mardi 3 juillet 2018

CAHIER 4 EXTRAITS DÉCOUVREURS 2018-19 : KASPAR DE PIERRE DE LAURE GAUTHIER.


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Comme j’ai eu l’occasion de le montrer dans l’article que je lui ai consacré, le livre de Laure Gauthier, Kaspar de pierre est un livre dans lequel le détail particulier ne prend totalement sens qu’à la lumière de l’ensemble. J’espère donc que la découverte ici des extraits, comme d’ailleurs pour tous les autres ouvrages en compétition, mènera le lecteur à prendre connaissance de l’ensemble. Sans se laisser dissuader par ce que l’écriture de Laure Gauthier peut avoir de déroutant pour quiconque n’est pas encore trop familier des libertés contemporaines. 

vendredi 29 juin 2018

CAHIER D’EXTRAITS PRIX DES DÉCOUVREURS 2018-19 : CARNET SANS BORD DE LILI FRIKH.


https://drive.google.com/open?id=1q63wzQS4p1n-zaQ-PCL18mOp5rSRwWnA
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J’ai déjà pu rendre compte dans ce blog de l’intérêt que le livre de Lili Frikh a suscité chez moi. Je suis persuadé que cet ouvrage qui attire particulièrement l’attention sur la relation fondamentale qui existe entre la vie et la parole, bien au-delà du simple fait d’écrire et de trouver, comme on dit, ses mots, est de nature à faire découvrir aux jeunes à quelles nécessités peut répondre aujourd’hui, comme toujours, la poésie. Même si, comme ici, elle est prose. Et apparaît sans oripeaux.

mercredi 27 juin 2018

CAHIER D’EXTRAITS PRIX DES DÉCOUVREURS 2018-19 : LETTRES D’UNE ÎLE D’ALEXANDRE BILLON.

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Depuis plusieurs années, nous proposons à l’intention des jeunes qui auront, grâce à leurs professeurs, la chance, car c’est une chance, de participer, au Prix des Découvreurs, un Dossier leur permettant dans un premier temps de découvrir l’ensemble des 7 ouvrages que nous avons choisi de soumettre à leur curiosité. Richement illustrés et accompagnés de divers liens et références, ces dossiers visent aussi à aider les professeurs dans leur action - qui devrait devenir de plus en plus importante -  d’accompagnement des élèves en termes de formation culturelle et artistique. Notre ambition étant ici de placer la poésie au cœur des arts. 

Nous publions aujourd’hui le premier Cahier composant ce Dossier : il est consacré au beau livre d’Alexandre Billon, Lettres d’une île, publié par p.i.sage intérieur.

mercredi 20 juin 2018

AUTOPORTRAIT AUX SIÈCLES SOUILLÉS DE MICHAEL WASSON. OU QUE SAUVER DE CE QUE, MONSTRE, L’HISTOIRE A ÉCRASÉ.


« Je suis en partie monstre, en partie animal, partie eau, partie histoire, partie chant, partie farceur, toujours le sang rencontre l’eau & asperge la terre ». 


C’est à partir de ce sentiment de personnalité éclatée, diffractée - en parties violemment concurrentes ou contraires - jetée au cœur d’une réalité et d’une histoire cruelles, que le poète américain Michael Wasson, d’origine Nimíipuu ou Nez-percé, une des plus vieilles tribus indiennes, qui occupait autrefois les territoires de l’Idaho et du Montana, a composé cet Autoportrait aux siècles souillés, que les éditions des Lisières viennent de publier dans une traduction de Béatrice Machet.

samedi 16 juin 2018

DITES MERCI AUX POÈTES PRÉTENDUMENT ILLISIBLES !



Oui « bien fou du cerveau » comme dirait La Fontaine qui prétendrait en quelques lignes, sinon quelques mots,  porter sur le véritable foisonnement des poésies actuelles en France, un jugement complet, impartial ou définitif. Nous sommes un certain nombre à lire sans esprit de chapelle, avec un appétit véritable, dans un esprit d’accueil et de découvertes, quantité d’ouvrages. Dont pour certains nous faisons l’effort tout aussi véritable, de rendre compte. Sans nous contenter de quelques mots hâtifs ou mensongers. Et pourtant qui d’entre nous peut se targuer de tout connaître. Partant de tout pouvoir juger. Personnellement je suis persuadé que si la poésie, les poésies d’aujourd’hui, ont quelque chose à apporter c’est précisément par l’exemple qu’elles donnent de ces multiples singularités qui chacune semble s’être autorisée à advenir comme Sujet, Sujet à part entière à l’intérieur d’une langue qui par ses multiples emplois, tend à l’inverse, de plus en plus, à travers ce qu’on appelle la communication, à nous assujettir aux discours intéressés de l’autre. Cette « fabrique » du Sujet, chacun en poésie la tente à sa manière. Plus ou moins juste. Plus ou moins aboutie. Dans son arbre généalogique. Je veux dire à partir de ce que les hasards de la vie et de ses propres lectures ainsi que les conditions générales de sa propre sensibilité, lui permettent d’atteindre. Il en résulte, considérablement accentué par l’explosion de toutes les libertés que la poésie depuis plus d’un siècle s’est attachée à conquérir, au point de ne pouvoir plus être formellement définie par personne, des œuvres ou du moins des ouvrages voire des prestations, d’une diversité, d’une hétérogénéité telle qu’il ne s’en vit jamais auparavant dans l’histoire. Et toutes loin de là ne sont pas illisibles. Et toutes ne sont pas le fait de vieux poètes rancis. Et toutes ne sont pas nombrilistes. Et toutes ne cherchent pas non plus la vaine gloire de se faire entendre en ouverture du Journal de TF1. Où elles retomberaient, je pense, nécessairement sous l’empire de ce qu’elles avaient au départ pour vocation de fuir.


jeudi 14 juin 2018

TRAJECTOIRE DÉROUTÉE DE SANDA VOÏCA CHEZ LANSKINE.


C’est à sa fille Clara, morte d’un cancer à l’âge de 20 ans, que la poète d’origine roumaine Sanda Voïca dédie l’ouvrage que les éditions LansKine viennent de publier d’elle. Trajectoire déroutée, titre on le voit déjà très parlant, est un livre de deuil. Un livre qui témoigne à sa manière, poignante assurément, et souvent déstabilisatrice, de la façon dont la perte d’un enfant, d’un être qui, réellement, est la chair de sa chair, modifie cruellement pour une mère la courbe de sa vie, déplace son centre de gravité. La déroute. L’égare. Désorientant en profondeur ses moindres perceptions : 

mardi 12 juin 2018

"LA PUISSANCE D'UNE MOUCHE SUR LE PARE-BRISE D'UNE PORSCHE". À LIRE À LA BOUCHERIE LITTÉRAIRE !


Il y a un problème avec le mot poésie : c’est qu’appliqué à quantité de choses qui n’en sont pas,  ce terme leur confère d’ordinaire une forte valeur ajoutée alors que la chose ou les choses, restons vague, que ce terme en principe désigne, souffrent publiquement d’une cruelle désaffection. Bref, la poésie, il semble qu’on en ait d’autant plus plein la bouche qu’on n’en lit dans le fond jamais. 



De cet amer constat, le livre de Marc Guimo que vient, à sa manière un peu provocatrice, de sortir pour le Marché de la poésie qui s’achève, la Boucherie littéraire, tire une suite de variations qu’on pourrait presque dire désopilantes, si l’on était certain que le lecteur pouvait se rappeler l’origine médicale de ce mot. Car c’est vrai qu’avec cette espèce de liberté relâchée de ton et de langage, cette prise plus directe sur la trivialité de nos existences quotidiennes, par laquelle un certain nombre de jeunes auteurs entendent se démarquer du style un peu guindé, gourmet, un brin Guermantes et constipé qu’ils prêtent sans trop les connaître à leurs aînés, l’ouvrage de Guimo fait du bien et désobstrue un peu les rates, même si pour finir on peut sans doute lui préférer les réflexions et les confidences autrement plus élaborées et nourrissantes qu’on trouve par exemple dans l’Écrire et surtout le Basse langue de Christiane Veschambre, parues ces derniers temps, chez Isabelle Sauvage.

lundi 4 juin 2018

D’HANNAH. D’AHAN ! SUR OISEAU-MOI D’ÉDITH AZAM. LANSKINE.


Détail d'une toile du peintre Yves Loubeyre

« Assise au bord de l’eau » Edith Azam compose à l’intention d’une qui lui « fait couteau dans le cœur » et qu’elle appelle Hannah, une chanson de Mal-aimée qui retrouvant au passage quelques accents apollinariens secoue par ce qui s’y livre de détresse authentique et d’impuissance à la savoir dire. Toute nue et entière. Par une succession de poèmes aux vers généralement courts et saccadés, d’ahan, elle tente d’arracher son chagrin à sa « langue de terre ». Pour reprendre son vol. Se reconfondre  à cette femme-oiseau partie quelque-part bien trop loin, emportant sa part d’elle. Et ce n’est pas si doux. Et ce n’est pas si tendre, ce désarmé, désaimé lamento d’amante et de poète à qui l’on a rogné les ailes : ce presque chant rompu n’élevant vers le ciel qu’un seul mot.
 Solitude.

vendredi 1 juin 2018

SUR UN POÈME D’ETIENNE FAURE TIRÉ DE TÊTE EN BAS, GALLIMARD, 2018.


De livre en livre. De poème en poème. Et dans toutes les postures, comme ici tête en bas, Etienne Faure fore un peu plus tous les bois de la langue. Jusqu’à s’y éprouver termite. Ou plutôt lucifuges, individu pluriel : ces insectes dévorant ne se vivant qu’en groupes. Pour s’entregénérer mieux. Cela nous donne une succession de galeries par lesquelles s’enfoncer en phrases toujours recommencées, dans les communs affects de la vie et des choses qui passent. Des vies, des choses ayant saveur de passé. Et d’histoire. La dure friabilité aussi de tout ce qui depuis longtemps s’est vu creusé puis évidé en nous. La seule consistance demeurant celle de ces obstinées cheminements ou pour le mieux dire, ces sapes. Par quoi le petit grand monde versicolore que fait en nous notre existence, chez lui se réduit lentement mais sûrement, c’est un maître, en sa poudre de mots.

jeudi 31 mai 2018

SI RIEN MAJUSCULE N’ÉCARTE. SUR LA RENCONTRE EN MILIEU SCOLAIRE.


                       Il  « ne nous a point donné des paroles mortes
Que nous ayons à renfermer dans des petites boîtes
 (Ou dans des grandes),
Et que nous ayons à conserver dans (de) l’huile rance
Comme les momies d’Égypte.
[Il], ne nous a point donné des conserves de paroles
A garder,
Mais il nous a donné des paroles vivantes
A nourrir.
[…]
Les paroles de (la) vie, les paroles vivantes ne peuvent se conserver que vivantes,
Nourries vivantes,
Nourries, portées, chauffées, chaudes dans un cœur vivant.
Nullement conservées moisies dans des petites boîtes en bois ou en carton. »

Charles Péguy
Le porche du mystère de la deuxième vertu


Bien souvent j’aurais, dans ce blog comme dans celui dont il a pris la relève, fait l’éloge de la rencontre. Celle que nous promouvons et encadrons. Avec des auteurs et des êtres vivants. Dans des écoles animées par un réel souci d’ouverture à l’art perçu comme un vecteur privilégié d’élargissement et d’approfondissement d’être. Et cela ne m’a jamais empêché d’en constater le caractère illusoire dès lors qu’il ne s’agissait, en matière de poésie contemporaine, que de rencontres ponctuelles. Sans précédent. Comme sans suites. Non portées. Non vécues.

lundi 14 mai 2018

SÉLECTION 2018-2019 DU PRIX DES DÉCOUVREURS. UN CHOIX DIFFICILE.


Difficile encore cette année d’établir de façon définitive notre sélection pour le Prix des Découvreurs 2018-2019.  Choisir c’est bien entendu exclure. Un crève-cœur quand on se voit obligé de renoncer à sélectionner des textes qui nous sont chers mais qui nous feraient sortir des principaux impératifs que nous nous sommes fixés et qui avec le temps sont devenus plus clairs.

D’abord il nous fallait comme toujours proposer aux jeunes que leurs professeurs feront participer, des textes témoignant de la profonde diversité des écritures contemporaines. Et du profond renouvellement tant formel que thématique que ces écritures ont maintenant depuis longtemps introduit par rapport aux formes toujours mises à l’honneur au sein de l’institution scolaire.

vendredi 11 mai 2018

DANS LA CHAIR DU POÈME. NI LOIN NI PLUS JAMAIS D’ISABELLE LÉVESQUE.


Lorsque je serai mort depuis plusieurs années,
Et que dans le brouillard les cabs se heurteront,
Comme aujourd’hui (les choses n’étant pas changées)
Puissé-je être une main fraîche sur quelque front !

Oui. C’est à ce vœu émis, il y a plus d’une centaine d’années par ce magnifique poète que fut aussi Larbaud que je ne peux m’empêcher de songer à la lecture du dernier livre d’Isabelle Lévesque, Ni loin ni plus jamais, présenté en sous-titre comme une suite pour Jean-Philippe Salabreuil. Belle chose en effet que cette « main fraîche » passée par un poète depuis longtemps disparu sur le front d’un poète vivant. Que cette transsubstantiation qui fait ici que le verbe se fait chair. Et que ce qui était apparemment mort redevient dans un geste et pour un instant, vie.

Seulement, contrairement à ce qu’imagine l’auteur des Poésies de A.O. Barnabooth, les choses ont aujourd’hui bien changé et si les brouillards demeurent - encore que ceux de Londres qu’il évoque se soient considérablement réduits – les formes poétiques et les goûts de nos contemporains ont terriblement évolué. Au point de nous rendre certains textes moins aisément lisibles.

mardi 8 mai 2018

INSCRIPTIONS IRLANDAISES. LA PIERRE À 3 VISAGES DE FRANÇOIS RANNOU.


Pierre oghamique

Je ne sais si cette attitude est partagée par beaucoup mais je me fiche de plus en plus de démêler à propos d’un poème ce qui s’y est écrit de l’intérieur, dans une espèce de « transparence centrale », de ce qui lui est venu de l’extérieur dans une sorte d’abandon, plus ou moins improvisé, à l’imaginaire de la langue. Dans un texte réussi et qui compte, les deux également importent. Et rien de « central » n’y remonte en surface qui n’y ait été en partie invité par cette vivifiante et créatrice déprise apparente de soi que permettent les mille et une sollicitations de l’écriture. Compte pour moi qu’un poème ait une odeur. Qu’il sente ou non la tourbe ou la bruyère. Que je l’éprouve animé de vie propre. Qu’elle soit ardeur ou torpeur. S’enfonce dans les chemins tranquilles d’une campagne solitaire ou s’agite sur les quais bruyants empestant la saumure ou la bière, d’une ville étrangère.


Non que je désire que le poème me décrive. Figure. Il n’y a pas, je crois, de poésie descriptive. Mais j’attends que les matériaux qu’il utilise me rendent au vivant qui renverse. Dans une certaine épaisseur d’être. Qui aille avec le sentiment d’une approche tentée. Toujours recommencée. 

jeudi 29 mars 2018

AMANDINE MAREMBERT, PRIX DES DÉCOUVREURS 2018.


C’est à Né sans un cri, un ouvrage d’Amandine Marembert  publié aux éditions des Arêtes, qu’ira le prix des Découvreurs 2018. J’ai eu déjà l’occasion de dire ici le bien que je pensais de cet ouvrage qui au-delà de ses grandes qualités littéraires, ce qui n’est pas toujours le souci premier de la plupart de nos jeunes lecteurs, témoigne d’une profonde sensibilité à une question à laquelle ces derniers se montrent généralement plus réceptifs, qui est celle de la différence. De notre capacité aussi à comprendre, à accueillir l’altérité. De la plus ou moins grande plasticité intérieure qui nous est nécessaire pour ne pas ériger notre mode particulier et plus ou moins commun d’être, en absolu.


Amandine Marembert
Ce sont les poètes, les vrais, qui parlent le mieux de leurs confrères. Ainsi c’est à Christiane Veschambre, à la façon dont elle a su me donner envie de la lire, que je dois de m’être penché avec plus d’attention sur le travail d’Amandine Marembert. Aussi, rien ne me réjouis donc plus aujourd’hui que la perspective de voir Amandine et Christiane, rassemblées le vendredi 13 avril à Boulogne-sur-Mer, la première pour recevoir son Prix, la seconde pour nous parler avec son compagnon Aimé Agnel, de Paterson, ce beau film de Jarmusch auquel elle vient de consacrer Ils dorment, un court mais bien émouvant texte, à l’Antichambre du Préau.

dimanche 25 mars 2018

REFAIRE PASSER LA MORT DU CÔTÉ DE LA VIE. UN BOUQUET POUR LES MORTS. ENTRETIEN AVEC GEORGES GUILLAIN.


Quelle est l’origine profonde de ton livre ?

Qui ne sait qu’en matière d’art, et la poésie est avant tout un art, l’œuvre est plus souvent le fruit d’une poussée, d’un entraînement inconscient de toute la pensée sensible qu’une opération préméditée dont l’esprit aura dès le départ pesé  les principaux aboutissants.

Un Bouquet pour les morts est de ces livres dont le sens ne m’est apparu que bien tard. Et qui réellement s’est fait, pourrais-je dire, de lui-même, entendant par-là que c’est en réponse aux progressives et multiples sollicitations des divers éléments qui lentement s’y sont vus rassemblés, qu’il s’est trouvé prendre figure. 

En cela ce livre est un livre vivant. 

Oui mais dans l’adresse finale au lecteur tu le relies clairement à tous les disparus de la Grande Guerre. Et la plupart des poèmes qui composent ton Bouquet sont dédiés à des soldats de diverses origines qui ont trouvé la mort à l’occasion de ce conflit. Tu dis aussi dans cette adresse qu’ils sont comme une réponse à l’invitation que tu as découverte sur le fût d’une colonne élevée à la mémoire des soldats russes venus combattre pour la France, de leur offrir « quelques fleurs ».


C’est vrai. Mais si le livre se présente effectivement comme une offrande aux morts de la première guerre mondiale et évoque certains des lieux où ils reposent – vallée de la Somme, plaine de l’Aisne, cratère de Lochnagar, Ferme de Navarin, Main de Massiges, plateau de Californie, cimetière de Craonnelle … -  il se présente de toute évidence beaucoup moins comme le rappel des horreurs dont ces paysages furent en leur temps le théâtre que l’évocation de la relation affective, charnelle, que les disparus dont il fait état auraient pu entretenir heureusement, pleinement, avec le monde si la sauvagerie de la guerre n’avait cruellement  mis un terme à leur espérance légitime de vivre. 

Car c’est bien de l’intérieur de ma vie propre, de la relation particulière que j’entretiens avec ce qui m’entoure, m’émeut et me nourrit que cet ouvrage, peut-être, approche quelque chose de l’existence de ceux que je fais figurer dans ses pages.

vendredi 16 mars 2018

PAROLE ET BARBARIE. UN HOMME AVEC UNE MOUCHE DANS LA BOUCHE DU POÈTE IRAKIEN ALI THAREB.


On s’étonnera peut-être de voir commencer une note de lecture portant sur le recueil d’un jeune poète irakien par l’évocation d’une photographie représentant l’exécution en janvier 43 dans la ville de Bosanska Krupa, en Bosnie, d’une résistante yougoslave de 17 ans, Lepa Svetozara Radić, coupable d’avoir tiré sur des soldats allemands.


Cette image sidérante que le hasard vient de me mettre sous les yeux, interroge puissamment sur notre capacité à réagir face aux atrocités dont, pour les plus chanceux d’entre nous, nous ne sommes que les témoins lointains. Et sur la possibilité surtout que nous avons de leur donner sens par la seule vertu de la parole.

lundi 12 mars 2018

VIE ET MORT D'UN PERSONNAGE. ÉCRIRE, UN CARACTÈRE DE CHRISTIANE VESCHAMBRE AUX ÉDITIONS ISABELLE SAUVAGE.



J’aime et je l’ai dit à de nombreuses reprises tout ce qu’écrit Christiane Veschambre. J’aime aussi sa personne. Et je ne saurais trop recommander à ceux qui ne l’auraient pas encore vraiment fait, de prendre le temps de lire Basse langue, livre qui portant en apparence sur la lecture, plonge en fait assez douloureusement au coeur de toute l’expérience intime que peut avoir une femme de ce qui l’a mise au monde non comme structure close délimitée par un moi connaissable, mais comme puissance d’accueil, toute nourrie de ses manques et de ses incertitudes profondes.

samedi 10 mars 2018

PRENDRE LE LARGE : CARNET SANS BORD DE LILI FRIKH À LA RUMEUR LIBRE.





«Il faudra que je parle d’écrire… Et que ce soit parler pas écrire… Que j’avoue… Et j’avoue… Être peu  sensible aux formes de l’écrit… Être prise sans filet dans le mouvement de l’écriture. Cette différence que je sens entre les deux… Elle m’écarte… Elle me sépare… Elle me fait mal au milieu… Mais les mots sont sans abri. Ils n’ont pas de domicile fixe. Je les couche sous la couverture comme des chiens affamés. « Couchez… Allez… Couchez là… Ici… Non là… Voilà… Pas bouger… »
Mais ils ne restent pas sur le papier. Ils prennent le large
Écrire est déployé sans forme attachée
Écrire est une langue de grand départ
Aucune ligne d’arrivée
Posted at sea
16 : 27 »

Posted at sea, à différentes heures du jour, la petite centaine de proses courtes qui composent le Carnet sans bord que Lili Frikh vient de donner à la rumeur libre, ne cherche pas à consigner l’éphémère et superficielle matérialité des évènements par lesquels se raconte l’anecdote plus ou moins pittoresque, plus ou moins idéalisée, bien choisie, de ce qui fait d’ordinaire à nos yeux l’existence : c’est en profondeur toujours qu’y creuse la parole, empruntant à la plasticité des vagues, à leur inlassable et puissant mouvement son exigeante tonicité. Car c’est bien à une intime nécessité que répond d’abord tout ce livre. Qui affirme et réaffirme la volonté de son auteur de ne pas se laisser enfermer dans les mots, dans les phrases. Non plus que dans les choses. Et s’emploie tout entière à s’offrir corps et âme à la vie qui déborde.


jeudi 15 février 2018

DÉCHIRER NOTRE FILET MENTAL. GALERIE MONTAGNAISE DE DIDIER BOURDA.



À quoi se mesure l’importance ou la nécessité d’une œuvre ? Et d’ailleurs à quoi bon mesurer ? Étalonner. Classer. Toujours hiérarchiser. Difficile quand même de négliger le fait qu’il existe des œuvres qui par l’ouverture de l’intelligence sensible qui préside à leur écriture, excèdent, par la profondeur des questions et l’importance des éléments qu’elles convoquent, l’attention  toute relative que méritent la plupart des petites combinaisons poético-narcissiques par lesquelles certains parviennent à faire malgré tout illusion.


Galerie montagnaise, du béarnais Didier Bourda, est justement de ces livres majeurs qui, sans renoncer en rien à la nécessité de dire ses quatre vérités à notre triste époque, présente aussi la féroce ambition de redonner à la poésie quelque chose de la magie profonde, de la nécessité vitale, du lien originel aussi, qu’au sein de sociétés depuis longtemps disparues, elle entretenait avec le monde.