marges. Dans un monde où des poignées d’hommes peuvent en toute apparente légalité posséder l’équivalent des richesses de tout un continent et où la plupart trouve normal qu’un sportif ou un dirigeant d’entreprise gagnent en un mois plus d’une vie de salaire d’un ouvrier qui risque, sur les chantiers qu’il enchaîne, sa santé quand ce n’est pas sa vie, la misère, si ce n’est au cinéma, ne fait pas vraiment scandale et même si dans nos villes elle s’expose assez clairement, nous savons parfaitement en détourner le regard, lui opposer une sorte d’opacité rétinienne, d’indifférence intime qui n’est sans doute qu’une des conditions du maintien de notre propre tranquillité ou sécurité affectives.

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C’est pourquoi un travail comme celui qu’a mené Sophie G. Lucas, avec moujik moujik que les éditions de la Contre Allée ont eu l’intelligence de rééditer après une première publication en 2010 aux Editions des Etats civils de Marseille, doit être tout particulièrement salué. Précédé par une épigraphe empruntée à Jehan Rictus, ce poète méprisé qui se voulait l’ « Homère de la Débine » et n’hésitait pas à en appeler à « la vaste et triomphante jacquerie, l’assaut dernier et désespéré des masses vers les joies d’Ici-bas, vers la vie heureuse et confortable, l’Art et la Beauté, tous les éléments du Bonheur dont les humbles sont injustement privés et auxquels ils ont droit », l’ouvrage de Sophie G. Lucas s’attache à ce « qu’on voit de nouveau ces hommes et ces femmes de la rue. Qu’on les regarde ». Qu’on se confronte à cette part de vie et de mort que leur corps, le décor dans lequel ils vivent et les mots qu’ils utilisent ont à raconter. À cet insidieux et collectif mépris de la personne qu’ils ont aussi à dénoncer.

dimanche 25 juin 2017

SÉLECTION DÉCOUVREURS. LES OISEAUX FAVORABLES DE STÉPHANE BOUQUET.


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Paru en 2014 aux éditions Les Inaperçus, l’ouvrage que Stéphane Bouquet a intitulé Les oiseaux favorables semble avoir effectivement peu retenu l’attention du petit nombre de ceux qui continuent à vouloir rendre la poésie qui s’écrit aujourd’hui, non seulement un peu plus visible mais surtout plus intelligible. Et par là nécessaire.

Pourtant ce livre ou plutôt ce livret qui selon le principe des Inaperçus qui est de faire se rencontrer deux univers et de trouver l’alchimie entre une écriture poétique et une création plastique contemporaines, dialogue avec une quinzaine de photographies du journaliste, écrivain et photographe Amaury da Cunha, peut constituer pour ceux qui ne la connaîtraient pas encore une excellente porte d’entrée sinon dans l’œuvre, assez diverse, de Stéphane Bouquet, du moins dans l’esprit qui pour une grande part l’anime.

mercredi 21 juin 2017

IL Y A ENCORE DE QUOI CHANTER ! DOMAINE DES ENGLUÉS D’HÉLÈNE SANGUINETTI.


FRANZ MARC 1910 DER TRAUM

Non. Je ne crois plus trop que la parole critique – car la critique est parole avant d’être discours – ait aujourd’hui pour vocation de mettre à jour les mystères d’une écriture. D’en résoudre l’énigme. Nous sommes solitudes. Et c’est sûrement illusion de croire qu’il existe quelque part dans le monde, qu’il se trouvera un jour dans le temps, une sensibilité et une intelligence tellement frères, tellement sœurs, que nous serons enfin rejoints, compris dans notre totale et parfaite singularité.

Des livres comme ceux que publient Hélène Sanguinetti sont justement de ces livres qui, poussant à la limite leur propre affirmation d’être et de solitude peuvent nous aider à comprendre l’impasse dans laquelle s’engage quiconque voudrait trouver le mot, découvrir la formule, le magique abracadabra, qui ouvrirait pour chacun le sens d’une œuvre à tort considérée comme un bloc de significations d’une densité telle qu’il y faudrait une culture, une attention exceptionnelles pour en pénétrer, ne serait-ce qu’un peu, les principaux arcanes.