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jeudi 12 mai 2016

MIEUX CONNAÎTRE LE PASSÉ POUR COMPRENDRE LE PRÉSENT. RENCONTRE AVEC CLÉMENTINE VIDAL-NAQUET.

Comme le remarque justement le grand historien Lucien Febvre que Clémentine Vidal-Naquet cite en exergue de son livre sur les correspondances de guerre, « prétendre reconstituer la vie affective d’une époque donnée, c’est une tâche à la fois extrêmement séduisante et affreusement difficile » que l’historien toutefois « n’a pas le droit de déserter ».

Mais pourquoi ? Pourquoi toujours aujourd’hui, cet échange de millions et de millions de lettres - on parle de plus d'un million par jour - par lequel les couples que formaient nos arrières grands-parents ont répondu à leur séparation massive, peut-il intéresser des jeunes gens qui dépendent de technologies tellement différentes pour communiquer un quotidien qui n'a apparemment rien à voir avec celui vécu, il y a tout juste un siècle, par leurs lointains ancêtres.

C’est à cette question que la jeune et talentueuse historienne Clémentine Vidal-Naquet est venue répondre, à l’invitation de la Médiathèque de Calais, face à une vingtaine d’étudiants de BTS du lycée Berthelot. Je ne reviendrai pas sur le contenu de la première partie de son intervention que le lecteur pourra s’il le désire retrouver dans la vidéo que nous avons mise en ligne. C. Vidal-Naquet y explique la façon, fort inattendue, dont elle a pris possession de son sujet, la méthode particulière qu’elle a suivie – toutes choses passionnantes pour comprendre un peu la façon dont les choses se font ou pas dans notre esprit. Elle insiste également sur la façon dont en dépit des différences sociales et des singularités individuelles ces innombrables correspondances brassent à peu près toutes, en fait, les mêmes lieux communs, tournant inlassablement autour des grands thèmes de l’organisation de la vie matérielle, de la santé, de la famille et aussi de l’amour. Pour ce qui est de ce dernier elle explique en quoi la menace constante de la guerre, liée à l’éloignement des conjoints a peu à peu libéré chez certains une parole au départ entravée par toutes sortes de conventions...

jeudi 31 mars 2016

LE PRIX DES DÉCOUVREURS 2016 À LA POÈTE SYRIENNE FADWA SOULEIMANE !

Fadwa Souleimane au lycée Branly de Boulogne-sur-Mer
Ainsi que l’annonçaient bien les premiers résultats qui nous sont parvenus, c’est sur À la pleine lune, le livre de Fadwa Souleimane publié par les toutes jeunes éditions du Soupirail, que se sont très largement portés les suffrages des quelques 2000 lycéens et collégiens qui cette année ont participé à l’édition 2016 du Prix des Découvreurs.

On ne s’en étonnera pas, tant la nature de ce livre et la personnalité de son auteur avaient de quoi retenir l’attention de ces jeunes pour qui la poésie n’a rien à voir avec un jeu gratuit d’esthète ou d’intellectuel avant tout soucieux de distinction. Découvrant À la pleine lune et le parcours si particulier de son auteur ils ont, je crois, compris le caractère profondément vital pour ce dernier de ces poèmes marqués par la guerre et l’exil, par la volonté de ne pas laisser le dernier mot au silence, celui de la défaite et de la résignation.

Habitués à ce qu’on leur parle de poésie engagée et plus familiers certainement du Melancholia de Victor Hugo ou du trop fameux Liberté d’Eluard, que des écrits des poètes d’aujourd’hui qui sont – de par la force actuelle des choses – presque tous des textes de résistance, ils ont ainsi pu comprendre à quelles nécessités répond toujours et en profondeur la poésie de notre temps. Quand elle est animée d’un désir authentique de parole. D’un besoin fondamental de dire.

Comme l'écrit quelque part Ariane Dreyfus, le poème « n’est pas une succession de mots, mais l’élan d’une parole dans la relativité d’un corps ». Et en ce sens il ne peut exister autrement qu’engagé. Surtout si ce corps, appréhendé dans l’exil, ayant perdu son environnement familier, ses racines d’enfance, est condamné à se vivre désormais dans une culture, un espace et une langue autres.


Ce n’est qu’une fois installée en France pour fuir l’arrêt de mort promulgué par le tyran syrien Assad, que la comédienne Fadwa Souleimane a éprouvé pour la première fois la nécessité de retrouver sa langue en se mettant à écrire de la poésie. Tombeau des morts qu’elle a laissés derrière elle, des innocences de la paix saccagée, ses textes tout en désignant clairement les responsables, restent toutefois habités par la volonté farouche de ne rien céder aux multiples formes de violences qui se concurrencent aujourd’hui un peu partout dans le monde. Certaine que les divisions, quelles qu’en soit la nature, ne font aller l’humanité qu’un peu plus vite vers sa perte, Fadwa Souleimane, en dépit de tout, nous invite au chant réconcilié de l’Un.



lundi 8 février 2016

RENCONTRES AVEC FADWA SOULEIMANE.

Dans le cadre de l’édition 2015-2016 du Prix des Découvreurs, nous venons d’accompagner la poète syrienne Fadwa Souleimane dans deux grands lycées de Boulogne-sur-Mer, les lycées Mariette et Branly. Nous reviendrons sur ces rencontres qui seront suivies prochainement par des interventions dans d’autres établissements de l’Académie de Lille, notamment à Calais, Denain et Valenciennes.

Disons simplement ici que ces interventions ont particulièrement touché les nombreux jeunes qui ont eu la chance de rencontrer celle qui s’est surtout présentée comme une porte-parole du peuple syrien victime d’une guerre qui dépasse largement les enjeux de politique intérieure auxquels certains voudraient la réduire.

Tout comme le public, venu rencontrer l’auteur à la librairie l’Horizon, chacun a pu se rendre compte de la forte personnalité de Fadwa Souleimane, une femme artiste qui après  s’être engagée au service d’une révolution pacifiste n’a rien renié de ses idéaux et continue, envers et contre tout, son combat de justice et de fraternité.

samedi 23 janvier 2016

KATRINA. ISLE DE JEAN CHARLES, LOUISIANE. FRANK SMITH. CES LIEUX QUI SONT AUSSI DES FORCES !

Habitation Isle Jean Charles



Il faut s’exercer au lexique de l’écart, de l’éloignement, de la dispersion. Pointer du doigt les formes de l’effacement. L’abandon et l’abolition s’ajoutent à la liste. On lutte contre l’anéantissement, c’est toujours ce que l’on entend au sujet des Indiens. »

Je ne me lancerai pas ici dans une analyse du beau livre que Frank Smith  a consacré au sort de cette terre de Louisiane aujourd’hui noyée dans l’éparpillement, à laquelle, malgré ouragans et cyclones, malgré les féroces dégâts occasionnés par l’exploitation pétrolière, continuent de s’accrocher quelques descendants d’Indiens Biloxi-Chitazmacha-Choctaw qui semblent y avoir mené, dans le vieux temps, c’est-à-dire au moins jusqu’au milieu du siècle dernier, une vie relativement protégée. Je ne ferais assurément pas mieux que l’excellent compte-rendu de Jean-Philippe Cazier, intitulé Poétique de la circulation, qu’on pourra lire en accès libre sur MEDIAPART.

Je ne suis pas familier de l’œuvre de Frank Smith et suis même généralement sceptique sur l’intérêt, pour moi, des livres que défendent a priori quelques-uns de ces artistes intellectuels proclamés d’avant-garde qui semblent lui vouer une certaine admiration. L’agacement que provoquent chez moi la multiplication, dans la création contemporaine, des listes, son refus assez systématique de l’élaboration rythmique et syntaxique, la platitude assez générale de la langue et ses copiés-collés de la soi-disant réalité, aurait dû même me détourner de m’intéresser à un ouvrage où ces choses, à première vue, se découvrent.

Me retiennent pourtant et fortement dans ce livre, non seulement le tableau déprimant de notre monde de plus en plus abandonné aux puissances technologiques, matérielles et financières qui le défigurent et en réduisent toujours davantage la belle et giboyeuse diversité humaine et naturelle, non seulement encore le dispositif ouvert choisi par Frank Smith pour rendre compte de son empathique relation avec la micro-nation indienne par laquelle il est parvenu à se faire accueillir, mais tout particulièrement la disposition d’un authentique écrivain qui dans ce livre semble presque totalement renoncer à cette position d’autorité que lui confère en principe sa qualité d’auteur.

                                           Un délestage de soi-même


mercredi 18 novembre 2015

CENDRARS. PATRICIO GUZMAN. FABIENNE RAPHOZ ... TIENS VOILA DU BOUDIN ! COMMENT SORTIR DU NOIR ?

C’est effectivement le travail des artistes. Des écrivains. Des penseurs. Et bien entendu des poètes. Il serait toutefois dangereux de minimiser les difficultés d’une telle entreprise. Tant la réalité, si tant est qu’on puisse comme ça la désigner singulière, sidère. Tend à celui qui voudrait la regarder en face –pas à partir de ses simples réflexes mentaux - son visage pétrifiant de Méduse.

«  Un profond bouleversement de l’intelligence qui fait qu’on ne parvient pas à trouver ses mots »


Le poète Blaise Cendrars a connu, lui qui s’est volontairement jeté au cœur de l’épouvantable réalité de la première guerre mondiale, ce profond bouleversement de l’intelligence qui fait qu’on ne parvient plus à trouver ses mots, ses mots de poète, qui pourraient donner sens et l’on sait que contrairement à d’autres, comme Apollinaire par exemple, il ne se sentit plus en mesure – à l’exception d’ailleurs très significative de La Guerre au Luxembourg – d’écrire le moindre vers. Et dut attendre la seconde guerre mondiale avant de pouvoir évoquer sa propre blessure et de le faire, en prose.
Revenant en 1949, dans le Lotissement du ciel, sur ces moments où, soldat, il guettait à son créneau la nuit couvrant le no man’s land, il affirme qu’il ne trouve pas de réponse autre au terrible spectacle de la condition humaine « jetée en holocauste sur l’autel féroce et vorace des patries » que le refrain de la Légion, ce refrain qui, écrit-il, « vous fait franchir les parapets de la raison ».

« La perpétuelle réinvention de l’horreur à laquelle les hommes se prêtent de si bon cœur, de façon si diverse et parfois bien dissimulée, sur l’ensemble de la terre »