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mercredi 4 mai 2016

POUR BABEL ! DU PAIN DES LANGUES ET DES OISEAUX. PARTAGER NOS DIFFÉRENCES !

FRANZ SNYDERS CONCERT D'OISEAUX vers 1635
   
Ce texte est dédié aux élèves du lycée Henri Wallon de Valenciennes que j’ai pu rencontrer à l’occasion de la mise en place de leur première Babel Heureuse !

Babel. Babylone. Babil. Il existerait dans le monde 9000 espèces d’oiseaux. Sans doute aussi, nous dit-on, un nombre presque aussi important de langues. On sait ce qui attend l’ensemble des espèces animales  du fait de ce que les scientifiques n’hésitent plus aujourd’hui à appeler la sixième extinction massive. En revanche sait-on que notre siècle risque également de voir à jamais disparaître des milliers de ces systèmes intelligents et chaque fois singuliers d’invention de la réalité qu’utilisent les hommes pour produire et communiquer leur pensée tout en marquant leur appartenance à une communauté déterminée. 


Si chacun parlait la même langue tout irait-il vraiment mieux dans le monde ? 

samedi 27 février 2016

POUR UNE POÉSIE RÉELLEMENT ENGAGÉE ! CLIMATS DE LAURENT GRISEL.

Non la Terre ne fut pas toujours bleue. Ni toujours habitable. Vieille de plus de 4,5 milliards d’années, notre planète perdue dans l’immensité proprement sidérante de l’univers visible, change constamment de visage, souffle le chaud et le froid, fut orangée comme Titan, blanche comme Encelade. Dépendant de facteurs essentiels tels l’augmentation de la luminosité du Soleil, la tectonique des plaques, les modifications orbitales, son climat possède une histoire complexe et la vie qu’il a rendue pour nous possible résulte d’équilibres chimiques précaires que notre espèce, par son nombre d’abord, par ses choix particuliers de développement ensuite, est en train de menacer.

C’est à la demande de la MEL et de sa Présidente, la romancière Cécile Wajsbrot, que Laurent Grisel a entrepris de se saisir de la question climatique pour alerter à sa manière le public sur les risques que notre insensibilité aux perturbations que nous infligeons à la nature fait courir à l’ensemble de l’humanité. Et c’est la force actuelle de notre poésie que de lui permettre de prendre aujourd’hui la parole pour produire un texte singulier, engagé, surprenant, dont la précision de la documentation, l’ouverture informée au réel ou plutôt à ses multiples composantes, n’altèrent pas l’impact. Ni le retentissement.

Loin du sentimentalisme vaporeux et de l’hermétisme savant



dimanche 24 janvier 2016

IMMENSITÉ DES PLUS HUMBLES MATIÈRES !

JARDIN DE MOUSSES KYOTO
De retour d’une rencontre avec des élèves d’une classe de premières du lycée Berthelot de Calais je voudrais leur dédier ce billet que j’ai consacré il y a deux ou trois ans déjà à l’ouvrage de Véronique Brindeau, Louanges des mousses.

Il y a un usage du monde qui permet chaque jour de l'inventer davantage. Les vrais livres, nés d'une connivence profonde avec les choses de la vie et capables d'exprimer avec une même profondeur, la jouissance, l'émotion mais aussi la sagesse que son auteur en a retirées, nous éclairent ainsi de fenêtres nouvelles. Diffusant leur lumière, avec plus ou moins d'éclat. Et de retentissement. Louange des mousses de Véronique Brindeau appartient à la catégorie des ouvrages discrets, modestes mais dont la découverte ouvre paradoxalement sur des horizons de pensée vastes. Sinon illimités. Ce qui n'est pas sans rappeler les propos de Witold Gombrowicz dans Cosmos, "J'ai dû, vous le comprenez, recourir toujours davantage à de tout petits plaisirs, presque invisibles. Vous n'avez pas idée combien, avec ces petits détails, on devient immense, c'est incroyable comme on grandit".


Nous ne disposons pour distinguer les quelques trois cents variétés de mousse que de trois mots !

mardi 12 janvier 2016

L’INDICIPLINE DE L’EAU. JACQUES DARRAS.



C’est avec le plus grand plaisir que nous saluons aujourd’hui la sortie dans la collection Poésie / Gallimard de l’anthologie personnelle de Jacques Darras, L’indiscipline de l’eau.

Ce volume dont nous avons rédigé la Préface, paraît à l’occasion du cinquantième anniversaire de cette prestigieuse collection qui avec ses plus de cinq cents titres publiés, pris à l’ensemble des littératures du monde, s’attache à mettre en résonance les poèmes d’aujourd’hui avec ceux de tous les siècles passés.

Nul doute que la poésie « illimitée » de Jacques Darras n’ait sa place au sein d’une telle entreprise.

Comme nous le rappelons dans notre préface, « le propre de la poésie pour Jacques Darras, n'est pas de définir les contours de Vérités arrêtées. Assénées. Le propre de la poésie pour lui est de lier. D'ouvrir. D'embrayer les organes moteurs du vers à la façon, pourquoi pas, des méta-mécaniques de Tinguely, pour nous mettre tout entier, corps et esprit, en mouvement. La poésie, comme il le dit dans sa Transfiguration d'Anvers , est par excellence l'art de la proximité et de l'inachèvement. Proximité avec la totalité toujours plus à explorer de l'Univers. Et du spectacle des bulles s'élevant à l'intérieur d'un verre de Champagne qui peut ramener aux profondeurs géologiques des temps où les plaines de la Marne, de l'Aube et bien sûr de la Vesle étaient encore recouvertes par la mer, jusqu'à celui des étoiles qui parlent de ces milliards et milliards de galaxies qui composent aujourd'hui notre ciel, certes, elles ne manquent pas les provocations qu'adresse la réalité, heureusement, à nos imaginaires. Car, nous le redit à chaque ligne toute l'œuvre de Jacques Darras, le caractère inachevé, dérisoire peut-être aussi, de notre propre construction humaine ne doit pas nous désespérer. Mais être considéré avant tout comme une chance. Puisque c'est de là que s'éprouve la vie. La possibilité pour elle de se nouer amoureusement, dynamiquement à l'autre. De relancer incessamment les images1. Par quoi "prennent forme les poèmes, les voyages, les projets proportionnés aux dimensions […] de l'univers".

Note : En cela Jacques Darras se montre d’ailleurs très proche de ce que nous avons évoqué dans l’un de nos tout derniers billets à propos du Noé  de Giono
Voir aussi notre document à télécharger


dimanche 27 décembre 2015

HOMMAGE. DEUX BEAUX COMPATRIOTES DE L’AILLEURS : ERNEST HAMY ET AUGUSTE PINART.

BALTHUS
BALTHUS
J’ai vécu mes premières années dans une rue de Boulogne-sur-Mer dont le nom, seulement maintenant, plus d’un demi-siècle plus tard, évoque autre chose que ces associations qui forment le fond ensommeillé, parfois plein de poésie, des esprits encore mal contrôlés que sont les esprits d’enfance.  
Ernest Hamy, cet élément de signalétique que je recopiais avec ma date de naissance sur les étiquettes de mes cahiers d’écolier, n’était pour moi qu’une séquence graphique intellectuellement vide  qui, même plus tard, lorsque je fus devenu moins ignorant et alors même que les hasards de l’existence m’eurent conduit à m’installer à deux pas du beau manoir  du Waast qui fut la résidence d’été de mon lointain compatriote, me laissa sans curiosité. Stupidement, ma pensée le rangeait parmi les vieilles notabilités, sans histoire et sans gloire. Pourtant Hamy fut dans la seconde moitié du XIX ème siècle, un de ces enfants de Boulogne que son époque et son tempérament généreux portèrent, pour reprendre les mots merveilleux de Montaigne à embrasser l’univers comme sa ville, à jeter ses connaissances, sa société, ses affections à tout le genre humain, persuadé aussi qu’il était, comme nombre de ses contemporains éclairés, des indiscutables bienfaits de la science, des sciences devrais-je dire, et de la marche irrésistible, juste un peu ralentie parfois, du Progrès.

jeudi 10 décembre 2015

DU TEMPS OÙ LA CLASSE OUVRIÈRE ÉTAIT DIGNE. DOCHERTY DE McILVANNEY

Le poète et romancier écossais, William McIlvanney, vient de mourir le 5 décembre dernier. Pour avoir, grâce à mon ami Freddy Michalski, son traducteur, eu la chance de découvrir son superbe roman Docherty qui raconte l’histoire d’une famille de mineurs écossais peu avant le surgissement de la première guerre mondiale, je voudrais rappeler ici que McIlvanney ne fut pas que cet auteur de romans policiers qu’on a pris l’habitude de voir en lui, même si ces romans qui influencèrent, dit-on son cadet Peter May, ne manquent pas d’intérêt.

Docherty est un roman magnifique, tout en sensibilité, qui témoigne de l’extraordinaire capacité de son auteur à comprendre et à manifester dans toute leur subtilité les liens qui, en dépit des malentendus de surface et surtout des difficultés à traduire sentiments et pensées dans les formes d’une parole claire, rassemblent les membres d’une famille ouvrière, dans un contexte social où la pauvreté pour ne pas dire une certaine misère n’a pas encore, loin de là, comme on le voit de nos jours, défait le souci de la dignité et le sens des solidarités humaines les plus profondes. 

Nos lecteurs trouveront dans l’extrait que nous publions ci-dessous un très beau passage où les qualités de l’auteur, j’espère, lui apparaîtront dans leur évidence. Dans cet extrait, un jeune fils de mineur doué pour les études mais qui méprise son instituteur, tente d’expliquer à son père, qui ne sait pas lire, pourquoi il ne veut plus prolonger ses études et désire, comme lui, descendre à son tour à la mine.  

mercredi 18 novembre 2015

CENDRARS. PATRICIO GUZMAN. FABIENNE RAPHOZ ... TIENS VOILA DU BOUDIN ! COMMENT SORTIR DU NOIR ?

C’est effectivement le travail des artistes. Des écrivains. Des penseurs. Et bien entendu des poètes. Il serait toutefois dangereux de minimiser les difficultés d’une telle entreprise. Tant la réalité, si tant est qu’on puisse comme ça la désigner singulière, sidère. Tend à celui qui voudrait la regarder en face –pas à partir de ses simples réflexes mentaux - son visage pétrifiant de Méduse.

«  Un profond bouleversement de l’intelligence qui fait qu’on ne parvient pas à trouver ses mots »


Le poète Blaise Cendrars a connu, lui qui s’est volontairement jeté au cœur de l’épouvantable réalité de la première guerre mondiale, ce profond bouleversement de l’intelligence qui fait qu’on ne parvient plus à trouver ses mots, ses mots de poète, qui pourraient donner sens et l’on sait que contrairement à d’autres, comme Apollinaire par exemple, il ne se sentit plus en mesure – à l’exception d’ailleurs très significative de La Guerre au Luxembourg – d’écrire le moindre vers. Et dut attendre la seconde guerre mondiale avant de pouvoir évoquer sa propre blessure et de le faire, en prose.
Revenant en 1949, dans le Lotissement du ciel, sur ces moments où, soldat, il guettait à son créneau la nuit couvrant le no man’s land, il affirme qu’il ne trouve pas de réponse autre au terrible spectacle de la condition humaine « jetée en holocauste sur l’autel féroce et vorace des patries » que le refrain de la Légion, ce refrain qui, écrit-il, « vous fait franchir les parapets de la raison ».

« La perpétuelle réinvention de l’horreur à laquelle les hommes se prêtent de si bon cœur, de façon si diverse et parfois bien dissimulée, sur l’ensemble de la terre »