CLIQUER DANS L'IMAGE POUR LIRE LES EXTRAITS |
Chacun à notre place nous sommes les acteurs de la vie littéraire de notre époque. En faisant lire, découvrir, des œuvres ignorées des circuits médiatiques, ne représentant qu’une part ridicule des échanges économiques, nous manifestons notre volonté de ne pas nous voir dicter nos goûts, nos pensées, nos vies, par les puissances matérielles qui tendent à régir le plus grand nombre. Et nous contribuons à maintenir vivante une littérature qui autrement manquera à tous demain.
jeudi 26 mai 2016
jeudi 19 mai 2016
DES EXTRAITS DU LIVRE DE LAURENT GRISEL, CLIMATS.
Spirale des temps géologiques |
Dans le cadre de la sélection
2016-17 du Prix des Découvreurs nous proposons aujourd’hui de découvrir des
extraits du livre de Laurent Grisel, Climats,
paru aux éditions publie.net. Comme
pour la plupart des autres extraits que nous fournirons, ces textes s’accompagnent
de plusieurs documents afin de permettre à l’élève toutes sortes d’appropriations
et de prolongements.
jeudi 12 mai 2016
MIEUX CONNAÎTRE LE PASSÉ POUR COMPRENDRE LE PRÉSENT. RENCONTRE AVEC CLÉMENTINE VIDAL-NAQUET.
Comme le remarque justement le
grand historien Lucien Febvre que Clémentine Vidal-Naquet cite en exergue de
son livre sur les correspondances de guerre, « prétendre reconstituer la vie affective d’une époque donnée, c’est une
tâche à la fois extrêmement séduisante et affreusement difficile » que
l’historien toutefois « n’a pas le
droit de déserter ».
Mais pourquoi ? Pourquoi
toujours aujourd’hui, cet échange de millions et de millions de lettres - on parle de plus d'un million par jour - par lequel les couples que formaient nos arrières grands-parents ont répondu à leur séparation massive, peut-il intéresser des jeunes gens qui dépendent de technologies tellement
différentes pour communiquer un quotidien qui n'a apparemment rien à voir avec celui vécu, il y a tout juste un siècle, par
leurs lointains ancêtres.
C’est à cette question que la
jeune et talentueuse historienne Clémentine Vidal-Naquet est venue répondre, à
l’invitation de la Médiathèque de Calais, face à une vingtaine d’étudiants de
BTS du lycée Berthelot. Je ne reviendrai pas sur le contenu de la première
partie de son intervention que le lecteur pourra s’il le désire retrouver dans
la vidéo que nous avons mise en ligne. C. Vidal-Naquet y explique la façon,
fort inattendue, dont elle a pris possession de son sujet, la méthode
particulière qu’elle a suivie – toutes choses passionnantes pour comprendre un
peu la façon dont les choses se font ou pas dans notre esprit. Elle insiste
également sur la façon dont en dépit des différences sociales et des
singularités individuelles ces innombrables correspondances brassent à peu près
toutes, en fait, les mêmes lieux communs, tournant inlassablement autour des
grands thèmes de l’organisation de la vie matérielle, de la santé, de la
famille et aussi de l’amour. Pour ce qui est de ce dernier elle explique en
quoi la menace constante de la guerre, liée à l’éloignement des conjoints a peu
à peu libéré chez certains une parole au départ entravée par toutes sortes de
conventions...
dimanche 8 mai 2016
ENCORE UNE BABEL PARFAITEMENT RÉUSSIE, AU CHANNEL, AVEC LES ÉLÈVES DU LYCÉE BERTHELOT DE CALAIS !
BABEL BERTHELOT AVEC RYOKO SEKIGUCHI |
Si bien entendu certains se sont montrés
encore intimidés par le fait de venir ainsi se présenter sur scène, beaucoup,
en revanche ont manifesté de belles qualités comme en aura tout
particulièrement témoigné, je pense, aux yeux de tous, la remarquable mise en musique et en voix du célèbre texte de Baudelaire Anywhere out of the world, totalement élaborée par un groupe
d’élèves de l’option musique.
De telles manifestations dont on
aimerait qu’elles soient plus largement répandues dans tous les établissements
de France sont de celles qui nous paraissent les plus à même de redonner
vraiment le goût de la poésie à cette jeunesse qui place – c’est son âge - l’émotion et le partage loin devant les
nécessités de l’analyse et du commentaire. Ce qui ne l’empêche pas de réussir
dans ses études. Les excellents résultats des élèves du lycée Berthelot de
Calais qui mène depuis longtemps une politique d’ouverture culturelle et de rencontres parmi les plus dynamiques à coup sûr de l’Académie en sont la
preuve.
mercredi 4 mai 2016
POUR BABEL ! DU PAIN DES LANGUES ET DES OISEAUX. PARTAGER NOS DIFFÉRENCES !
FRANZ SNYDERS CONCERT D'OISEAUX vers 1635 |
Ce
texte est dédié aux élèves du lycée Henri Wallon de Valenciennes que j’ai pu
rencontrer à l’occasion de la mise en place de leur première Babel Heureuse !
Babel.
Babylone. Babil. Il existerait dans le monde 9000 espèces d’oiseaux. Sans doute aussi, nous
dit-on, un nombre presque aussi important de langues. On sait ce qui attend l’ensemble des
espèces animales
du fait de ce que les scientifiques n’hésitent plus aujourd’hui à appeler la sixième extinction massive. En revanche sait-on
que notre siècle risque également de voir à jamais disparaître des milliers de ces systèmes intelligents et chaque fois singuliers d’invention
de la réalité qu’utilisent les hommes pour produire et communiquer leur pensée
tout en marquant leur appartenance à une communauté déterminée.
Si
chacun parlait la même langue tout irait-il vraiment mieux dans le monde ?
mercredi 27 avril 2016
VINGTIÈME ÉDITION DU PRIX DES DÉCOUVREURS. CONTINUEZ LE VOYAGE !
Sélection 2016-2017 du Prix des Découvreurs |
Vingt ans. On connaît la célèbre phrase de Paul Nizan selon laquelle avoir vingt ans est loin d’être la plus belle chose de la vie. Pour une association comme la nôtre toutefois vingt ans ce n’est plus la jeunesse. Peut-être même plus l’âge adulte. Sans doute le moment de songer à s’effacer pour laisser à d’autres plus vifs et diligents le soin de donner à notre action un nouveau souffle. De fédérer autour d’eux des énergies nouvelles.
Sûrement. Mais si la tentation
existe bien de se réserver désormais pour soi, d’abandonner nos combats à
d’autres, il est chaque année moins facile, face au succès croissant de nos
actions, à l’élargissement régulier des publics que nous touchons, d’interrompre
cette dynamique qui fait que nous nous sentons de plus en plus utiles pour ne
pas dire nécessaires. D’autant que nous voyons bien qu’ils ne se pressent pas
trop ceux qui autour de nous seraient susceptibles de prendre la relève.
jeudi 31 mars 2016
LE PRIX DES DÉCOUVREURS 2016 À LA POÈTE SYRIENNE FADWA SOULEIMANE !
Fadwa Souleimane au lycée Branly de Boulogne-sur-Mer |
Ainsi que l’annonçaient bien les
premiers résultats qui nous sont parvenus, c’est sur À la pleine lune, le livre de Fadwa Souleimane publié par les
toutes jeunes éditions du Soupirail, que se sont très largement portés les
suffrages des quelques 2000 lycéens et collégiens qui cette année ont participé
à l’édition 2016 du Prix des Découvreurs.
On ne s’en étonnera pas, tant la
nature de ce livre et la personnalité de son auteur avaient de quoi retenir l’attention
de ces jeunes pour qui la poésie n’a rien à voir avec un jeu gratuit d’esthète
ou d’intellectuel avant tout soucieux de distinction. Découvrant À la pleine lune et le parcours si
particulier de son auteur ils ont, je crois, compris le caractère profondément
vital pour ce dernier de ces poèmes marqués par la guerre et l’exil, par la
volonté de ne pas laisser le dernier mot au silence, celui de la défaite et de
la résignation.
Habitués à ce qu’on leur parle de
poésie engagée et plus familiers certainement du Melancholia de Victor Hugo ou du trop fameux Liberté d’Eluard, que des écrits des poètes d’aujourd’hui
qui sont – de par la force actuelle des choses – presque tous des textes de
résistance, ils ont ainsi pu comprendre à quelles nécessités répond toujours et
en profondeur la poésie de notre temps. Quand elle est animée d’un désir
authentique de parole. D’un besoin fondamental de dire.
Comme l'écrit quelque part Ariane Dreyfus, le poème « n’est pas une succession de mots, mais l’élan
d’une parole dans la relativité d’un corps ». Et en ce sens il ne peut
exister autrement qu’engagé. Surtout si ce corps, appréhendé dans l’exil, ayant
perdu son environnement familier, ses racines d’enfance, est condamné à se
vivre désormais dans une culture, un espace et une langue autres.
Ce n’est qu’une fois installée en
France pour fuir l’arrêt de mort promulgué par le tyran syrien Assad, que la
comédienne Fadwa Souleimane a éprouvé pour la première fois la nécessité de
retrouver sa langue en se mettant à écrire de la poésie. Tombeau des morts qu’elle
a laissés derrière elle, des innocences de la paix saccagée, ses textes tout en
désignant clairement les responsables, restent toutefois habités par la volonté
farouche de ne rien céder aux multiples formes de violences qui se
concurrencent aujourd’hui un peu partout dans le monde. Certaine que les
divisions, quelles qu’en soit la nature, ne font aller l’humanité qu’un peu
plus vite vers sa perte, Fadwa Souleimane, en dépit de tout, nous invite au
chant réconcilié de l’Un.
Libellés :
AGIR CONTRE LES BARBARIES,
BOULOGNE-SUR-MER,
ENGAGEMENT,
POESIE CONTEMPORAINE,
SORTIR DU NOIR
Pays/territoire :
Western Europe
vendredi 25 mars 2016
DES FORMES ET DES FORCES ! LE PROGRAMME DE NOTRE FUTURE JOURNÉE DE DÉCOUVERTES.
Comme chaque année les Découvreurs proposent, en partenariat
avec la Ville de Boulogne-sur-Mer et la DAAC de Lille une journée de
découvertes à l’intention de tous ceux qui refusent de se laisser enfermer dans
les prescriptions de la machine médiatique soumise de plus en plus aux
impératifs marchands.
Nous aurons ainsi le plaisir de découvrir des œuvres
originales, lucides, largement ouvertes sur le monde et qui sans complaisance
témoignent de la capacité de résistance que certains restent capables de mobiliser
face à tout ce qui nous écrase.
Gageons qu’une nouvelle fois, le public sera nombreux à prendre
d’assaut les tables de notre libraire partenaire !
mardi 15 mars 2016
REPRENANT LES CHEMINS D’ICI. MAUVAISES LANGUES DE PAOL KEINEG.
faire
du simple avec
du
compliqué (ou faire semblant) :
dans
un pays sans adresse,
qu’est-ce
que je vais encore trouver
en
tournant
la
cuiller dans le bol de café
(ça
ne tourne pas rond).
Oui. C’est bien ce
lyrisme en apparence désinvolte et inquiet qui d’abord fait la force, évidente
pour moi, du livre de Paol Keineg
intitulé Mauvaises langues. Ici la
formule est celle d’une écriture qui, accompagnant les mouvements de la vie la
plus quotidienne, située dans le cadre fuyant d’une géographie qui a perdu ses
repères, d’un monde qui ne va plus très bien, cherche moins à nous asséner ses
vérités particulières qu’à s’étonner de ses découvertes. Chaque fois
renouvelées.
vendredi 11 mars 2016
CENDRARS ENCORE ET ENCORE ! UNE ÉTUDE DE LA PROSE DU TRANSSIBÉRIEN PAR COLETTE CAMELIN.
KANDINSKY, LA VIE MÉLANGÉE, 1907 |
À la demande des Découvreurs
Colette Camelin a accepté de livrer le texte d’une étude consacrée à la Prose du transsibérien et de la petite
Jehanne de France, publiée en 1913 par Blaise Cendrars et Sonia Delaunay. Occasion
pour nous de revenir dans ce blog sur celui qui se disait « un fort
mauvais poète ».
Cette étude qui a vocation à
éclairer le lecteur « bénévole »
sur les multiples aspects de ce texte en bien des points fondateur de la
modernité poétique a été complétée par nos soins de diverses références à la
peinture de l’époque ainsi que d’images provenant de diverses publications qui
permettront aussi de réfléchir sur la guerre russo-japonaise qui tient une
place si importante dans la thématique complexe de ce poème initiatique.
mercredi 9 mars 2016
UNE SIMPLE JOURNÉE À PASSER SAINE ET SAUVE ! DOINA IOANID.
Dorothea Tanning Birthday |
Mais nous autres, jamais nous n'avons un seul jour
le pur espace devant nous, où les fleurs s'ouvrent
à l'infini. Toujours le monde, jamais le
Nulle part sans le Non, la pureté
insurveillée que l'on respire,
que l'on sait infinie et jamais ne désire.
RILKE
Huitième Elégie de Duino, 1922
« Que
veulent-elles de moi, toutes ces femmes avec leur ventre de kangourou à peine
dissimulé par des tabliers fleuris, leurs cheveux imprégnés d’odeurs moites,
pourquoi m’invitent-elles à venir à leur côté, m’attirant avec leurs vies mutilées
et pourquoi leurs histoires collent-elles à moi comme de l’huile brûlante,
alors que je veux seulement qu’elles me fichent la paix et me laissent aller
mon chemin ? » Dans
l’univers bien particulier de la poète roumaine Doina Ioanid, la relation qu’entretient
l’être avec le monde est toujours captivante. Je veux dire un peu possessive. Et
les frontières que dessinent les identités tout comme les moments successifs du
temps se montrent la plupart du temps dangereusement poreuses.
Un mouvement qui n’est pas sans
rappeler celui de la ruade du cheval entravé qui regimbe.
jeudi 3 mars 2016
MULTIPLIER LES RENCONTRES. UNE NÉCESSITÉ !
Oui. Je crois de plus en plus à l’importance des
rencontres. Notamment en milieu scolaire où il me semble nécessaire de faire
comprendre que l’engagement dans l’écriture – principalement poétique - n’a
rien d’un jeu factice ou intellectuel mais se trouve indissociablement lié à une
affirmation vitale, un besoin aussi de comprendre et de saisir le monde. D’élargir
ses horizons. De repousser les limites des représentations qui enferment. Et de
trouver la bonne distance par rapport au langage, instrument d’être et de
pensée.
Plutôt que de rendre compte de façon factuelle des
nombreuses interventions que je viens d’effectuer ou d’accompagner dans divers
établissements il m’a paru opportun de redonner ici le texte d’un long
entretien que m’a proposé il y a quelques temps Florence Trocmé pour POEZIBAO. Car
il importe de fournir à tous ceux qui comme nous s’y impliquent réellement,
des fondements réflexifs qui légitiment de plus en plus ces pratiques que
certains voudraient continuer à réduire à l’anecdotique, à enfermer dans de
simples séances d’animation ne nécessitant aucun investissement réel. Aucune
préparation.
Florence
Trocmé : Georges Guillain, vous
êtes à l’origine d’un prix centré sur la poésie qui a cette particularité
d’être décerné par un jury de lycéens. Pouvez-vous nous parler de ce Prix des
Découvreurs, nous en redire la genèse, l’idée qui a présidé à sa conception.
Georges
Guillain :
Chère Florence, oui. Le Prix des Découvreurs aura
bientôt 20 ans. Et touche désormais chaque année quelques milliers de lycéens
mais aussi de collégiens de troisième, de Dunkerque à Yaoundé ! Plutôt
d'ailleurs que d'idée, je préfère parler de sentiment. Tant au départ, ce qui
m'aura guidé et dont je n'ai maintenant qu'un souvenir assez vague, devait
sûrement être assez différent des raisons qui aujourd'hui m'encouragent à
désirer toujours prolonger et surtout élargir de plus en plus l'aventure. Le
Prix des Découvreurs a commencé, en 1996, par un courrier que m'aura adressé
l'adjoint à la Culture de la Ville de Boulogne-sur-Mer qui me sachant poète me
demandait de réfléchir avec lui à la façon de relancer un Prix de Poésie jadis
décerné par la ville et tombé, à juste titre, en désuétude.
"La littérature ne peut plus
être considérée que comme objet de culture, renvoyant nécessairement à des
vocabulaires datés. Des formes un peu figées. Coupées des ressources nouvelles
d'époque. "
samedi 27 février 2016
POUR UNE POÉSIE RÉELLEMENT ENGAGÉE ! CLIMATS DE LAURENT GRISEL.
Non la Terre ne fut pas toujours
bleue. Ni toujours habitable. Vieille de plus de 4,5 milliards d’années, notre
planète perdue dans l’immensité proprement sidérante de l’univers visible,
change constamment de visage, souffle le chaud et le froid, fut orangée comme
Titan, blanche comme Encelade. Dépendant de facteurs essentiels tels
l’augmentation de la luminosité du Soleil, la tectonique des plaques, les
modifications orbitales, son climat possède une histoire complexe et la vie
qu’il a rendue pour nous possible résulte d’équilibres chimiques précaires que
notre espèce, par son nombre d’abord, par ses choix particuliers de
développement ensuite, est en train de menacer.
C’est à la demande de la MEL et
de sa Présidente, la romancière Cécile Wajsbrot, que Laurent Grisel a entrepris
de se saisir de la question climatique pour alerter à sa manière le public sur
les risques que notre insensibilité aux perturbations que nous infligeons à la
nature fait courir à l’ensemble de l’humanité. Et c’est la force actuelle de
notre poésie que de lui permettre de prendre aujourd’hui la parole pour
produire un texte singulier, engagé, surprenant, dont la précision de la
documentation, l’ouverture informée au réel ou plutôt à ses multiples
composantes, n’altèrent pas l’impact. Ni le retentissement.
Loin du sentimentalisme vaporeux et de l’hermétisme savant
dimanche 21 février 2016
DEUX POÈTES TAÏWANAIS POUR DIRE AUSSI NOTRE HISTOIRE !
GRAVURE DE NELIDA MEDINA |
Sans doute qu’il y a quelques
années, j’aurais accordé aux deux ouvrages que vient de m’envoyer Neige d’août, une attention moins grande.
Moins accompagnatrice. C’est que les poèmes de ces deux auteurs taïwanais que
Camille Loivier, l’une des chevilles ouvrières de ces publications, a tenu à me
faire découvrir, ne relèvent pas de ces écritures savantes, retournées,
interrogeant inlassablement leur relation sensible et longue à la parole, déconstruisant,
reconstruisant dans une recherche sans fin de leur identité, une langue dont on
sait pourtant depuis bien longtemps qu’elle ne nous appartient pas en propre.
Je n’ai évidemment rien contre ces voix
intérieures qu’il est dans la nature même de la poésie de pouvoir faire
entendre mais à l’heure où l’univers dans lequel nous vivons vient si largement
à nous et avec lui son lot de négations sanglantes de la plupart des valeurs
sur lesquelles s’est bâti notre hypothétique humanité, j’attends désormais que
la voix du poète prenne davantage en charge l’Histoire, ses désastres, ses
drames, bref, l’infinité des situations le plus souvent peu enviables que le
monde tel qu’il est impose à ses populations.
samedi 13 février 2016
EXPLORATION DE LA VISIBILITÉ
Tête de Telamon, Agrigente |
Les éditions Flammarion viennent
de sortir le dernier ouvrage consacré par le poète Nicolas Pesquès à La Face Nord de Juliau à laquelle il semble
avoir maintenant consacré la quasi totalité de sa vie littéraire.
Je ne pense pas totalement
inutile de redonner dans ce blog l’article que j’ai consacré il y a quelques
années dans la Quinzaine Littéraire aux volumes 5 et 6 de cette singulière et magnifique entreprise.
Vigoureusement
calé sur sa colline ardéchoise, le travail de Nicolas Pesquès qui fait paraître
chez André Dimanche les volumes 5 et 6 de la Face nord de Juliau, se présente comme le récit particulier d’une exploration entamée
depuis plus de 20 ans, non de la chose vue, voire d’un paysage fuyant en
constante métamorphose mais de ce qu’appelait si bien Maurice Merleau-Ponty
dans son dernier grand ouvrage l’Oeil et l’Esprit, un circuit :
le circuit ouvert du corps voyant au corps visible.
A l’origine, peut-être, comme
la tentative d’épuisement d’un lieu particulier : une modeste colline rêche,
râpeuse, couverte de buis, de genêts, de genévriers, à laquelle le regard se
trouve quotidiennement confronté. Une colline où sur l’autre face, au sud, aura
vécu et écrit en son temps le poète Jacques Dupin auquel Nicolas Pesquès a d’ailleurs
consacré en 1994, chez Fourbis, un bel ouvrage écrit dans l’amitié de la voix.
lundi 8 février 2016
RENCONTRES AVEC FADWA SOULEIMANE.
Dans le cadre de l’édition
2015-2016 du Prix des Découvreurs, nous venons d’accompagner la poète syrienne
Fadwa Souleimane dans deux grands lycées de Boulogne-sur-Mer, les lycées
Mariette et Branly. Nous reviendrons sur ces rencontres qui seront suivies
prochainement par des interventions dans d’autres établissements de l’Académie
de Lille, notamment à Calais, Denain et Valenciennes.
Disons simplement ici que ces
interventions ont particulièrement touché les nombreux jeunes qui ont eu la
chance de rencontrer celle qui s’est surtout présentée comme une porte-parole
du peuple syrien victime d’une guerre qui dépasse largement les enjeux de
politique intérieure auxquels certains voudraient la réduire.
Tout comme le public, venu rencontrer
l’auteur à la librairie l’Horizon, chacun a pu se rendre compte de la forte
personnalité de Fadwa Souleimane, une femme artiste qui après s’être engagée au service d’une révolution
pacifiste n’a rien renié de ses idéaux et continue, envers et contre tout, son
combat de justice et de fraternité.
samedi 30 janvier 2016
POÈMES À LYRE. DE L’ODE À LA MÉLODIE.
POESIE LYRIQUE Charles de la FOSSE |
Antoine
Houlou-Garcia, nous a adressé il y a quelques semaines un texte consacré aux
relations étroites que la poésie, depuis son origine, entretient avec la
musique.
Nous en
proposons ici la lecture qui ne manquera pas d'intéresser plus particulièrement
ces classes auxquelles nous rappelons régulièrement que la poésie est un art qui réclame une intelligence sachant
ne jamais se découpler d'avec la sensibilité.
lundi 25 janvier 2016
DE LA VIE PLEIN LA VOIX. HOMMAGE À LUDOVIC JANVIER.
LUDOVIC JANVIER LORS DE LA REMISE DU PRIX DES DECOUVREURS 2002 |
Notre ami Ludovic Janvier vient de mourir à Paris, à l’âge de
82 ans. Depuis plusieurs années il luttait contre la maladie en continuant
d’écrire, de voyager, de se baigner dans les eaux de la Méditerranée,
d’arpenter les rues du beau Paris auquel il consacrait un livre. C’était un
être profondément vivant. Que sa grande culture, sa puissante sensibilité, qui
n’allait pas sans tristesse, n’empêchait pas d’être drôle.
Volontiers
critique, il s’intéressait aux gens. Se moquait volontiers de lui-même. Tout en
régalant par sa conversation qui pouvait porter sur tout. De Beckett bien
entendu dont il fut, tôt, le traducteur et l’ami. De musique - plus
particulièrement de jazz - et de peinture – il adorait Bonnard – mais aussi de
football, de cuisine, de politique et de famille. Il parlait souvent de ses
enfants. De son enfance aussi et de sa mère avec laquelle il semblait, bien
après sa disparition, ne pas avoir clos une relation difficile.
L’homme
qui vient de disparaître fut à nos yeux un de nos plus grands poètes. Quelqu’un
qui, tout en ayant assimilé les conquêtes de la modernité et bien au clair sur
son époque, savait toujours s’inscrire dans l’espace millénaire d’une poésie
dont il connaissait parfaitement les origines et les plus secrètes puissances.
L’homme
qui vient de disparaître fut un vivant magnifique.
De
la vie plein la voix.
Pour ceux qui voudraient
découvrir cet auteur voir dans ce blog ce poème magistral qu’est Grand Stade. Avec un très bel article de
Charles Dobzynski sur Doucement
avec l’ange, Prix des Découvreurs 2002.
Voir aussi dans nos Dossiers les 2 articles que nous lui avons consacrés dans la
Quinzaine Littéraire.
dimanche 24 janvier 2016
IMMENSITÉ DES PLUS HUMBLES MATIÈRES !
JARDIN DE MOUSSES KYOTO |
De retour d’une rencontre avec des élèves d’une classe de premières du lycée Berthelot de Calais je voudrais leur dédier ce
billet que j’ai consacré il y a deux ou trois ans déjà à l’ouvrage de Véronique
Brindeau, Louanges des mousses.
Il y a un
usage du monde qui permet chaque jour de l'inventer davantage. Les vrais
livres, nés d'une connivence profonde avec les choses de la vie et capables
d'exprimer avec une même profondeur, la jouissance, l'émotion mais aussi la
sagesse que son auteur en a retirées, nous éclairent ainsi de fenêtres
nouvelles. Diffusant leur lumière, avec plus ou moins d'éclat. Et de
retentissement. Louange des mousses
de Véronique Brindeau appartient à la catégorie des ouvrages discrets, modestes
mais dont la découverte ouvre paradoxalement sur des horizons de pensée vastes.
Sinon illimités. Ce qui n'est pas sans rappeler les propos de Witold Gombrowicz
dans Cosmos, "J'ai dû, vous le comprenez, recourir
toujours davantage à de tout petits plaisirs, presque invisibles. Vous n'avez
pas idée combien, avec ces petits détails, on devient immense, c'est incroyable
comme on grandit".
Nous ne disposons pour distinguer les quelques trois
cents variétés de mousse que de trois mots !
samedi 23 janvier 2016
KATRINA. ISLE DE JEAN CHARLES, LOUISIANE. FRANK SMITH. CES LIEUX QUI SONT AUSSI DES FORCES !
Habitation Isle Jean Charles |
« Il faut s’exercer au lexique de l’écart, de
l’éloignement, de la dispersion. Pointer du doigt les formes de l’effacement.
L’abandon et l’abolition s’ajoutent à la liste. On lutte contre
l’anéantissement, c’est toujours ce que l’on entend au sujet des Indiens. »
Je ne me lancerai pas ici dans
une analyse du beau livre que Frank Smith
a consacré au sort de cette terre de Louisiane aujourd’hui noyée dans l’éparpillement,
à laquelle, malgré ouragans et cyclones, malgré les féroces dégâts occasionnés
par l’exploitation pétrolière, continuent de s’accrocher quelques descendants
d’Indiens Biloxi-Chitazmacha-Choctaw qui semblent y avoir mené, dans le vieux temps, c’est-à-dire au
moins jusqu’au milieu du siècle dernier, une vie relativement protégée. Je ne
ferais assurément pas mieux que l’excellent compte-rendu de Jean-Philippe
Cazier, intitulé Poétique de la circulation, qu’on pourra lire en accès libre sur MEDIAPART.
Je ne suis pas familier de
l’œuvre de Frank Smith et suis même généralement sceptique sur l’intérêt, pour
moi, des livres que défendent a priori
quelques-uns de ces artistes intellectuels proclamés d’avant-garde qui semblent
lui vouer une certaine admiration. L’agacement que provoquent chez moi la
multiplication, dans la création contemporaine, des listes, son refus assez
systématique de l’élaboration rythmique et syntaxique, la platitude assez
générale de la langue et ses copiés-collés de la soi-disant réalité, aurait dû
même me détourner de m’intéresser à un ouvrage où ces choses, à première vue,
se découvrent.
Me retiennent pourtant et
fortement dans ce livre, non seulement le tableau déprimant de notre monde de
plus en plus abandonné aux puissances technologiques, matérielles et
financières qui le défigurent et en réduisent toujours davantage la belle et
giboyeuse diversité humaine et naturelle. Non seulement encore le dispositif
ouvert choisi par Frank Smith pour rendre compte de son empathique relation
avec la micro-nation indienne par laquelle il est parvenu à se faire accueillir.
Me retient en premier lieu la disposition d’un authentique écrivain qui dans ce
livre semble presque totalement renoncer à cette position d’autorité que lui confère en principe sa
qualité d’auteur.
Un délestage de soi-même
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